Laurent « collecte des fonds au travers du recyclage des canettes en métal » avec son association K Net Partage

Par Charlotte Combret , le 7 septembre 2023 - 9 minutes de lecture
l'équipe de l'association K Net Partage

Un partie de l’équipe de l’association K Net Partage à Toulouse. Crédit : K Net Partage

L’association K Net Partage propose à chacun de s’engager au service de la planète et de l’enfance en situation vulnérable grâce à un geste simple : mettre de côté ses canettes en métal. Éternel optimiste, Laurent Gautier nous raconte l’histoire de ce grand projet écologique et solidaire, intimement liée à son parcours personnel.

Comment avez-vous eu l’idée de créer l’association ?

En fait, moi, je suis malvoyant. J’ai une dégénérescence maculaire. Ma vision chute avec le temps. Aujourd’hui, il me reste 1/20 avec des lentilles à moins 15. C’est un peu compliqué à gérer, mais on fait avec ! Du coup, j’ai arrêté de bosser en 98. J’étais commercial dans une grande agence d’intérim. Ma fille avait deux ans, je m’ennuyais un peu. Et puis, je voulais créer un projet qui s’inscrive dans une démarche écologique, parce que quand on est malvoyant, on marche de plus en plus sur les déchets. Et ces déchets peuvent être un vrai danger et un vrai obstacle. On est forcément à pied et on peut glisser sur un bouchon, on peut se prendre les pieds dans une poche plastique transparente… 

J’en ai parlé avec le conseil municipal des jeunes de Bagnol-sur-Suez dans le Gard. J’avais une petite paire de lunettes qui simulait ma vue et je leur ai fait essayer mes lunettes. Ils ont tous joué le jeu et je leur ai expliqué mon projet. Mon but, c’était de collecter des fonds au travers du recyclage des canettes en métal qu’on trouvait dans les rues. Ça rentrait dans leur profession de foi, puisque ça permettait de protéger l’environnement et d’aider les personnes en situation de handicap. Ils ont accepté le projet ! On est allé visiter l’école des chiens guides de Nice. La mairie nous a mis à disposition une pyramide avec quatre bouts de grillage et deux bouts de ferraille. On a commencé à récupérer les canettes. Et le projet a commencé comme ça. Il devait durer trois mois en 2006 et il dure toujours !

Vous collectez les canettes usagées, que deviennent-elles ensuite ?

En fait, il n’y a pas plus simple. Je me suis calé sur le projet des bouchons d’amour, à la différence que le but était de ne jamais avoir quelqu’un qui se retrouve avec des stocks de canettes chez lui, dans un hangar ou dans un garage. Comme je bossais déjà avec les bouchons d’amour, je me suis rendu compte que quand ils faisaient partir un camion, il fallait attendre d’avoir quelques tonnes pour que ce soit rentable au niveau du déplacement. Et que c’était des copains qui s’éreintaient le dos pour remplir les bennes. Du coup, j’ai pris la carte de France et j’ai fait mon petit tour de France pour récupérer les recycleurs les uns après les autres. Petit à petit, de région en région, grâce à Internet, j’ai été chercher les sociétés de recyclage. Aujourd’hui, on bosse avec des petites sociétés familiales, comme des multinationales. Le but, c’était vraiment de rapprocher le recycleur du consommateur ou du ramasseur de canettes.

Qu’est-ce qu’une telle action représente en termes d’impact pour l’environnement et pour les enfants vulnérables que vous accompagnez ?

C’est une action de sensibilisation. C’est un appel à la générosité dans tous les sens du terme, au niveau des ramasseurs, des volontaires ou des recycleurs. Parce que ça permet déjà de réduire un petit peu notre empreinte écologique. Ça nous permet aussi de sensibiliser les gens qui balancent leurs déchets n’importe où. Et peut-être qu’un petit argument humanitaire peut faire aller les gens jusqu’à la poubelle ! Si c’est la poubelle de tri, c’est encore plus de sens, c’est cohérent. Je pense que l’impact, il est là. Cette matière première, il n’y a pas besoin d’aller chercher le côté de la planète, puisqu’elle est 100 % recyclable à l’infini. Les sociétés de recyclage font leurs bénéfices dessus, elles récupèrent de la matière, elles envoient dans les fonderies, les fonderies les payent. Puis après, il y a toutes les grosses structures qui refont des canettes avec. C’est vrai que ça nettoie la campagne, ça nettoie les plages, ça nettoie les sentiers, ça nettoie les villes. Et puis, plus c’est subtil et plus c’est marrant parce que les gens réfléchissent aussi à leurs démarches, à leurs actes. 

Est-ce que c’est important pour vous de faire un lien entre solidarité et écologie ?

Il y a tout le côté humanitaire qui est très important parce que d’abord, de quel droit on se permettrait de laisser vivre toutes ces générations sur une planète poubelle ? Ça n’a pas de sens. On mange l’équivalent d’une carte bleue par semaine. On respire de l’air pollué. On boit tout et n’importe quoi… Après, moi, je ne suis pas négatif dans mes propos ! Je suis malvoyant et en fait, j’ai besoin de cette lumière. J’ai besoin d’un espoir. J’ai besoin de plein d’espoir ! Du coup, je ne suis pas fataliste. Je suis juste là pour mettre des fois les pieds où il ne faut pas. Ma maladie me permet peut-être un certain culot que je n’aurais peut-être pas osé avant parce que je n’ai pas le regard des gens à affronter. Du coup, le fait d’aider les enfants, je pense que ça a du sens. C’est vrai que beaucoup d’enfants qu’on côtoie ont des soucis de harcèlement, des soucis de santé, des handicaps visibles ou invisibles. Aujourd’hui, on a aidé plus de 10 000 enfants.

Si nous souhaitons donner des canettes à K Net Partage, que devons-nous faire ?

La démarche à suivre, c’est d’aller sur la carte de France. C’est là où sont géolocalisées les sociétés de recyclage avec qui nous travaillons. Le but, c’est d’amener ces canettes chez ce recycleur qui vous fait un bon avec la date et l’immatriculation du véhicule. Il nous en fait un double. Notre trésorière lui fait une facture et lui, nous fait le règlement. C’est comme ça qu’on a aidé l’UNICEF, la Croix-Rouge, le Secours populaire, les Restos du cœur, Ela…. On a aidé plein de familles qui ne font partie d’aucune association qui gère le handicap de leurs enfants hélas jusqu’au décès, puisqu’il y en a qui ne seront jamais pris par des structures. Mais ça va bien au-delà de l’argent. Ce sont des rencontres humaines extraordinaires, des rencontres sublimissimes. Notre mission c’est de déclencher une générosité à tout niveau, de s’entraider, de protéger l’environnement. Du coup, on a toutes les causes et toutes les maladies pour vraiment que ce projet soit universel.

La carte de France disponible sur le site web de K Net Partage pour trouver les recycleurs partenaires
La carte de France disponible sur le site web de K Net Partage pour trouver les recycleurs partenaires. Crédit : K Net Partage

« Si un geste eco-citoyen humble, collectif associe une lutte pour la planète et les jeunes handicapés. Alors qu’attendons nous pour recycler nos K Net » demande Yann Arthus Bertrand, votre parrain, que pensez-vous que les gens attendent ? Qu’est-ce que vous aimeriez leur dire ?

C’est une phrase clé, on va dire, qui nous a permis de démarrer en 2009, quand on a créé le site et quand le projet a bien été ancré dans notre tête et qu’on a commencé à avoir des belles fondations. Après, on n’est jamais là pour juger qui que ce soit. C’est super important pour nous, parce que d’abord, moi, en situation de handicap, je fais vraiment confiance à tout le monde. Je ne sais pas qui m’accompagne, qui me conduit. Le projet a été créé par des déficients visuels entourés d’amis valides. Ça a du sens au niveau de la démarche. Tout le monde fait confiance à tout le monde. Nos bénévoles et volontaires, ce sont eux qui viennent vers nous. Ce sont eux qui créent leurs projets, eux qui ont leur propre réseau. Nous, on trouve le recycleur le plus proche de chez eux. Eux, après, ils créent leurs propres projets. Ça peut être des associations de nettoyage, des associations environnementales, des collectivités territoriales, des conseils municipaux de jeunes, des syndicats de déchets, des entreprises, des associations, des municipalités, des particuliers… Vraiment, tout profil adhère à la démarche. C’est ça qui est génial !

Est-ce que vous pourriez nous parler d’un projet ou d’un programme que vous menez particulièrement cette année ?

Oui, on en mène entre dix et douze par an. Dans quinze jours, il y a le World Cleanup Day qui est partenaire de K Net Partage au niveau national. S’il y a 2000 nettoyants, ça nous permet d’avoir 2000 gisements de canettes. Ça veut dire aussi que la personne a pris le temps de nettoyer son environnement et va récupérer quelques canettes qui seront valorisées et sur lesquelles on pourra récupérer quelques centimes. On soutient financièrement le programme e-Enfance qui lutte contre le harcèlement par Internet, Premier de Cordées, qui permet aux enfants des quartiers et aux enfants malades de pratiquer du sport. Dans quelques jours, je vais monter sur Paris pour remettre deux chèques, un au Stade de France et un à la plateforme d’appel d’e-Enfance. Après, je vais au Mont-Saint-Michel pour remettre un chèque à une jeune fille qui fait des crises épileptiques et qui a, hélas, des moments d’absence. Et demain, je suis au Havre pour participer à l’achat d’un fauteuil verticalisateur pour un jeune garçon de quinze ans. Cette année on va également aider la mucoviscidose, le Téléthon, Action contre la faim… Pour nous aussi, ça a du sens d’aider cette structure parce que la canette représente quand même la surconsommation de la société dans laquelle on vit. Les collecter permet à des personnes de pouvoir se nourrir. 

Est-ce que vous êtes optimiste pour la suite ?

C’est compliqué comme question, parce que comme je disais, je veux garder espoir. Je suis hyper positif parce que tous les gens qui viennent à nous le sont aussi ! Le fait d’être parti avec ces deux sujets, la pollution et l’enfance en situation vulnérable, je pense qu’on ne peut que rencontrer des gens positifs. C’est magique. Moi, je vis un rêve. Sincèrement, depuis le début, je vis un vrai rêve !

Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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