Le Parlement européen vote une loi imposant un « devoir de vigilance » aux grandes entreprises
Le Parlement européen a voté mercredi 24 avril une loi imposant un « devoir de vigilance » aux entreprises qui devront veiller au respect de l’environnement et des droits humains dans leurs chaînes de production dans le monde, sous peine de sanctions.
Les eurodéputés ont approuvé à 374 voix pour, 235 voix contre, ce texte lors d’un vote qui intervient exactement onze ans après l’effondrement de l’usine textile Rana Plaza au Bangladesh. Ce drame avait mis en lumière l’absence de contrôle sur les conditions de travail dans les pays tiers.
« C’est la fin de l’impunité totale des multinationales. Désormais Zara, Nike et les autres sont responsables de leur chaîne de production. C’est une grande victoire. La mobilisation paie ! », s’est félicité Raphaël Glucksmann, tête de liste des socialistes français aux élections européennes.
Y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales
Les entreprises concernées par cette directive seront tenues de prévenir, d’identifier et de remédier aux violations de droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité…) et dommages environnementaux (déforestation, pollution…) dans leurs chaînes de valeur partout dans le monde, y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.
La rapporteure du texte, la Néerlandaise Lara Wolters (sociaux démocrates) a fait part de sa joie que le texte, un « compromis âprement obtenu » après de nombreuses années de négociations, soit finalement adopté avec une « solide majorité ».
Les eurodéputés l’ont approuvé lors de la toute dernière session du Parlement avant les élections européennes (du 6 au 9 juin), après des rebondissements.
Parlement européen et États avaient conclu en décembre un accord politique sur ce texte inédit. Après avoir échoué à deux reprises à trouver la majorité requise, les Vingt-Sept l’ont finalement entériné formellement mi-mars, au prix d’un champ d’application nettement limité.
5 400 entreprises concernées, contre 16 000 initialement
L’accord de décembre prévoyait que les règles s’appliquent aux groupes comptant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial net d’au moins 150 millions d’euros, ainsi qu’aux entreprises dès 250 employés si leurs ventes dépassent 40 millions d’euros et proviennent pour moitié de secteurs à risque (textile, agriculture, minerais…).
Finalement, le texte final ne cible plus que les entreprises à partir de 1 000 employés avec un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros. Avec ces seuils modifiés, seulement 5 400 entreprises seraient concernées, contre 16 000 dans l’accord initial de décembre, d’après l’ONG Global Witness.
Le texte contraint ces grandes entreprises à élaborer un plan de transition climatique. Mais l’obligation initialement prévue de lier la rémunération variable des dirigeants au respect d’objectifs en matière d’émissions carbone a été supprimée. Et les établissements financiers ne sont pas concernés.
« Un goût amer en bouche »
Ces concessions « ont laissé un goût amer en bouche » a reconnu Lara Wolters lors d’une conférence de presse. Si seules les grandes entreprises sont concernées, « bien entendu, à l’avenir, nous examinerons le champ d’application de cette directive plus largement, ainsi que le secteur financier », a-t-elle assuré.
« Malgré ces reculs, on ne peut que saluer l’importance de cette législation. Cette directive s’appliquant aux plus grandes entreprises aura un impact global sur tout le secteur », s’est félicité Marie Toussaint, vice-présidente du groupe Verts-ALE.
Si elles ne respectent pas leur devoir de vigilance, les entreprises concernées par la directive seront tenues responsables et devront indemniser intégralement leurs victimes.
Les victimes pourront attaquer les entreprises en justice pour obtenir des dommages et intérêts. Les États membres devront également créer ou désigner une autorité de surveillance chargée d’enquêter et d’imposer des sanctions aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations. Des amendes dissuasives sont prévues, pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires mondial.
(Avec AFP)
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