Philippe Faye, fondateur de l’e-Bike Port : « J’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice, même si c’est une toute petite pierre »

Par William Buzy , le 21 septembre 2023 - 7 minutes de lecture
e-Bike Port à Limoges

e-Bike Port à Limoges

Ça ressemble à une simple cabane en bois mais c’est bien plus que ça. Stationnement et recharge de VAE, casiers sécurisés, caméra de surveillance, écran de communication, défibrillateur… L’e-Bike Port est un système complet et autosuffisant pour les vélos électriques, alimenté par énergie solaire.

Quelle a été la genèse de ce projet ?

Je me promenais dans les Landes en vélo électrique avec ma famille. On est allé à la dune du Pilat… mais on n’a pas pu revenir. Contrairement à ce qu’on croit, les Landes, ce n’est pas si plat que ça, et on avait utilisé toute la batterie. Je me suis fait un petit peu pourrir par mes filles et je me suis dit : c’est incroyable, il n’y a pas une borne de recharge tout au long de la piste cyclable. Il fait très beau et très chaud, pourquoi on ne se sert pas du solaire pour recharger les vélos ? C’est ainsi qu’est née l’idée.

Comment avez-vous transformé cette idée en ce qu’on appelle aujourd’hui l’e-Bike Port ?

Je voulais construire quelque chose en bois parce que j’aime ce matériau et qu’il y en a beaucoup dans la région. J’avais un ami qui travaillait dans ce secteur et on a fait ensemble un prototype. Quand j’ai vu le résultat, j’étais très déçu, ça ne ressemblait pas à grand-chose… Alors on a sollicité le lycée Raymond Lœwy à La Souterraine, à côté de Limoges, qui est spécialisé dans le design du bois. On a fait un partenariat et les élèves ont dessiné l’e-Bike Port pour leur examen.  Parmi tous ces dessins on en a sélectionné un : celui de Mademoiselle Boisvert. Ça ne s’invente pas !

La particularité de votre proposition est son autonomie énergétique…

Oui, ça fonctionne à l’énergie solaire. Selon les modèles et l’utilisation, il peut tenir entre 5 et 20 jours sans soleil. On propose aussi une option de raccordement au réseau. Comme la production est souvent supérieure au besoin en chargement des batteries, cela permet de réinjecter le surplus d’énergie et de l’utiliser par exemple pour le chauffage ou la climatisation du bâtiment auquel on est raccordé (office du tourisme, mairie…). On peut faire circuler l’énergie dans les deux sens au besoin. Ça règle en partie le problème de stockage qui est toujours un enjeu compliqué. Évidemment le raccordement n’est qu’une option, cela permet d’utiliser le surplus d’électricité, mais l’e-Bike Port est conçu pour fonctionner en totale autonomie avec l’énergie solaire.

e-bike Port à Gagnières

La mission première de l’e-Bike Port est de recharger les vélos à assistance électrique, mais vous proposez également d’autres services.

On peut embarquer jusqu’à 800 kg de batterie, donc ça prend de la place et on s’est aperçu qu’il fallait des coffres pour les stocker. En dimensionnant, on a réalisé qu’on pouvait ajouter des casiers cube de 50 cm. On en a donc profité pour ajouter différents ports de chargement et un espace de stockage. En utilisant l’e-Bike Port, on peut donc charger sa batterie de vélo, mais aussi son téléphone portable, son PC, ou ce qu’on veut. On peut y déposer son sac, son casque, ses bagages et aller se promener les mains dans les poches. Comme on avait ajouté un routeur 4G qui consommait très peu de data, car il ne servait qu’à surveiller les batteries, on a proposé l’option borne Wi-Fi, et un écran qui diffuse des informations (horaires de bus/navettes, météo, actualités municipales…). On a aussi ajouté des caméras pour la surveillance des vélos, des casiers, et des alentours. Quelqu’un a aussi eu l’idée d’ajouter un défibrillateur. Petit à petit, avec toutes les idées d’options, c’est devenu un véritable couteau suisse.

Un couteau suisse qui a un coût pour l’utilisateur ?

C’est entièrement gratuit pour les utilisateurs.

Qui finance l’achat et l’entretien de ces stations ?

Ça peut être des collectivités publiques pour leurs usagers, des entreprises pour leurs salariés, des centres commerciaux pour leurs clients… Théoriquement, on peut le louer, mais la plupart des personnes avec qui on travaille préfèrent investir pour du long terme et donc acheter. Cependant, ça s’installe en deux heures et ça se désinstalle très facilement, donc on peut aussi imaginer une utilisation ponctuelle pour des événements, des festivals, etc.

e-bike Port à Gagnières

Combien coûte l’e-Bike Port ?

Le prix de base sans option est de 25000 €. Nous sommes agréés par la FUB (Fédération française des usagers de la bicyclette), ce qui permet d’avoir des subventions. Cela dépend bien sûr d’un certain nombre de paramètres propres à l’acheteur, par exemple sa localisation. Mais les différentes subventions peuvent permettre de réduire le coût final d’environ 80%.

Rencontrez-vous des difficultés particulières ?

On a comme beaucoup d’entreprises un enjeu de visibilité. On a beaucoup de reconnaissances officielles pour notre solution, notamment la médaille d’or du concours Lépine, mais si personne ne sait qu’on existe… Se faire connaître est un réel enjeu. Une autre difficulté qu’on rencontre est le fait que les gens pensent que puisqu’on parle de vélo ce sera forcément pas cher. Au début, il peut y avoir une réticence quand ils me voient arriver avec ce qu’ils appellent « une cabane à 25000 € ». Il faut prendre le temps d’expliquer qu’on apporte un vrai plus à la collectivité et à ses usagers. Globalement, on arrive à se faire comprendre, mais il y a une forme d’inertie qui fait que ça prend du temps.

Au-delà de la solution en elle-même, comment intégrez-vous les enjeux écologiques à votre démarche ?

Tout est pensé pour minimiser au maximum notre impact carbone. On se fournit localement en matériaux. On utilise du bois pour la structure, et un bio-composite en plastique recyclé et sciure de bois pour le toit. Enfin, on installe l’e-Bike Port sur des pieux vissés, donc on ne bétonne pas les sols. Ce qui permet par exemple de l’installer en zone Natura 2000.

Ces enjeux vous tiennent à cœur ?

Je ne viens pas de ce milieu, mais j’ai vendu mon ancienne entreprise et je me suis lancé dans ce projet un peu fou. Ça me fait découvrir un monde nouveau et ça m’apporte beaucoup. Je suis très engagé sur la question écologique et j’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice, même si c’est une toute petite pierre.

Dans le futur, cette pierre pourrait-elle grossir ?

Il faut déjà amplifier le déploiement de la solution existante, mais on a les cartes en main pour proposer un hub complet de charge. En se raccordant au réseau, on pourra ajouter des bornes pour les voitures. On travaille aussi avec un partenaire pour intégrer des stations de distribution à hydrogène. On est prêt à le faire, mais c’est pour le futur.

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William Buzy

Écrivain et journaliste, William Buzy a fondé le média Impact(s), spécialisé dans la journalisme de solutions, et fait partie d’un collectif adepte du journalisme littéraire et du documentaire. Auteur de plusieurs romans, il a également publié des récits et des essais sur le journalisme.

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