Adrien Aumont de Midnight Trains : « Le train de nuit est magique. Il est temps de lui redonner de sa superbe »

Par Anne-Lise Lecointre-Baladi , le 12 janvier 2024 - 10 minutes de lecture
Les deux co-fondateurs de Midnight posent en duo

Les deux co-fondateurs de Midnight posent en duo

Midnight Trains, c’est le pari d’une expérience ferroviaire inédite alliant confort, intimité et durabilité. La volonté de réinventer le voyage en train du 21ème siècle. Actuellement en pleine levée de fonds, rencontre avec l’un des co-fondateurs de la start-up, Adrien Aumont, qui partage sa vision, ses premières destinations cibles et ses aspirations.

Pour celles et ceux qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous nous expliquer le concept que propose Midnight Trains ?

Adrien Aumont : Midnight Trains est une compagnie de trains de nuit qui a vocation à réinventer le train de nuit, à le réenchanter pour en faire un produit du 21ème siècle et en faire un produit qui puisse être une réelle alternative à l’aviation moyen-courrier. On s’intéresse principalement à des dessertes nationales et européennes. Notre but est de connecter les grandes villes d’Europe les unes aux autres avec un produit de qualité, des prix compétitifs face à l’aviation.

Quelles seront les distances de vos voyages ?

Adrien Aumont : On s’intéresse à des distances qui sont entre 800 et 1500 kilomètres. 800 kilomètres parce que cela prend le relai après la grande vitesse et 1500 kilomètres parce que c’est la distance qui permet d’avoir des temps de parcours compétitifs par rapport à l’aviation.

Vous avez lancé il y a quelques années Kiss Kiss Bang Bang, qu’est-ce qui vous a donné l’idée de lancer Midnight Trains ?

Adrien Aumont : C’est l’assemblement de pas mal de signaux faibles. Le principal est assez simple. Beaucoup de gens ont compris que l’aviation était extrêmement polluante. On nous demande de modifier nos usages, mais on n’offre aucune alternative. Donc c’est : ou on arrête de voyager, ou on continue à prendre l’avion. Ça me semble un peu idiot et je considère qu’il nous faut une alternative de transport bas carbone pour continuer à voyager.
Néanmoins je considère le train de nuit que, tel qu’il a été arrêté il y a quinze ans et tel qu’il est relancé aujourd’hui, n’est pas un produit qui peut être une alternative sérieuse face à l’aviation parce que c’est un produit qui est déceptif et aujourd’hui personne ne descendra des avions pour faire 12 heures de trajet avec des inconnus. Je ne crois pas du tout à cette idée-là.

Le train de nuit est magique. Il y a un imaginaire extrêmement fort autour de ce moyen de transport, mais c’est un produit qui a été dégradé de décennies en décennies et, aujourd’hui, il est temps de lui redonner de sa superbe et d’essayer d’en faire un produit qui cochent les cases de nos usages et de nos envies. C’est un produit qui doit redevenir désirable. C’est ça le sujet le plus important et, pour ça, on s’y prend d’une manière assez simple.
On considère que le premier sujet c’est de préserver l’intimité des voyageurs. Donc à bord de Midnight Trains il n’y aura que des couchages privatifs. On ne dormira jamais avec des inconnus.

Crédit : Midnight Trains

Le point complémentaire à cette intimité c’est le confort. On a envie de dormir dans un vrai lit. Un lit déjà fait quand on arrive dans sa chambre. Et puis on a envie que cette chambre soit bien insonorisée.

Crédit : Midnight Trains

L’intimité c’est le cœur de notre promesse à quoi se rajoute la convivialité. On remet une voiture commune, restaurant-bar qui permet d’avoir un dîner et un petit-déjeuner de qualité parce que finalement on a ces deux moments importants de la journée et de la nuit qui se passent à bord de nos trains.

Crédit : Midnight Trains

Enfin, on finit avec une offre augmentée grâce au digital et grâce à un parcours utilisateur de qualité aussi bien sur le ticketing, que sur la vie à bord, que sur la gestion des aléas comme il peut y avoir dans les transports.

En 2021, vous ambitionniez des préventes pour 2023. Où en est actuellement le projet ?

Adrien Aumont : On a pris du retard. Aujourd’hui, on est plus sur des préventes fin 2025. Ce décalage est dû à un retard premièrement sur la mise en place d’un partenariat avec un constructeur car nous allons construire des trains neufs. C’est un partenariat qui est mis en place depuis un an et demi. Et deuxièmement ce qu’on attend maintenant c’est de boucler notre levée de fonds qui nous permettra de construire nos trains et de lancer nos opérations. On espère pouvoir clôturer cette levée de fonds dans les prochains mois. 

Qui a jusqu’ici financé le projet ?

Adrien Aumont : La phase de développement a été financée par des Business Angels français comme Xavier Niel ou Pauline Duval ; et là, la levée de fonds actuelle est organisée pour financer l’acquisition de nos trains et financer l’entreprise opérationnelle dans ses premières années d’activités.

Lors de la phase de construction du projet, vous aviez pensé réhabiliter des trains d’occasions. Cela n’est plus d’actualité ?

Adrien Aumont : Au tout démarrage, on s’est demandé si on devait acheter des trains d’occasion ou des trains neufs. Mais on a assez vite acté le fait qu’il fallait partir sur des trains neufs avec un partenariat avec un constructeur dans l’objectif d’avoir un train qui soit repensé en termes d’espaces, mais surtout d’être en capacité de déployer vite. C’est-à-dire qu’on lance une première ligne, mais le but c’est de lancer plein de lignes derrière. Quand vous achetez du matériel neuf avec un partenariat avec un constructeur, vous avez une plateforme de construction qui est à votre main d’une certaine manière et qui vous permet de lancer assez facilement le réplica des premières voitures, ce qui est plus compliqué sur du matériel d’occasion qui nécessite de repartir sur une chasse aux trésors à chaque fois.

L’aviation est actuellement un mode de transport très compétitif. Comment envisagez-vous de rivaliser sur le plan financier ?

Adrien Aumont : Aujourd’hui nous ne faisons pas une compétition de prix directement sur un billet d’avion, ce qu’il faut savoir c’est qu’on fait la compétition sur le prix d’un voyage en avion. Et un voyage en avion coûte plus cher que le simple prix du billet pour deux raisons : la première c’est que les compagnies aériennes nous vendent des tas de choses aujourd’hui, que ce soit pour avoir un bagage en cabine. Et puis il y a un deuxième aspect qui sont les coûts cachés d’un voyage en avion. Pour prendre deux exemples assez simples : si vous prenez le vol très tôt le matin, vous n’aurez pas de transport en commun, donc vous prendrez un taxi et ça c’est un coût supplémentaire assez élevé, parfois même presque le même prix qu’un billet d’avion. Si vous prenez un avion le soir, vous allez sûrement prendre une nuit d’hôtel à destination. Donc un voyage en avion coûte bien souvent plus cher qu’un billet d’avion et sur ces prix-là nous seront majoritairement moins chers. Cette compétition tarifaire se fait de cette manière-là. On peut aussi espérer que dans le futur les billets d’avion vont augmenter parce qu’ils seront enfin taxés raisonnablement.

A qui s’adressent vos offres : aux familles, aux amis, aux couples ?

Adrien Aumont : Très honnêtement, elles s’adressent aux plus grands nombres parce que nos trains sont pensés pour accueillir des gens qui voyagent seuls, des familles, des amis, des groupes d’amis, des couples et des gens qui voyagent pour le travail. Notre inventaire fonctionne pour tous les profils et pour toutes les bourses. Une personne qui a les moyens de voyager à bord d’Easy Jet aura les moyens de voyager à bord de Midnight Trains ; et toute personne ayant des moyens importants ou l’envie de fêter un événement important trouvera aussi une offre qui correspond à cet événement. On doit pouvoir accueillir un maximum de gens. On doit faire descendre le plus de monde possible des avions et on doit faire une entreprise rentable. On doit donc toucher un maximum de gens.

Comment serez-vous commercialisé ?

Adrien Aumont : On va faire de la vente en direct à travers notre propre site internet et notre application. Aussi, nous allons travailler avec des agences de voyage, des tours opérateurs et nous serons disponibles sur un maximum de plateformes dédiées à la billetterie ferroviaire. On sera sur un maximum de canaux pour toucher un maximum de gens et être présents dans leurs parcours habituels.

Serez-vous relayé par des agences de voyage, comme par exemple Evaneos qui a choisi de sonner la fin des city-breaks ultra carbonés en se concentrant sur des voyages plus proches en train ?

Adrien Aumont : Des acteurs comme Evaneos sont en train de bouger aujourd’hui et, bien sûr, ils vont avoir besoin d’offres ferroviaires pour pouvoir tenir cette promesse. C’est pourquoi on se parle très régulièrement. Ils ont un temps d’avance sur ce sujet, mais les autres acteurs du marché vont suivre. Il faut les accompagner. Il faut qu’ils puissent avoir des offres. Les offres de la SNCF ne suffiront pas. A partir du moment où vous voulez faire du transfrontalier, on ne peut pas inventer des offres qui n’existent pas. On a besoin de Midnight Trains et d’autres acteurs du ferroviaire pour compléter les offres actuelles.

Quelles destinations envisagez-vous de proposer ?

Adrien Aumont : La toute première ligne sera le Paris-Milan-Venise ; et ensuite notre déploiement partira de Paris vers le Sud de l’Europe en comptant Nice comme seule ville française ; et ensuite Paris Barcelone et Paris Florence Rome. Ça c’est le premier déploiement en partant d’un hub commercialisable et opérationnel qui sera parisien. On vise les gros marchés.

En ce début d’année, que peut-on vous souhaitez pour Midnight Trains pour 2024 ?

Adrien Aumont : Très honnêtement de réussir notre levée de fonds et d’aller au bout de cette étape.

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Anne-Lise Lecointre-Baladi

Rédactrice en chef Deklic

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