L’UE donne son feu vert à un devoir de vigilance des entreprises assoupli
Les Vingt-Sept ont validé vendredi 15 mars 2024 une législation imposant aux entreprises de l’UE des obligations pour la protection de l’environnement et des droits humains (travail forcé…) dans leurs chaînes de production, mais avec un champ d’application plus réduit que prévu.
Eurodéputés et négociateurs des États membres avaient conclu en décembre un accord politique sur ce texte-phare créant un « devoir de vigilance » qui contraint les entreprises à identifier et à corriger les atteintes à l’environnement et aux droits des travailleurs, y compris chez leurs sous-traitants à l’étranger.
Mais les Vingt-Sept avaient échoué à deux reprises en février à trouver la majorité requise pour l’entériner formellement. En vue de lever les réserves de plusieurs pays, le champ d’application a été nettement limité par rapport à l’accord de décembre.
Cette législation prévoit que les entreprises concernées soient juridiquement responsables des violations des droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité…) et dommages environnementaux (déforestation, pollution…), y compris pour leurs fournisseurs.
L’accord conclu en décembre avec les eurodéputés prévoyait que les règles s’appliquent aux groupes européens comptant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial net d’au moins 150 millions d’euros, ainsi qu’aux entreprises dès 250 employés si leurs ventes dépassent 40 millions d’euros et proviennent pour moitié de secteurs à risque (textile, agriculture, minerais…).
Le champ d’application en question
Finalement, le texte approuvé vendredi par les États ne cible plus que les entreprises à partir de 1000 employés avec un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros, et les dispositions concernant les firmes dans les secteurs à risque ont disparu, selon une source diplomatique.
Le Parlement européen devra désormais se prononcer sur ces changements d’ici mi-avril. Les ambassadeurs des États membres peinaient depuis deux mois à trouver la majorité qualifiée requise (un minimum de 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE).
Un vote avait largement échoué le 28 février : l’opposition des libéraux allemands du FDP, membres de la coalition au pouvoir et qui dénonçaient un texte « inacceptable pour les petites et moyennes entreprises », avait contraint Berlin à s’abstenir.
L’Italie et une dizaine d’autres pays, dont la Bulgarie, la Hongrie, ou la Slovaquie avaient fait de même, selon des diplomates, pour des motifs variés : incertitudes juridiques, charge administrative, concurrence internationale… La Suède avait même voté contre.
« Le seuil de 1000 salariés a fait l’objet de discussions jusqu’à la dernière minute. Il est plus élevé que l’accord initial mais nettement plus bas que le seuil que proposait (mi-février) la France à 5000 employés », a commenté Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement européen.
« Et la loi prévoit toujours pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés l’obligation de disposer d’un plan de transition climatique. C’est une avancée majeure », a-t-il ajouté.
L’ONG Global Witness affiche son « soulagement » mais déplore que « cette législation ne soit que l’ombre de ce qu’elle aurait dû être, car elle ne s’appliquera qu’à une fraction des entreprises ».
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