Le cinéma emprunte le chemin de la transition écologique
Déplacements à l’autre bout de la planète pour trouver un décor exotique ou inattendu, consommation d’énergie, production de déchets… L’empreinte écologique d’une production audiovisuelle est loin d’être neutre. Depuis quelques années, les mentalités évoluent, et sur certains tournages, les équipes cherchent à produire des films de manière plus écoresponsable.
Depuis 2022, une nouvelle catégorie a vu le jour au festival de Cannes. Il s’agit de la catégorie « film écoresponsable » lancée par l’association Ecoprod. En 2022, c’est le film La Cour des Miracles de Carine May et Hakim Zouhani qui a remporté cette distinction. En 2023, le film Acide, de Just Philippot lui a succédé. Parmi les critères retenus pour pouvoir bénéficier de ce prix : réduction des déchets, maitrise de la consommation d’énergie (de lumière notamment), optimisation des transports, préservation des lieux de tournage naturels ou encore écoconception des décors. Des critères peu habituels dans cette industrie un peu particulière, où les habitudes de production ont longtemps mis de côté les considérations écologiques.
Selon une étude d’Ecoprod publiée en 2020, le secteur de l’audiovisuel rejette 1,7 million de tonnes de CO2 chaque année. « Il y a ce à quoi on pense rapidement : l’utilisation des ressources, la fabrication des décors, les déplacements de personnel… Mais un film c’est aussi la promotion d’un film avec des équipes qui voyagent à travers le monde ou encore le stockage des données. Il y a des impacts directs et indirects sur l’environnement », rappelle Mathieu Delahousse, co-fondateur et directeur général de Secoya écotournage, société de conseil en écoresponsabilité pour le secteur audiovisuel, créée il y a cinq ans, aux prémices de ce changement de mentalités.
Silence, on tourne (vert)
« La création de Secoya est une conséquence de la prise de conscience qui commençait dans le monde de l’audiovisuel, précise-t-il. On s’est dit qu’il y avait un sujet qui venait. » De plus en plus de productions font ainsi appel aux services de l’entreprise pour optimiser les tournages et réduire l’impact écologique. Une perspective qui risque de progressivement même s’imposer aux équipes. En effet, depuis le 31 mars 2023, les demandes d’aides faites au CNC (Centre national du cinéma et des œuvres animées) doivent comporter un bilan prévisionnel et définitif du bilan carbone des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. À compter du 1er janvier 2024, le bénéfice des aides sera conditionné à la remise de ces bilans. Une obligation qui incitera certainement plus de productions à se réinventer.
« Nous on aide à se poser la question d’autre façons de faire pour qu’un tournage soit moins énergivore ou contraignant », résume Matthieu Delahousse. Parmi les actions qui peuvent être mises en place : la limitation du nombre de véhicules utilisés lors d’un tournage, le choix du lieu de tournage plus proche ou l’utilisation de matériaux de réemploi pour les décors. Certains prestataires proposent en effet des décors, costumes et accessoires reconditionnés, notamment La Réserve des Arts autour de Paris ou ArtStock en région PACA. Des solutions qui, au-delà d’être écologiques, sont aussi plus économiques. « Notre secteur d’activité doit se renouveler, résume Mathieu Delahousse. Trouver les bonnes solutions pour aller faire un film, aller chercher une structure plus qu’une autre, ça change vraiment beaucoup de choses à l’échelle d’un tournage, et qui plus est quand ça touche à toute l’industrie. »
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