Hydrogène naturel : premières recherches autorisées en France, dans le Sud-Ouest
De l’hydrogène naturel dans le sous-sol ? Alors que les appétits s’aiguisent dans le monde pour cette source d’énergie primaire décarbonée, un premier permis d’exploration vient d’être accordé en France, dans les Pyrénées-Atlantiques, et cinq autres sont en attente.
Annoncé dimanche 3 décembre dans le Journal officiel, ce « permis exclusif de recherches de mines d’hydrogène natif, hélium et substances connexes dit Sauve Terre H2 » a été accordé à la société TBH2 Aquitaine pour cinq ans sur une zone d’environ 225 km2.
« C’est un grand jour, on est très heureux de cette aventure qui démarre », a réagi auprès de l’AFP Vincent Bordmann, fondateur de l’entreprise basée à Pau.
Selon lui, l’octroi de ce permis enclenche les travaux d’exploration, à commencer par des études sismiques. Le forage n’interviendra que dans deux ou trois ans après de nouvelles autorisations.
Selon le gouvernement, il s’agit du premier permis accordé parmi six demandes déposées actuellement en France pour des recherches d’hydrogène dit « blanc », un gaz naturellement présent dans le sous-sol partout sur la planète.
Ce vecteur d’énergie suscite un intérêt grandissant pour la décarbonation de l’industrie et des transports dans la mesure où il aurait l’avantage de ne pas émettre de CO2, un des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, contrairement à l’hydrogène dit « gris », produit à partir d’énergies fossiles. Quant à l’hydrogène industriel dit « vert », fabriqué à partir d’électricité renouvelable, sa production est très onéreuse.
Les autres dossiers à l’instruction sont situés dans le centre du pays, en Lorraine et dans le Jura, ainsi que dans les Pyrénées-Atlantiques, où une demande de permis de recherches a été déposée en mars par la startup 45-8 Energy, basée à Metz, et Storengy, filiale d’Engie, pour une zone de 266 km³ mitoyenne sur dix kilomètres de celle que va prospecter TBH2 Aquitaine.
Des études de terrain préliminaires avaient confirmé le potentiel du secteur. « À proximité des Pyrénées, l’hydrogène vient de l’interaction eau/roche » dans le sous-sol, explique Isabelle Moretti, chercheuse à l’université de Pau et des Pays de l’Adour.
On en trouve d’ailleurs aussi côté espagnol, où l’entreprise Helios Aragón veut exploiter un puits foré il y a cinquante ans. « À l’époque, ça n’intéressait personne », souligne la scientifique.
La société espagnole table sur une réserve de 1,1 million de tonnes d’hydrogène naturel, qui pourrait être produit à un prix avoisinant un euro le kilo, « soit moitié moins cher » que l’hydrogène le plus abordable actuellement – « qui lui n’est pas décarboné » -, souligne Isabelle Moretti.
La certitude de l’existence d’hydrogène sous nos pieds n’en était pas une il y a encore dix ans, relève Yannick Peysson, responsable de programmes à IFP Energies nouvelles. « Les choses s’accélèrent, c’est absolument clair », abonde le géochimiste Alain Prinzhofer, spécialiste de l’hydrogène naturel.
Dans le monde, des forages ont débuté en Australie ou aux États-Unis mais un seul site produit actuellement de l’hydrogène naturel, au Mali.
« C’est une découverte qui a changé beaucoup de choses », ajoute Alain Prinzhofer, qui connaît bien ce gisement situé à 100 mètres de profondeur à Bourakébougou. « On a constaté que la pression y reste constante, voire augmente », ce qui implique un renouvellement des flux « à l’échelle d’un temps humain ».
Selon lui, la bascule est faite dans la filière. Après les recherches pionnières « de petites entreprises qui acceptent le risque », « les gros pétroliers et les grandes majors de l’énergie sont désormais en embuscade et surveillent l’évolution » du secteur.
En avril 2022, le Code minier français a été amendé sur de nombreux points, dont l’ajout de l’hydrogène naturel à la liste des ressources minières. Mais les législations en la matière sont loin d’être homogènes.
« C’est un domaine foisonnant et dans beaucoup de pays, il n’y a pas de feuille de route claire », constate Yannick Peysson, qui reste « modéré sur le potentiel » de la ressource et appelle surtout à investir dans la recherche.
Isabelle Moretti acquiesce : « Beaucoup de chercheurs français travaillent sur l’hydrogène naturel mais notre avance est en train de se réduire car certains gouvernements mettent énormément d’argent » dans la filière naissante.
(Avec AFP)
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