30 km/h en ville : un réel impact sur les mobilités douces ?
Mal compris, fustigé par certains automobilistes, parfois plus symbolique que réel réaménagement de la voirie, le passage à 30 km/h est pourtant un levier efficace pour diminuer les accidents et favoriser les mobilités douces. À condition d’en prendre véritablement la mesure.
C’est une disposition qui allie sécurité, bien-être et impact environnemental. Depuis la fin des années 2010, on assiste en France à une généralisation du passage aux 30 km/h dans les agglomérations. En 2021, c’est Paris et ses 460 000 véhicules qui est devenue « Ville 30 ». Mais qu’est-ce que c’est, et surtout, à quoi ça sert ?
D’abord, il ne faut pas comprendre la « Zone 30 », qui délimite un périmètre urbain dans lequel la vitesse est limitée à 30 km/h, et la « Ville 30 » qui généralise cette limitation sur la majorité du périmètre urbain (80 % des rues en moyenne). Dans le second cas, il s’agit d’une politique ambitieuse visant à favoriser les mobilités douces tout en augmentant la sécurité.
Naissance aux Pays-Bas
Comme on parle de vélo, il faut encore jeter un œil du côté des Pays-Bas pour trouver trace des origines de cette idée, née là-bas dès les années 70. Discrètement, la norme s’est installée jusqu’à ce que 70% des voies urbaines néerlandaises connaissent le régime 30 km/h en 2008. En 2020, c’est tout le pays qui ralentit définitivement, en introduisant une limite standard de 30 km/h dans les zones bâties.
Entre-temps, le reste de l’Europe avait suivi le mouvement. En Autriche, Graz avait été la première à se labelliser « Ville 30 » en 1992. Dans les années 2000, la Suisse élabore un mix 30/50, en adoptant des grandes zones 30, avec une limitation à 50 km/h réservée à certaines artères absorbant un trafic important. La France entre dans la danse avec Fontenay-aux-Roses (2005), Nogent-sur-Marne (2006) et Sceaux (2008), puis Clamart, Sèvres, Clichy-la-Garenne, Fontainebleau. En-dehors de l’Île-de-France, c’est Lorient (2009) qui se lance la première.
Dans les années 2010, alors que des mouvements visant à populariser le concept apparaissent, la diffusion se poursuit, souvent par effet de voisinage. Nouveau point de bascule en fin de décennie, avec le passage d’agglomérations entières : la Métropole de Grenoble et ses 45 communes (2017), puis la région de Bruxelles, devenue la plus vaste zone 30 d’Europe en 2020. Depuis trois ans, beaucoup de villes françaises ont franchi le cap, de Paris à Lyon en passant par Bordeaux, Metz, Nantes, Rennes, Clermont-Ferrand, Montpellier ou encore Toulouse. Au total, plus de 200 communes du pays sont passées en Ville 30, soit environ 15 % de la population. En Espagne, le gouvernement a carrément décidé d’imposer à l’ensemble de ses collectivités locales d’abaisser la vitesse à 30km/h dans toutes les rues à voies simples, soit 80% des rues du pays. Le phénomène s’est tellement propagé dans le monde que l’ONU a lancé l’initiative « StreetForLife #Love30 » pour accompagner son développement.
Des impacts positifs mesurés
Si la recette s’étend, c’est que les besoins des habitants en matière de sécurité, de lutte contre le changement climatique et de qualité de vie urbaine convergent, et que les impacts positifs des 30 km/h sont mesurés.
Visez plutôt les résultats d’une étude CEREMA publiée en 2020 : passer de 50 km/h à 30 km/h fait chuter le risque de mortalité en cas de choc pour un piéton de 60 % à 15 %. Les villes ayant adopté le passage aux 30 km/h observent le développement des mobilités douces, et la redynamisation des quartiers historiques et commerçants. Enfin, sur le long terme, cela engendre une diminution du trafic (-10% de voitures et -20% de camions déjà constatés sur Grenoble Métropole), donc une baisse des émissions de CO2 accompagnée d’un amoindrissement du bruit et du stress dans l’espace urbain. Par exemple, une étude sur l’impact acoustique du passage à 30km/h dans Paris, publiée en 2022, montre que la nuisance sonore a légèrement baissé, surtout la nuit, dans les rues parisiennes.
L’impression d’avancer au ralenti, qu’oppose les détracteurs à la mesure depuis qu’elle est entrée en vigueur à Paris, tient difficilement la route quand on sait qu’en raison du trafic, la vitesse moyenne de la circulation automobile dans la capitale entre 7h et 21h est de 13,4 km/h… D’ailleurs, les associations, syndicats et particuliers qui avaient saisi la justice pour faire annuler la décision d’Anne Hidalgo ont été déboutés, le tribunal administratif ayant notamment souligné les « bénéfices attendus de cette mesure en particulier sur la réduction des accidents graves et mortels pour les piétons».
Les mobilités durables favorisées
Au-delà de ces impacts très clairs, les retours d’expérience montrent que dans les « Ville 30 », l’automobile perd du terrain pour laisser plus de place aux mobilités durables, principalement la marche, le vélo et trottinette, grâce notamment à la réorganisation du partage des voies. Un rapport du Commissariat général au développement durable estime que la baisse de vitesse à 30 km/h en ville pousserait, en moyenne, 20% des automobilistes à abandonner la voiture pour un autre mode de transport. En revanche, la multiplication des croisements entre automobilistes et usagers vulnérables entraînent de nouveaux risques de collisions.
Face à ces évolutions, il est essentiel pour les collectivités publiques de comprendre et d’identifier les risques spécifiques liés au passage généralisé aux 30 km/h. Car, loin de représenter seulement des aménagements cosmétiques, une telle décision a des conséquences sur le paysage urbain et sur l’accidentalité. Si l’impact environnemental d’une stratégie des flux repensés pour favoriser les mobilités douces est indéniablement positif, il ne doit pas masquer les indispensables transformations que cela implique pour structurer un nouveau partage de la chaussée.
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