Jim Skea, le nouveau président du GIEC « génétiquement optimiste »

Par Charlotte Combret , le 28 juillet 2023 — réchauffement climatique - 5 minutes de lecture
Jim Skea nouveau président du Giec

Jim Skea aux côtés du président sortant, Hoesung Lee, lors d’une conférence de presse à Incheon, en Corée du Sud. Crédit Ahn Young-joon / AP / SIPA

Le 26 juillet, Jim Skea, enseignant écossais de 69 ans, spécialiste des énergies durables, est élu à la tête du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU. Il devient le cinquième président de l’organisation, au cours d’une décennie cruciale pour l’avenir de l’humanité.

De Professeur à Président 

Professeur en énergies durables de l’Imperial College London, Jim Skea a été élu par ses pairs à la présidence du GIEC, lors d’une session spéciale tenue à Nairobi. Avec 90 voix sur 195, il l’emporte de peu face à l’ancienne chercheuse à l’Institut national de recherche spatiale au Brésil et coprésidente du GIEC, Thelma Krug, la biogéographe sud-africaine, Debra Roberts, et le climatologue belge, Jean-Pascal van Ypersele.

Ses qualités d’enseignant ne seront certainement pas de trop pour faire comprendre au monde l’étendue de la crise qu’il traverse. D’autant qu’en termes de dérèglement climatique, Jim Skea en connaît un rayon. Pendant huit ans, il a co-présidé le groupe de travail III du GIEC, consacré à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour le reste de la décennie, il sera chargé de superviser les travaux de centaines d’experts du climat en vue d’inverser les courbes. 

Fraîchement débarqué, l’Écossais déclare avoir trois priorités : « améliorer l’inclusivité et la diversité, protéger l’intégrité scientifique et la pertinence politique des rapports d’évaluation du GIEC » et « maximiser la portée et l’impact » de son travail « au travers d’engagements avec les décideurs politiques et les autres parties prenantes ».

L’énergie d’un scientifique

Si la nomination de l’une des deux candidates féminines à la tête du GIEC aurait été une chance incontestée, l’élection de Jim Skea porte en elle un autre symbole, celui de la Science qui détrône l’Économie. Le nouveau président britannique, un scientifique pure souche, prend en effet la suite d’Hoesung Lee, économiste sud-coréen spécialisé dans les questions d’énergie, qui avait été élu en 2015.

Né à Dundee en Écosse, une ville côtière proche de la mer du Nord, Jim Skea est féru de sciences dures dès les premières heures. Il étudie la physique mathématique à l’Université d’Édimbourg, puis enchaîne avec un doctorat en recherche énergétique au laboratoire Cavendish de l’Université de Cambridge. Ses centres d’intérêt sont plus que jamais dans l’air du temps : l’énergie, le changement climatique et l’innovation technologique. 

En 2018, Jim Skea fait partie de la direction scientifique du Rapport Réchauffement planétaire de 1,5 °C, premier d’une longue série. Quelques années plus tard, alors qu’il accède à la présidence, le prochain cycle du GIEC « sera peut-être le dernier avant que le réchauffement planétaire n’atteigne, voire dépasse, les 1,5 degrés » comme le souligne Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue française et coprésidente du 1er groupe de travail de l’organisation.

Yes, Professeur

Jim Skea est humble. « C’est avec humilité et un grand honneur que j’ai été élu président du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux, après avoir remercié les trois autres candidats en lice pour ce poste. Loin des jeux de pouvoir, il a la posture droite d’un scientifique. Celui qui fait, plutôt qu’il ne montre. Dans un article rédigé en avril 2023 pour le World Economic Forum, le nouveau président du GIEC affirmait que « nous n’avons pas toujours besoin de leaders visionnaires, nous avons besoin de tous les membres de la société, des citoyens et des communautés, qui travaillent sur le terrain pour faire avancer les choses ». 

Jim Skead est réaliste. Si l’humanité veut se conformer aux objectifs de l’accord de Paris, c’est « maintenant ou jamais », lançait-il un peu plus tôt dans l’année. Dans un contexte où le mois de juillet est certainement le plus chaud jamais enregistré sur Terre, il est conscient de l’ampleur de la tâche à réaliser. Loin d’en être à son coup d’essai, le chercheur britannique assure ne pas être « naïf quant à la difficulté de faire passer les messages scientifiques ». Il se fera un plaisir de rappeler à qui veut bien l’entendre – ou non – que l’humanité dispose des outils nécessaires pour agir. 

Jim Skea est « génétiquement optimiste », selon ses propres mots. D’après lui, la civilisation humaine a le pouvoir de modifier la trajectoire future du changement climatique. « Nous devons insister sur le fait que les humains ont des choix qu’ils peuvent faire et qu’ils peuvent décider de leur propre avenir ». « Les défis sont énormes, mais l’essentiel est de ne pas être paralysé dans l’inaction par un sentiment de désespoir », rappelle-t-il. Pour cela, une bonne dose de positivisme est, selon lui, grandement nécessaire !

Alors que les scientifiques du GIEC avaient eux-mêmes sous-estimé les effets du dérèglement climatique dans leurs anciens rapports, avec Jim Skea, l’espoir semble encore permis. 

(Source AFP)

Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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