L’essor de l’intelligence artificielle est-il un désastre écologique ?

Par Gaëlle Coudert , le 5 septembre 2023 — Transition Écologique - 6 minutes de lecture
Intelligence artificielle

Credit : SOPA Images/SIPA

Alors que l’usage de l’intelligence artificielle (IA) se répand, notamment parmi la génération Z, des questionnements sur son impact écologique font surface.

D’ici 2023, le secteur du numérique devrait consommer 20 % de l’électricité produite au niveau mondial et représenter 5,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre, selon les chiffres relayés par l’AFP. Ce secteur est déjà et est voué à être encore plus polluant, notamment en raison du développement de l’intelligence artificielle (IA). Selon la définition du Parlement européen, l’intelligence artificielle est tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ».

Parmi les exemples récents, on trouve ChatGPT, une AI capable de générer du contenu écrit à la demande, qui a fait couler beaucoup d’encre au moment de son lancement en novembre 2022.  La multiplication des usages et applications, toujours plus énergivores, risque d’encore accélérer le rythme. Tout comme l’appétence de la génération Z pour l’IA. Selon une étude de GoStudent (EdTech), 57 % des élèves de 14 à 16 ans affirment qu’ils aimeraient que leur école utilise davantage l’intelligence artificielle dans les cinq prochaines années.

L’IA énergivore

Le développement d’outils d’IA générative, comme le chatbot GPT-4, à la base du succès de ChatGPT, ou Palm2, pour Bard l’outil créatif développé par Google, se fait en deux temps, tous deux énergivores : « l’entraînement » et la mise en service. L’entraînement correspond au processus de l’apprentissage automatique qui permet au système d’intelligence artificielle de construire un modèle à partir de données.  Des chercheurs de l’Université du Massachusetts ayant entraîné ces outils ont ainsi découvert en 2019 que l’entraînement d’un seul de ces modèles émettait autant de gaz à effet de serre que cinq voitures sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Plus récemment, une étude conjointe de Google et l’Université de Berkeley a estimé que l’entraînement de robot génératif GPT-3 (qui a précédé GPT-4) avait entraîné l’émission de 552 tonnes de carbone, autant qu’une voiture roulant sur deux millions de kilomètres. Son successeur, GPT-4 a été entraîné avec 570 fois plus de paramètres et le nombre de ces derniers ne feront que croître à mesure que l’IA deviendra plus puissante et omniprésente. À la base de ce développement se trouvent les processeurs graphiques, ou GPU, fabriqués par Nvidia, particulièrement énergivores. Une fois l’entraînement passé, la mise en service des outils d’IA générative via le cloud nécessite aussi de l’énergie par la consommation liée aux requêtes reçues. Et cette dernière dépasse très largement celle de la phase d’entraînement.

L’efficacité énergétique est-elle la solution ?

« La boite de Pandore est ouverte », a admis Arun Iyengar, patron d’Untether AI, une entreprise qui cherche à fabriquer des semi-conducteurs moins énergivores pour l’IA, interrogé par l’AFP. « Nous pouvons utiliser l’IA de manière à améliorer les usages afin de les rendre compatibles avec les exigences climatiques, ou ne rien faire et en subir les conséquences », a-t-il ajouté. Or, l’adaptation des serveurs doit se faire maintenant, au moment où ces derniers sont en train d’être modifiés pour devenir compatibles aux besoins de l’IA, « une rupture majeure pour l’informatique », selon un responsable de 
Google.     

Toutefois, pour les serveurs du cloud, les processeurs puissants n’étant plus nécessaires, les entreprises pourraient opter pour des solutions plus vertueuses. Amazon Web Service (AWS), Microsoft ou Google, principaux acteurs du cloud, assurent ainsi chercher à réduire leur consommation d’énergie. AWS a même annoncé viser la neutralité carbone d’ici 2040, Microsoft se voulant pour sa part « une entreprise à émissions négatives et sans déchet » d’ici 2030. Les premiers éléments semblent montrer que ces groupes prennent des mesures pour y parvenir : entre 2010 et 2018, la consommation des centres de données dans le monde a augmenté de 6 %, malgré une hausse de leur utilisation de 550 %, selon 
les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais ces efforts sont-ils vraiment suffisants ?

L’IA sauvera-t-elle la planète ?

Pour les nouveaux magnats de l’IA, l’empreinte carbone de leur création n’est pas la question et masque son potentiel révolutionnaire. « Une fois qu’on aura une super-intelligence réellement puissante, régler le réchauffement climatique ne sera pas bien difficile », a assuré ainsi le fondateur d’OpenAI (ChatGPT), Sam Altman, à l’AFP. « Cela montre jusqu’où vous vous autorisez à rêver. Imaginez un système auquel vous pouvez demander ‘dis-moi comment produire beaucoup d’énergie propre et bon marché, comment capturer efficacement le carbone et comment construire une usine capable de le faire à l’échelle mondiale’ », poursuit-il. 

Le patron de Nvidia, Jensen Huang, estime quant à lui que le déploiement massif de l’IA et des calculs plus rapides pourraient permettre à terme de diminuer la demande en cloud, et donc la consommation du secteur. Grâce à l’IA, les ordinateurs portables, smartphones ou voitures pourraient devenir des superordinateurs efficaces énergétiquement et n’ayant pas besoin d’aller récupérer des données sur le cloud. « À l’avenir, vous aurez un minuscule processeur dans votre téléphone et 90 % des pixels seront générés, les 10 % restants seront récupérés en ligne, au lieu des 100 % actuellement, donc vous consommerez moins », a-t-il déclaré à des journalistes. Mais certains experts jugent au contraire que la course effrénée à l’IA détourne l’attention des risques environnementaux. « Les grands groupes dépensent énormément actuellement pour déployer l’IA. Je ne pense pas qu’ils s’inquiètent encore de l’impact environnemental mais je pense que ça va venir », espère Arun Iyengar.

Source : AFP

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Gaëlle Coudert

Ancienne avocate parisienne reconvertie en journaliste basée dans les Pyrénées-Atlantiques, Gaëlle s’est spécialisée sur les sujets liés à l'écologie. Elle a cofondé le magazine basque Horizon(s), a été rédactrice en chef d'ID, l’Info Durable et rédige aujourd’hui des articles pour divers médias engagés dont Deklic. Ses passions : le sport (surf, yoga, randonnée) et la musique (guitariste et chanteuse du groupe Txango)

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