Ingénieurs et ingénieures : les métiers de l’environnement recrutent !
C’est la rentrée et les offres d’emploi fleurissent sur les réseaux sociaux. Un groupe de BTP recherche un ingénieur d’affaires en transition énergétique en Auvergne-Rhône-Alpes, une filiale d’EDF cherche aussi en Occitanie… Dans toute la France, les ingénieurs sont sollicités pour construire le monde d’après. Pourtant, ils manquent encore à l’appel.
Alors que les scientifiques, à l’image de Jean Jouzel dernièrement, appellent à laisser les combustibles fossiles dans le sol et à investir massivement dans les énergies renouvelables, la transition écologique va nécessiter de la matière grise. Problème, les ingénieurs sont aux abonnés absents. Selon l’association Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), alors que la France aurait besoin de 60 000 ingénieurs supplémentaires chaque année, elle ne compte que 44 000 nouveaux diplômés par an. Du côté des employeurs, nombreux sont ceux, notamment dans les industries de pointe, qui « font part de leurs difficultés à recruter des profils techniques pour leurs usines » comme le constate le cabinet de conseil en stratégie McKinsey dans son rapport « Redéfinir les stratégies industrielles à l’aune des grandes mutations récentes » publié cet été. « On a de très gros trous dans la production d’ingénieurs, même si on a un système de très grande qualité » explique la directrice générale France, Clarisse Magnin, dans un entretien accordé à l’AFP. Tout porte à croire qu’avec un défi énergétique vient un défi humain, celui de réenchanter la filière afin de pouvoir « massivement former encore plus d’ingénieurs ».
« Renaissance industrielle » cherche ingénieurs
D’autant que l’avenir de la transition est en chantier. Recyclage de métaux et matériaux, invention de climatiseurs ou de chauffages non polluants, développement de batteries automobiles, d’électrolyseurs ou rénovation énergétique de masse dans le secteur du bâtiment : autant de machines et de procédés nouveaux à lancer, qui caractérisent une « renaissance industrielle » d’après Hugues Lavandier, co-auteur du rapport McKinsey. Pour mener à bien ces projets, « il va falloir surtout beaucoup d’ingénieurs dans la première phase, puis ensuite progressivement beaucoup de techniciens pour les mises en place », détaille Philippe Boucly, président de France Hydrogène, un organisme qui regroupe les acteurs du secteur. De ce côté-là, l’hydrogène est un cas d’école et va certainement nécessiter d’y retourner.
100 000 personnes à former dans l’hydrogène d’ici 2030
Passer de l’hydrogène « gris » à l’hydrogène « vert » : c’est l’un des grands défis industriels de la France dans les prochaines décennies. Jusqu’à présent, l’hydrogène est produit à partir de méthane. Tandis qu’il traîne derrière lui un bilan carbone colossal, il représente actuellement plus de 95 % de l’hydrogène produit dans le monde. Pour qu’il puisse accomplir le destin ambitieux qu’on lui attribue comme décarboner la fabrication d’acier, servir de carburant aux moyens de transport ou stocker l’électricité solaire et éolienne, il devra laisser place à son homologue couleur espoir. Cet hydrogène propre, dit « vert », est issu de l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité décarbonée. En cours de constitution, la filière française a besoin de 100 000 personnes à former d’ici 2030, selon l’étude « Def’hy » publiée ce jeudi. Actuellement, la France compte dix mégawatts de capacité de production d’électrolyse installée et « vise une capacité de production de 6.500 MW en 2030 », rappelle M. Boucly. Il envisage trois « phases » de montée en puissance : 2023-2025 avec la préparation à l’ouverture de nouvelles usines, 2026-2028 avec la mise en œuvre des usines et une phase de production industrielle après 2028.
Et les ingénieures ?
Les grandes absentes parmi les absents, ce sont elles : les ingénieures. Pour Laurent Tardif, président de la Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication (FIEEC) et administrateur de Centrale-Supelec, la seule solution pour augmenter les effectifs sans baisser le niveau, « c’est d’attirer plus de jeunes filles » dans les prépas scientifiques, bastion encore très masculin. « Nous avons eu 40 jeunes filles la première année et 150 l’an dernier, au concours d’entrée, nous avons aussi ouvert des places réservées aux élèves des prépas biologie, majoritairement féminines », explique M. Tardif. D’autres initiatives se développent pour convaincre les femmes de rejoindre leurs rangs, à l’image de « Cap ingénieuses ». Le label se donne pour mission de faire découvrir les sciences aux écoliers des classes d’écoles élémentaires et de collèges locaux pour « déconstruire les préjugés de genre ». Mais les progrès peinent à se matérialiser. Selon IESF, les filles représentent seulement environ 28 % des élèves dans les 204 écoles d’ingénieurs françaises, et ce depuis une décennie. L’association est d’autant plus inquiète qu’elle note une « baisse de la satisfaction au travail » des jeunes ingénieurs, laquelle « alimente le discours sur le grand renoncement et la démission tranquille ».
(Source AFP)
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