Des millions pour décarboner la Ventoline, vitrine de la politique industrielle verte
Selon The Shift Project, 8% des émissions de gaz à effet de serre en France sont liées au secteur de la santé. La Ventoline, un médicament emblématique pour l’asthme, entend se métamorphoser pour réduire son empreinte carbone grâce à des investissements massifs. Le gouvernement français soutient cette initiative du laboratoire GSK. Une victoire industrielle environnementale en perspective ?
La Ventoline, un médicament iconique destiné à soulager l’asthme, utilisé par 35 millions de personnes, va faire sa révolution verte à coup de centaines de millions d’euros d’investissement : une démarche vantée par le gouvernement français qui va soutenir financièrement cette opération du laboratoire pharmaceutique GSK.
Les enjeux écologiques derrière la Ventoline
En 50 ans, la multinationale britannique GlaxoSmithKline (GSK) a produit l’équivalent de trois milliards d’aérosols de Ventoline sur son site d’Evreux (Eure) dédié aux traitements respiratoires de l’asthme mais aussi de la bronchopneumopathie chronique obstructive.
Problème : cet inhalateur est responsable de la moitié des émissions de CO2 du groupe qui s’est fixé l’objectif de réduire de 80 % ses émissions d’ici à 2030 et d’au moins 90 % d’ici à 2045, par rapport à 2020.
Un soutien public pour garantir la solidité de l’investissement
Pour atteindre cet objectif, GSK va investir jusqu’à 350 millions d’euros d’ici à 2025 pour produire une nouvelle formulation de Ventoline moins polluante, en modifiant la composition du gaz à l’intérieur des cartouches pour réduire l’empreinte carbone de ses inhalateurs d’environ 90 %. « L’avenir de l’industrie, c’est l’industrie décarbonée », a commenté le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, venu à Évreux pour défendre la politique de réindustrialisation française. Pour l’ex-député de l’Eure, l’ « un des plus grands investissements pharmaceutiques faits en France depuis cinq ans » est une « victoire industrielle » pour le pays. « Bien sûr il y a de l’argent public qui va être mis dans cet investissement », a-t-il déclaré, sans préciser de montant ni le mécanisme de l’aide.
« Les Chinois font cela, les Américains font cela, il était peut-être temps que la France à son tour et l’Europe à son tour, se disent que pour faire venir des investissements privés, il n’est pas mauvais qu’il y ait aussi un soutien public pour garantir la solidité et la rentabilité de cet investissement », a-t-il défendu. Il fait référence à des dispositions du projet de loi « industrie verte » adopté le 11 octobre au Parlement. Pour GSK, l’investissement d’environ 350 millions d’euros s’ajoute aux 400 millions d’investissements prévus d’ici 2025 pour l’ensemble des trois sites du groupe (Evreux, Saint-Amand-les-Eaux et Mayenne). Sans lui, le site d’Evreux, avec ses 1 100 employés, « aurait été en difficultés pour perdurer », a estimé Philippe Doucet, le directeur de l’usine. « Produire en France sur des technologies complexes en verdissant les industries, c’est la concrétisation » de choix politiques après la prise de conscience post-Covid de la dépendance européenne en termes d’approvisionnements et de fabrication pharmaceutique, commente pour l’AFP Matthieu Sainton, associé santé chez Eurogroup Consulting. « Donner de l’argent à des ‘big pharma’ déjà ultra profitables » et qui « expliquent avoir délocalisé à cause de contraintes écologiques trop fortes en France et en Europe » interroge en revanche l’économiste de la santé Nathalie Coutinet.
GSK a réalisé un bénéfice net de 3,1 milliards de livres (3,6 milliards d’euros) au premier semestre 2023, en hausse de près de 18 %, pour un chiffre d’affaires de 14,1 milliards de livres. Le secteur « a démarré un peu plus tardivement sur ce chemin (du verdissement) que d’autres industries », relève Patrick Biecheler, associé au cabinet de conseil Bain & Company. « Les effets ne sont pas encore très visibles », mais « potentiellement ça va renchérir la production pharmaceutique », observe-t-il. GSK affirme que la transformation en cours est « un processus complexe impliquant de nouvelles méthodes de fabrication, de nouveaux essais cliniques et de nouvelles approbations réglementaires ». Depuis 2021, une vingtaine de formulations bas carbone de Ventoline ont été testées. Celle qui a été retenue renferme un gaz du nom de code 152-A, moins polluant. La direction espère un démarrage de la production au second semestre 2024 et une commercialisation en 2026.
GSK produit 80 millions d’unités de Ventoline par an à Evreux, dont 80% part à l’exportation. « Chaque minute, 40 000 patients inhalent une dose de Ventoline dans le monde », rappelle Thibault Desmarest, le président de GSK France.
(Avec AFP)
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