Transition énergétique : 2023, année record pour l’Allemagne
Double record pour l’Allemagne en 2023, qui a vu sa part d’énergie renouvelable dépasser les 50 % de sa production d’électricité et dont les émissions de CO2 ont atteint leur niveau le plus bas depuis 70 ans. Des records liés en particulier à la diminution du recours au charbon, qui reste le point noir de son mix énergétique.
Les énergies renouvelables ont, pour la première fois, couvert plus de la moitié de la production d’électricité en Allemagne en 2023, alors que la part du charbon, en recul, représente encore un quart du bouquet énergétique, selon un bilan publié mercredi 3 janvier 2024. La part de l’électricité produite à partir des renouvelables s’est établie à 55 % l’an dernier, après 48,42 % en 2022, a indiqué le régulateur allemand de l’énergie (Bundesnetzagentur) dans un communiqué.
Les éoliennes y ont le plus contribué, avec une part de 31 % dans le bouquet électrique pour les installations sur terre et en mer. Le photovoltaïque a représenté 12 % de la production et la biomasse autour de 8 %. Cette montée en puissance s’est accompagnée d’un recul de la part du charbon à 26 % du bouquet de production contre près de 34 % l’an dernier lorsque l’Allemagne avait augmenté son recours à cette énergie polluante sur fond d’arrêt des livraisons de gaz russe en raison de la guerre en Ukraine.
Sortir du charbon
La sortie du charbon est le principal défi de la transition énergétique menée par la première économie européenne. Le gouvernement allemand compte atteindre 80 % d’électricité renouvelable dans la consommation brute d’électricité d’ici à 2030, un objectif jugé ambitieux. La consommation brute d’électricité diffère de la production d’électricité puisqu’elle prend en compte importations et exportations du pays concerné. Les renouvelables ont aussi dépassé la moitié de la consommation d’électricité en 2023 en Allemagne, avait indiqué dès décembre la fédération du secteur, avançant le chiffre de 52 %.
En 2023, la consommation d’électricité en Allemagne a baissé pour la deuxième année de suite, de 5,4 %, et la production a reculé de 9,1 %. La part du nucléaire dans la production (6 % en 2022) a été réduite à presque néant avec la fermeture au printemps des trois derniers réacteurs du pays.
Si la production d’électricité à partir de charbon a fortement baissé (-36,8 % pour la houille et -24,8 % pour la lignite), le recours au gaz a augmenté de plus de 31 %. Avec la baisse des prix du gaz en 2023 et dans un contexte de prix élevés du CO2, les exploitants se sont reportés sur les centrales électriques au gaz dont le coût était moins élevé que celles au charbon, explique le régulateur.
L’Allemagne a également fortement augmenté ses importations d’électricité. Le pays a acheté à ses voisins 54,1 TWh d’électricité durant l’année, contre 33,2 TWh en 2022, en premier lieu au Danemark et à la France. L’Allemagne a exporté 42,4 TWh d’électricité, avec l’Autriche et la France pour principaux clients.
Les émissions de CO2 au plus bas
Conséquence de ce nouveau mix énergétique : la baisse des émissions de CO2 de l’Allemagne, première nation industrielle d’Europe. Les émissions ainsi ont atteint leur niveau le plus bas depuis environ 70 ans, grâce au recul plus fort qu’attendu du recours au charbon, selon une étude publiée jeudi 4 janvier 2023.
Les émissions de gaz à effet de serre ont atteint l’an dernier 673 millions de tonnes de CO2, soit « le plus bas niveau depuis les années 1950 », un chiffre nettement en baisse par rapport aux 746 millions de tonnes de 2022, selon les calculs du groupe d’experts Agora Energiewende. L’Allemagne fait mieux que l’objectif annuel d’un maximum de 722 millions de tonnes de CO2, inscrit dans la loi allemande sur la protection du climat, explique cet organisme de référence.
Ces émissions ont été de 46 % inférieures à l’année de référence 1990, mais le pays a encore du chemin à faire atteindre son objectif d’une réduction de 65 % d’ici 2030. La baisse est « largement attribuable à une forte diminution de la production d’électricité à partir de charbon », note le groupe d’experts.
Le logement et le transport ont en revanche vu leurs émissions « quasiment stagner », échouant ainsi respectivement pour la quatrième et la troisième année à remplir les objectifs climatiques, souligne par ailleurs Agora Energiewende.
Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés, l’Allemagne a besoin d’une « offensive d’investissements » pour moderniser le chauffage des bâtiments comme l’industrie, soulignent les experts. Ils estiment que seulement 15 % de la baisse des émissions en 2023 a un caractère « durable », s’inscrivant dans le long terme.
Peut mieux faire
Le tableau n’est donc pas entièrement vert. Et pour cause : l’année a été marquée par une chute de la production pour l’industrie allemande, grande consommatrice d’énergie, ce qui n’est pas pour rien dans la baisse des émissions de CO2. Le secteur, pilier de l’économie, est plombé par une baisse de la demande domestique et internationale, et par des prix de l’énergie qui restent trop élevés par rapport à ses concurrents depuis la guerre en Ukraine.
La production des activités les plus énergivores, comme la chimie, l’acier ou le papier, a chuté d’environ 20 % par rapport à son niveau d’avant le conflit. Les émissions du secteur industriel ont logiquement diminué de 20 millions de tonnes, soit 12 % sur un an.
L’Allemagne a besoin d’une « offensive d’investissements », selon Agora Energiewende, qui appelle à « sécuriser les dépenses » nécessaires à la transition climatique.
Une décision de justice en novembre a annulé un fonds de 60 milliards d’euros d’investissement d’avenir au nom des règles constitutionnelles allemandes de rigueur budgétaire, réduisant les marges de manœuvre du gouvernement.
(Avec AFP)
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