Olivier Jakobowicz, lunetier engagé pour des lunettes de qualité et de sens écologique
Quand des artisans s’engagent ! Deklic a rencontré Olivier Jakobowicz, un artisan lunetier atypique privilégiant les montures vintage. L’occasion de lui demander comment il tente de réduire son impact écologique dans sa boutique parisienne.
Olivier Jakobowicz contre les « industriels sans scrupules »
« Je suis un ovni dans le milieu. » Olivier se mobilise contre « les industriels sans scrupules » mettant sur le marché des lunettes low-cost, qui bafouent le droit des salariés et sans volonté de limiter leur impact écologique. Pour lui, tout est lié, « prendre soin des hommes et de la nature » cela va de pair. Son engagement, il l’inscrit dans une histoire de famille. Ses aïeux se sont battus « pour des idées », dit-il. Olivier mentionne notamment le parcours de son grand-père, « un héros de guerre » ayant libéré Paris en 1944 et qui, après le conflit, a créé une entreprise avec cet objectif d’aider des gens à « sortir de la misère » et non pour « gagner de l’argent ». Lui-même, fils de médecin, aime donner des lunettes haut de gamme à des personnes démunies. Le soir de la tuerie au Bataclan, en 2015, il a ressenti « un électrochoc ». « On a du mal à se soutenir les uns des autres dans cette société hyper individualiste », lâche-t-il.
Qu’avez-vous en rayon à Arteo ?
Je propose dans ma boutique parisienne créée en 2006 des montures vintage (à ne pas confondre avec des paires de lunettes de seconde main). J’essaie, en outre, de mettre en avant, dans mon magasin, des collections que je considère comme éthiques, dont les fabricants proposent une transparence sociale et fiscale vis-à-vis des employés. J’impose un cahier des charges, autant sur la production que sur la distribution. C’est important pour moi.
Comment vous fournissez-vous en lunettes vintage ? Ensuite, vous les rénovez ?
Certaines sont des invendus d’opticiens dormant dans des caves depuis 50 ans, d’autres proviennent d’usines, des manufactures, des distributeurs. Des particuliers m’en donnent aussi pour que je réalise des équipements solidaires. Beaucoup sont de qualité parfaite, c’est impressionnant. Certaines, en revanche, ont peut-être un peu mal vieilli. Mais rien de grave, je les resculpte. J’améliore leur design, je trouve certaines paires trop disgracieuses en l’état. À chaque fois, je remplace le verre, souvent rayé ou n’offrant pas les garanties de filtres aux normes CE, en fonction de la conservation.
Vous préférez l’ancien au nouveau, pourquoi ?
Car les produits plus anciens sont de meilleure qualité. Avant les années 80, les lunettes avaient une durée de vie beaucoup plus longue que les paires contemporaines. On pouvait les garder plusieurs décennies. Ce sont des montures que j’aime restaurer et remettre en service. Tout était de qualité, les matériaux comme les fabrications.
Et ce n’est plus le cas de nos jours ?
La qualité des lunettes s’est effondrée depuis une quarantaine d’années, je dirais, l’obsolescence programmée est à l’œuvre. On produit en masse des lunettes qui vont casser rapidement et qu’on pourra alors remplacer par des produits bas de gamme. La plupart sont des montures conçues en Chine ou dans d’autres pays asiatiques.
Beaucoup de marques de griffes de luxe comme low-cost racontent que leurs produits sont « fabriqués en Europe », mais ils sont plutôt « facturés » en Europe. Les produits transitent par caténaires en Europe. Rien n’est fait pour mettre en valeur les vraies fabrications européennes.
Que leur reprochez-vous ?
Il faut se questionner. Dans le monde de l’optique, on vend souvent du low-cost, mais interrogeons-nous sur l’impact carbone. N’est-il pas catastrophique ? En ce qui concerne le droit des salariés, est-il bien garanti ? Ces derniers, travaillent-ils dans de bonnes conditions ? Les normes sanitaires à la fabrication, sont-elles également respectées ? Souvent, on ne répond pas à toutes ces questions, pourtant, c’est fondamental.
Est-ce que, pour autant, les choses évoluent dans le bon sens ?
Il y a eu quelques progrès, ici ou là. Mais on passe encore beaucoup de temps à motiver les industriels et les distributeurs à mieux agir pour l’environnement, à se battre contre celles et ceux qui ne font pas le choix d’une production responsable, contre celles et ceux qui tombent dans le greenwashing. Mais aussi contre les sociétés qui délocalisent leur production en Asie pour ne pas avoir à respecter les droits humains, en polluant les territoires lors de la conception des montures à différents endroits du globe. L’Occident surconsomme, mais ferme les yeux. Rappelons l’essentiel. Je pense que si l’on respecte l’humain, on respecte la société, et donc la nature.
Avant qu’elles ne soient vendues, les paires de lunettes dans les rayons sont dotées de verres temporaires en plastique. De nombreux responsables de magasins les jettent après usage unique. L’association RecyclOptics en récupère en vue de leur offrir une seconde vie. Qu’en faites-vous de votre côté ?
Les verres de présentation, je les utilise autant que possible, et ce, depuis au moins dix ans. Car c’est du bon sens. J’en stocke, j’en ai une montagne, presque trop… De manière générale, je ne veux pas jeter quand c’est réutilisable. Les verres des montures vintages que j’achète, par exemple, je les donne à un artiste, il en fait des œuvres d’art. Et j’incite les gens à me ramener leurs vieilles paires par un geste commercial. Souvent, une motivation financière peut aider pour que les personnes adoptent une démarche plus responsable. Mais il faut y venir, au vu de la situation climatique.
Recycloptics, l’asso pour aider les opticiens
Carole Riehl, opticienne depuis une vingtaine d’année, a fondé l’association Recycloptics pour aider le secteur à accélérer sa transformation écologique. Elle récupère en particulier les verres de présentation en plastique de ses membres (une centaine de magasins, sur les 12 800 points de vente français). En principe, chaque monture vendue en rayon en a deux. Cela joue un rôle de protection, notamment pour le transport, du lieu de fabrication à la boutique. Or, les verres sont ensuite jetés par les responsables. Alors que la matière pourrait sans doute resservir. L’asso est en train de mener une étude de recyclabilité pour y … voir plus clair !