« Moins consommer pour moins polluer » : une publicité de l’Ademe met en rage des commerçants
Levée de boucliers des commerçants, désaccords au sein du gouvernement et standing ovation de la part des défenseurs de l’environnement : en pleine opération de Black Friday et à l’approche des fêtes de fin d’année, la campagne télévisée de l’Agence française de transition écologique (Ademe) contre le consumérisme n’est pas passée inaperçue.
« Hésitez pas si vous avez besoin que je vous déconseille d’autres achats ». Dans un de ces spots télévisés, un homme tient deux polos en promotion et les jauge, perplexe. Il hèle un vendeur. « Vous prendriez lequel, vous ? » « Honnêtement ? Aucun des deux » lui répond l’homme qui arbore un badge « dévendeur ». Les trois autres pubs de l’Ademe montrent les acheteurs potentiels d’une ponceuse, d’un lave-linge et d’un téléphone, dissuadés d’acheter au profit de « ne rien acheter », de louer, de faire réparer ou d’acheter reconditionné. Diffusés du 14 novembre au 4 décembre, les spots publicitaires mettent en scène un « conseiller atypique et pour le moins déroutant qui ne pousse pas à la consommation mais préfère questionner sur leurs besoins réels », précise un dossier de presse de l’agence. La campagne s’accompagne d’un site qui recense conseils et adresses pour louer ou réparer : epargnonsnosressources.gouv.fr.
« Une publicité déplacée »
À l’heure du Black Friday et de la période d’achat des cadeaux de Noël, le ton humoristique de la campagne n’a pas du tout fait rire les commerçants. « Nous demandons à l’Ademe son retrait immédiat, faute de quoi nous envisagerons une action en justice pour dénigrement commercial », ont annoncé l’Alliance du Commerce, l’Union des Industries Textiles (UIT) et l’Union française des industries Mode et Habillement (UFIMH) dans un communiqué conjoint. « Stigmatiser le magasin nous paraît particulièrement maladroit alors que le message devrait plus être tourné vers les plateformes telles que Shein ou Temu, qui se taillent aujourd’hui la part du lion, malgré l’absence de respect des règles sociales, écologiques, déontologiques, qui sont les nôtres », s’est alerté séparément Olivier Ducatillon, président de l’UIT. De son côté, le médiatique représentant du leader des supermarchés en France Michel-Edouard Leclerc a fustigé sur X « une publicité déplacée alors que le secteur textile français est à la ramasse ». « On peut sûrement faire adhérer à une politique de sobriété sans snober les professionnels », a-t-il jugé.
« Aucun des spots ne sera retiré »
Sur Franceinfo, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a jugé la campagne « maladroite » vis-à-vis « du commerce, surtout le commerce physique ». Mais Christophe Béchu a dit « assumer » ces publicités. « Aucun des spots ne sera retiré », a prévenu le Ministre de la Transition écologique au micro de France Inter. D’après lui, « Que 0,2% du temps d’antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles, franchement, vu les enjeux de transition écologique, ça ne semble pas déraisonnable ». « On aurait dû cibler avec le même message plutôt les plateformes de vente en ligne que les commerces physiques », a-t-il toutefois concédé. Quant à l’Ademe, elle assume également. Contactée par l’AFP, l’agence répond par la voix de son président, Sylvain Waserman : « Il n’y a pas plus local que l’emploi qui répare votre machine à laver, ceux qui vous louent une ponceuse dont vous n’avez besoin qu’une fois tous les deux ans ou encore les nombreux commerces qui proposent des produits de seconde main. »
Une « sensibilisation nécessaire »
Mouvement Impact France a pour sa part salué une « sensibilisation nécessaire pour transformer notre modèle ». « La sobriété est non seulement la condition sine qua non pour atteindre nos objectifs environnementaux, mais aussi une approche de bon sens pour notre économie et nos commerçants », a estimé le mouvement qui fédère des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). « Car c’est bien la surconsommation massive de produits importés à bas coûts, aux impacts sociaux et écologiques catastrophiques, qui entraîne la fragilisation croissante de notre tissu commercial et industriel », a-t-elle ajouté. De son côté, France Nature Environnement a « félicité » l’Ademe, mais aussi, ironiquement, « l’ensemble des associations professionnelles de commerçants pour avoir donné une réelle visibilité à ces publicités »… en demandant leur retrait.
(Avec AFP)
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