Infographie : quels pays consomment l’électricité la plus verte en Europe ?
C’est le nœud du problème. Notre production d’électricité est le principal pourvoyeur d’émissions de CO2. Elle représente 41 % du total des émissions dues à la combustion d’énergie dans le monde, loin devant les transports (24 %) et l’industrie (19 %, y compris la construction). Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? Que si l’on veut atteindre les différents objectifs mondiaux fixés par les scientifiques, c’est-à-dire réduire les émissions pratiquement de moitié d’ici à 2030 et atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, s’attaquer à notre production d’électricité pourrait être une bonne idée…
Comment ? La sobriété est un premier levier, bien sûr. Mais le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) n’est pas très optimiste à cet égard. La consommation mondiale d’électricité est en hausse, et les prédictions semblent indiquer que la tendance va se poursuivre (+ 3 % par an jusqu’en 2025). Oups. Reste l’option B : poursuivre le développement des alternatives décarbonées. « Nous devons mettre fin à notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles et investir dans d’autres sources d’énergie qui soient propres, accessibles, abordables, durables et fiables », explique-t-on du côté des Nations Unies, qui en a d’ailleurs fait un objectif officiel.
Qui dit alternatives décarbonées dit nucléaire et énergies renouvelables. Si le premier ne manque pas d’atours, les enjeux liés, notamment, aux risques et à la gestion des déchets, nuisent à sa popularité. C’est plutôt sur les secondes que la communauté internationale entend s’appuyer dans un futur proche. « Les sources d’énergie renouvelables, qui sont disponibles en abondance partout autour de nous grâce au soleil, au vent, à l’eau, aux déchets et à la chaleur de la Terre, se renouvellent naturellement et ne rejettent que peu ou pas de gaz à effet de serre ou de polluants dans l’air », détaille l’ONU. Après avoir stagné autour des 20 % entre 1990 et 2010, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique mondial atteint aujourd’hui 29 %. Et, selon le dernier rapport de l’AIE, on devrait monter à 35 % d’ici 2025. Une date pivot, puisque dans le même temps la part du charbon devrait chuter à 33 %, ce qui ferait du renouvelable la première source d’électricité au monde.
À deux ans de l’échéance, Deklic a fait le tour d’Europe et du monde à la recherche des bons et des mauvais élèves des énergies renouvelables. Quels pays consomment l’électricité la plus verte ? Voici notre bulletin de notes.
Sources des datas : Eurostat
Ndlr : afin de ne pas fausser les comparaisons, nous avons choisi d’utiliser les données de la consommation brute d’électricité, c’est-à-dire la production nationale brute totale d’électricité + les importations – les exportations d’électricité.
Premiers de la classe : Norvège et Islande
Avec 100 % de l’électricité consommée provenant d’énergies renouvelables, la Norvège et l’Islande font figure, selon votre personnalité, de modèles à suivre ou de premiers de la classe très agaçants. Deux pays tellement forts en électricité verte, qu’ils en produisent plus qu’ils n’en consomment, ce qui permet d’exporter le surplus.
L’Islande, située au milieu de l’Atlantique sur la fracture des plaques tectoniques américaines et eurasiennes, s’appuie sur une zone volcanique très active pour produire de l’énergie géothermique (un peu moins d’un tiers de sa production). Comme les glaciers couvrent 11 % du pays, l’Islande peut également compter sur la neige fondue qui alimente les fleuves glaciaires, coulent des montagnes vers la mer, et contribue ainsi aux ressources hydroélectriques (un peu plus de deux tiers). Vous voulez savoir la meilleure ? Le pays dispose aussi d’un énorme potentiel d’énergie éolienne, qui est pratiquement inexploité. En gros, ils ont eu 20/20 sans réviser… Si vous voulez quand même trouver un moyen de critiquer, vous pouvez toujours regarder du côté de l’origine de cette politique. « Malgré de bonnes intentions, l’Islande n’a pas eu recours aux énergies renouvelables en raison de leur importance pour le climat. Sa motivation était simple : elle ne pouvait pas faire face aux variations du prix du pétrole causées par de nombreuses crises qui ont frappé le marché mondial de l’énergie. Isolée près du cercle polaire, elle avait besoin d’une ressource énergétique stable et économiquement viable. » C’est Halla Hrund Logadóttir, la directrice de l’Iceland School of Energy de la Reykjavík University, qui le dit. En vrai, l’Islande n’a même pas fait tout ça pour le climat. La honte.
Côté norvégien, on ne se prend pas la tête : ce sont globalement les barrages hydroélectriques qui produisent l’électricité. Environ 92 % en 2020, jusqu’à 99 % les années de forte pluviométrie. Pour compenser les moments où il fait quand même un peu beau temps, la Norvège développe sa production éolienne qui contribue pour 7,5 % à la production d’électricité du pays. Là aussi, pour ceux qui veulent quand même critiquer, il y a matière. Car la Norvège a un petit secret (bon en fait c’est pas un secret, il suffit de regarder les chiffres) : c’est un géant du pétrole et du gaz, deux énergies pas franchement vertes. Grâce aux gisements pétroliers de la mer du Nord, le pays est le 12e plus gros producteur de pétrole au monde, ainsi que le 9e producteur et le 4e exportateur mondial de gaz naturel.
Félicitations du jury : Autriche et Suède
Au-delà des génies, la classe Europe a quand même quelques très bons élèves. L’Autriche (78,2 %) et la Suède (74,5 %) consomment une électricité qui provient aux trois-quarts d’énergies renouvelables. Le premier est lancé dans une progression fulgurante depuis les années 1970, après qu’un référendum a mis fin à la mise en service effective de la centrale nucléaire de Zwentendorf. Récemment, le parlement autrichien a encore voté une nouvelle loi sur le développement des énergies renouvelables dans le pays, avec l’objectif affiché d’atteindre 100 % de production d’électricité renouvelable d’ici 2030. Le second a une politique très stable depuis la fin des années 1980. Au-delà de sa production nucléaire qui lui permet d’être presque totalement décarbonée, elle s’appuie, en matière de renouvelable, sur la 11e production hydroélectrique mondiale, et la 10e production d’électricité éolienne.
Encouragements : Danemark
Les plus mesquins d’entre vous l’auront noté : pour une fois le Danemark n’est pas premier. Mais force est de constater que, si le pays importe beaucoup, il tend tranquillement vers son ambitieux objectif : 100 % d’énergie décarbonée, sans recours au nucléaire. Les éoliennes danoises battent des records, tandis que les centrales biomasse se positionnent en solide variable d’ajustement. Alors que moins d’un quart de sa consommation provenait d’énergies renouvelables en 2004, le Danemark est l’un des pays d’Europe dans lequel ce taux a le plus augmenté ces 20 dernières années.
Avertissement du conseil : Chypre, Hongrie, Malte
Tout au fond de la classe, Chypre et Malte, deux îles européennes, ne brillent pas par leur électricité verte. Les Chypriotes s’appuient très largement sur le pétrole pour satisfaire leurs besoins énergétiques, et un gisement de gaz naturel ayant été découvert au large des côtes et n’ayant toujours pas été exploité, les énergies renouvelables ne seront sans doute pas la priorité de Chypre dans les années à venir… L’élève maltais, lui, est le bonnet d’âne de l’Europe, avec moins de 10 % de sa consommation qui provient d’énergies renouvelables. Le profil est similaire : une forte dépendance au pétrole, et la mise en service très récente d’un terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié.
La Hongrie, elle, consomme une électricité produite pour moitié grâce au nucléaire, et pour 38 % par les énergies fossiles. Ses 11,6 % d’électricité renouvelable repose depuis peu sur un développement important du solaire. Mais si les années 2000 avaient été propices à une belle accélération de la part de renouvelable dans l’électricité hongroise, la tendance est au ralentissement depuis l’arrivée au pouvoir de Viktor Orban.
Et la France dans tout ça ?
Grande championne du nucléaire, dont elle est à la fois – et de loin – le plus gros producteur européen et le pays avec la part la plus importante dans sa production d’électricité, la France est plutôt en queue de peloton en matière d’énergies renouvelables. Elle a d’ailleurs été épinglée à Bruxelles comme la seule à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables pour 2020. Trois ans plus tard, on n’a toujours pas réussi l’examen de rattrapage, et le gouvernement n’a pas su justifier devant l’exécutif européen de la moindre démarche réalisée pour tenter de combler son retard. Pour éviter les sanctions, des négociations sont en cours. Il va falloir un sacré mot d’excuse des parents…
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