Le voilier est-il le cargo du futur ?
Zoom sur le développement de voiliers-cargos dédiés au transport de marchandises, et sur Vela, l’un de ces nouveaux concepteurs-armateurs dans le vent.
« Ça a commencé par un amour pour l’océan et la volonté de s’engager pour un avenir plus soutenable », pose Pierre-Arnaud Vallon, à propos du projet Vela, dont l’objectif est de proposer du transport maritime 100 % à la voile entre Bayonne et New-York. Pierre-Arnaud Vallon ainsi que le skipper français François Gabart figurent parmi les cinq co-fondateurs à l’origine de Vela, créée fin 2022. « On a regardé tout ce qui pouvait être fait pour décarboner le secteur maritime et on s’est dit que le vent était le moyen le plus efficace », précise-t-il. En effet, les émissions de gaz à effet de serre provenant du transport maritime représentent près de 3 % des émissions anthropiques mondiales.
Au mois de mai, Vela a présenté les plans de son premier voilier, qui devrait effectuer sa première traversée au 2e semestre 2025. La construction démarrera début 2024. Puis, d’ici 2028, l’entreprise projette le développement d’un total de cinq voiliers en opération. « On est arrivé à un concept de trimaran, car c’est fiable, rapide et sécurisé », explique Pierre-Arnaud Vallon.
Limiter l’empreinte carbone à tous les niveaux
Le navire de 65 mètres pourra transporter 560 palettes, « l’équivalent de 52 conteneurs de 20 pieds ». « Quand on veut faire du 100 % voile, il faut chasser le poids inutile. Tout ce poids inutile a un impact carbone comme la gestion des équipements à vide en cas d’utilisation de conteneurs. » Au-delà de l’utilisation du vent comme énergie de propulsion, l’équipe de Vela cherche aussi à limiter son empreinte carbone sur d’autres aspects, par exemple en utilisant des panneaux solaires et hydro générateurs pour produire 50 % de l’énergie nécessaire à bord. De plus, la petite taille du voilier lui permet d’accoster dans des ports secondaires, d’éviter les gros hubs portuaires et surtout de se rapprocher des entrepôts de départ et d’arrivée des marchandises. « Les trajets en camion en amont du transport maritime sont extrêmement émissifs, souligne Pierre-Arnaud Vallon. En se rapprochant, on a aussi un impact positif sur le pré et post-acheminement. » Autre engagement de Vela : des navires sous pavillon français afin que les marins puissent bénéficier de contrats de droit français.
Sur la Transatlantique, le vent ne manque pas. La traversée, chargement et déchargement compris, pourra se faire en 15 jours. Un timing compétitif par rapport aux navires porte-conteneurs. « Actuellement la tendance est au slowsteaming, c’est-à-dire que tout le monde réduit sa vitesse pour consommer moins de carburant. Nous on est à 12 nœuds, et beaucoup de navires sont à 16 nœuds. »
Un marché en développement
Si Vela figure parmi les précurseurs de ce retour au bateau à voile, l’entreprise bayonnaise n’est pas la seule à y avoir pensé. La chocolaterie bretonne Grain de Sail, qui achemine une partie du cacao dont elle a besoin par voilier depuis trois ans, met cette année à l’eau son second cargo-voilier « Grain de sail II », une goélette de 52 mètres de long, pour effectuer des allers-retours entre la France et l’Amérique. Towt a également lancé la construction de quatre voiliers-cargos de 80 mètres. D’autres ont pensé à des solutions hybrides, comme Airseas et Beyond the sea qui ont imaginé un système de traction des porte-conteneurs avec une voile de kite, pour limiter la consommation de carburant.
« Beaucoup d’entreprises se lancent, se réjouit Pierre-Arnaud Vallon. Le vent s’affirme comme une source d’énergie pour le transport maritime et devient une évidence pour tous. Particulièrement en France, où on a un vrai temps d’avance, grâce à la course au large et au tissu industriel. » Tous ces acteurs de la transition écologique à la voile se sont réunis au sein de l’association Wind Ship.
À la question de savoir si le voilier sera le cargo du futur, Pierre-Arnaud Vallon répond sans hésiter. « J’en suis sûr, d’autant que le vent est complètement gratuit. Notre conviction chez Vela, c’est que là où on pourra utiliser du vent, il faudra utiliser du vent. » Une conviction qui implique selon lui des solutions « protéiformes », 100 % à la voile ou hybrides, selon les routes à prendre et le vent que l’on y trouve.
À lire aussi :
Sailcoop : des traversées à la voile qui mettent le cap vers l’émerveillement