Du chocolat à la voile : le chocolatier Grain de Sail inaugure son second voilier-cargo
La start-up bretonne Grain de Sail baptise, le 11 janvier 2024, son second voilier-cargo, pour proposer à la vente du chocolat provenant de cacao 100 % acheminé à la voile.
Amérique centrale, Amérique du Sud, Caraïbes, Afrique… Le cacao qui sert à fabriquer nos tablettes de chocolat favorites vient de très loin. Avec, en général, un bilan carbone lié à son transport tout sauf négligeable. La start-up bretonne, Grain de Sail, a décidé, dès sa création en 2012, de chercher à mettre en place un modèle où 100 % du chocolat et du café qu’elle vend soit fabriqué à partir de matière première transportée à la voile. Une idée qui nécessitait de créer une activité de torréfaction de café et de production de chocolat, mais aussi, devant l’absence de solutions satisfaisantes, de transport de marchandises à la voile.
« L’innovation est vraiment dans le couplage de ces deux activités différentes », souligne Stefan Gallard, le directeur marketing de Grain de Sail. « Olivier et Jacques Barreau, les deux frères jumeaux cofondateurs de Grain de Sail se sont dit qu’il fallait d’abord commencer par l’activité commerciale pour ensuite mettre en place le transport maritime », ajoute-t-il. La torréfaction a commencé dès le départ, à Morlaix, puis la chocolaterie a été créée trois ans plus tard. Le succès de cette deuxième activité (devenue la principale) a permis de récolter suffisamment de capital pour lancer la construction d’un premier voilier.
Un premier voilier-cargo en 2020
Grain de Sail I, goélette de 24 mètres de long permettant de charger 50 tonnes de marchandises a ainsi fait sa première traversée de l’Atlantique en novembre 2020. « C’était un prototype volontairement petit, pour que ce soit raisonnable par rapport à la taille de l’entreprise et pour limiter la prise de risque » explique Stefan Gallard. Un prototype qui a tout de même permis au chocolatier de transporter à la voile près de 50 % du cacao nécessaire à son activité en 2023. Le navire effectuait ainsi 2 voyages par an entre Saint-Malo, New-York et les Caraïbes. Pour que le voilier ne parte pas les cales vides, la start-up bretonne a ajouté une autre petite corde à son arc avec la revente de vins et de spiritueux français aux Etats-Unis, à l’aller. Puis Grain de Sail I transportait du matériel médical à des fins humanitaires de l’Amérique aux Caraïbes, avant de reprendre sa mission première et de ramener du café et du cacao jusqu’aux côtes françaises.
« Ça a été une avancée certaine dans la modernisation du transport vélique. Ce navire était le premier voilier à être normé marine marchande, rappelle Stefan Gallard. Ça veut dire qu’on fait le même métier qu’un porte-conteneurs mais avec le vent comme moyen de propulsion. » Et avec la pollution en moins. En effet, les navires de fret classiques, souvent des porte-conteneurs, sont majoritairement propulsés par du fioul lourd. Et le secteur du transport maritime est ainsi à l’origine de 3 % des émissions de mondiales de gaz à effet de serre. « Le transport à la voile permet une décarbonation à hauteur de 90 % par rapport à un trajet conventionnel », explique le directeur marketing.
Changement d’échelle
Très vite, alors que Grain de Sail I achevait à peine son premier voyage (de trois mois), l’équipe a commencé à réfléchir à la conception du second voilier-cargo. Dès 2020, un nouveau contrat était signé avec le chantier naval et la construction a démarré à l’été 2020. Le voilier de 52 mètres de long est arrivé à Saint-Malo et son baptême aura lieu le 11 janvier 2024. Une première traversée devrait être effectuée à la fin du premier trimestre 2024. « C’est un changement d’échelle pour nous, partage Stefan Gallard, on passe d’une capacité de chargement de 50 tonnes à 350 tonnes. » De quoi permettre à l’entreprise de transporter tout le cacao et le café dont elle a besoin entièrement à la voile, mais aussi d’ouvrir la cale à d’autres clients et peut-être de « démocratiser le transport vélique ». Grain de Sail II naviguera à une vitesse de 11 à 12 nœuds, lui permettant de traverser l’Atlantique en 15 à 18 jours. À bord, les ambitions écologiques de Grain de Sail se poursuivent. L’électricité est produite via des panneaux solaires qui recouvrent le bateau, et via l’hydrogénération (une hélice qui tourne à l’envers et permet de générer de l’électricité lorsque le navire est en mouvement).
Le jeune navire n’a pas encore quitté le port et Grain de Sail prépare déjà la suite. Un projet de construction vient d’être déposé à Dunkerque pour un nouveau relais local. La start-up a en effet pour objectif d’installer de nouvelles unités de production à Dunkerque d’abord, au niveau du port, puis dans le Sud-Ouest et à New-York par la suite, pour limiter les émissions liées au transport terrestre de la marchandise. La petite entreprise qui compte aujourd’hui une soixantaine de salariés devrait donc continuer à s’agrandir, avec ces nouvelles unités de production, ainsi qu’avec le développement de son activité de transport de marchandises à la voile ouverte à d’autres clients, et l’arrivée de trois ou quatre futurs « sister-ships » (navires identiques) pour Grain de Sail II dans les années à venir.
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