L’industrie du plastique européenne craint pour sa « transition circulaire »
L’industrie du plastique en Europe « perd des parts de marché » face à l’Asie, l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient et affirme craindre de ne pouvoir opérer sa « transition circulaire », basée notamment sur une forte hausse du recyclage et du biosourcé.
« Notre industrie du plastique européenne est en difficulté » et connaît « une perte de compétitivité préoccupante », a déclaré mardi 19 mars 2024 Jean-Yves Daclin, directeur général de Plastics Europe France, lors de la présentation d’un rapport sur l’économie circulaire des plastiques en Europe.
« D’ordre structurel, ce phénomène pourrait à terme compromettre la capacité des producteurs européens et de leurs partenaires aval à pleinement opérer leur transition circulaire », a prévenu l’association qui regroupe une centaine d’industriels produisant plus de 90 % de tous les polymères en Europe.
En 2022, les 27 pays de l’Union Européenne auxquels on ajoute la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse ont produit 56 millions de tonnes de plastique (hors recyclé, hors textiles synthétiques). Au plan mondial, 400,3 millions de tonnes de plastique ont été produites l’an passé. « La part de l’Europe dans la production mondiale de matières plastiques est ainsi tombée à 14 % contre 22 % en 2006 » (53,9 millions de tonnes sur 245 Mt), souligne Plastics Europe. Lors des deux dernières années, la production européenne a même connu une « très forte baisse », a ajouté M. Daclin, citant les statistiques Eurostat : -10,3 % en 2022 et -10,5 % en 2023.
Déchets en hausse
Ce recul est lié, selon lui, notamment aux « importations très importantes ces deux dernières années en provenance de Chine et des États-Unis », qui inondent le marché européen, en particulier de polyéthylène et de PET (polytéréphtalate d’éthylène), deux des plastiques les plus utilisées dans le monde. En Allemagne, le géant de la chimie BASF, frappé de plein fouet par la flambée des prix de l’énergie, a annoncé un plan de restructuration fin 2022 et dévoilé un nouveau plan d’économie début 2024.
Dans ce contexte, la France « résiste un peu mieux » : sa production de matières plastiques a progressé de 4 % en 2023 après une chute de 11,3 % en 2022 et une petite progression de 2,5 % en 2021, selon Eurostat.
Il est possible que les producteurs français aient été un peu moins affectés que certains autres en Europe car ils utilisaient beaucoup moins de gaz russe, la pétrochimie française étant plus liée au naphta, un composé huileux dérivé du pétrole, suggère un expert du secteur. La baisse de compétitivité européenne s’illustre aussi par la réduction de l’excédent commercial européen du plastique à 5,4 milliards d’euros en 2022 contre 9 milliards en 2021 et 10,4 milliards en 2014.
Pour la première fois, Plastics Europe a aussi dévoilé des chiffres de consommation illustrant une baisse en Europe de 4 % depuis 2018, notamment dans l’emballage. Côté déchets, l’Europe génère chaque année 32,3 millions de tonnes de déchets plastique, soit une hausse de 11,8 % par rapport à 2018, dont 8,7 Mt sont recyclés, 16,6 Mt sont incinérés et 7,6 Mt sont mis en décharge.
En matière de circularité, l’Europe a néanmoins fait quelques progrès : en 2022, près de 20 % du total du plastique produit par les 30 pays de l’étude était soit recyclé, soit issu de la biomasse (canne à sucre…), contre 14,8 % en 2018.
Les pays qui recyclent le plus sont ceux du nord de l’Europe ainsi que l’Espagne, la France accusant un réel retard sur le sujet, selon les tableaux de Plastics Europe qui met en cause la collecte des déchets, « maillon faible de la circularité » en France, selon elle.
« Le volume des déchets collectés en mélange (non triés, NDLR) est toujours bien supérieur » (2,3 Mt) à celui des poubelles jaunes collectées séparément (1,76 Mt), relève l’association qui note néanmoins un bon point pour la France : une meilleure utilisation que la moyenne de l’Europe du plastique recyclé dans la plasturgie.
Depuis 2006, en France, la collecte en mélange n’a baissé que de 24 %, ce qui est très lent, juge M. Daclin. L’association demande ainsi un « sursaut » pour arrêter la mise en décharge et l’enfouissement de déchets plastiques et une « vraie politique de recyclage » qui passe notamment, selon elle, par une augmentation des taxes.
(Avec AFP)
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