Rémi, 25 ans, acteur de la transition écologique : « C’est en inspirant qu’on peut avoir de l’impact »

Par Charlotte Combret , le 16 octobre 2023 - 12 minutes de lecture
Rémi Duplouy, jeune engagé de la génération climat

Rémi Duplouy, jeune engagé de la génération climat

Cette semaine, du 16 au 22 octobre, la rédaction de Deklic met en lumière des citoyen.nes engagé.es pour l’environnement, des individus dont les convictions guident leurs décisions tant sur le plan professionnel que personnel. Pour entamer cette série de rencontres, nous avons eu le privilège de discuter avec Rémi. Dès le départ, il tient à clarifier que son objectif n’est pas de se poser en modèle d’engagement idéal. Pour lui, l’engagement écologique ne réside pas dans la perfection, mais plutôt dans le passage à l’action à l’échelle individuelle. Il est fermement convaincu que chaque individu peut contribuer à un changement positif, pas à pas. Selon lui, la prise de conscience des enjeux environnementaux est aujourd’hui bien ancrée, et le moment est venu de la concrétiser par des actions, tant au niveau personnel que collectif. Il espère que nous verrons ces actions se multiplier dans les années à venir. Au cours de notre entretien, nous découvrons comment Rémi, à travers ses choix de vie, a tracé sa propre voie en accord avec ses valeurs écologiques. Une première rencontre inspirante pour cette semaine dédiée à 7 acteurs de l’environnement.

Rémi a 25 ans depuis quelques jours. Lundi, dans la matinée, il a pris le train en gare de Lille, direction la capitale. Un peu plus d’une heure après, le Nordiste pose ses valises dans le neuvième arrondissement, rue de Clichy, pour y retrouver ses collègues. Depuis près de trois ans, il est chargé d’impact et média chez Ekwateur, fournisseur d’Énergie verte et renouvelable français. Avec lui, un ordinateur mais aussi des convictions et quelques courbatures du match de foot de la veille. Si Rémi se définit comme étant « assez engagé » dans la vie, le jeune homme ne cherche pas à convaincre ni à imposer, mais plutôt à inspirer. C’est ce qu’il nous propose dans cet entretien.

Est-ce que tu te souviens du moment où tu as commencé à prendre conscience de la crise climatique et de l’ampleur des dégâts ? 

Oui, c’est arrivé assez tôt : fin de collège, début lycée. Déjà, je suis issu d’une génération qui a été alertée plus tôt que les autres sur le sujet. Puis c’est arrivé avec des lectures, dont je me rappelle précisément. Par exemple, une lecture qui m’a fait devenir végétarien dès la seconde, c’est celle de Pierre Rabhi : « La sobriété heureuse ». En fait, lire sur l’impact de la consommation de viande m’a fait me dire « Oui, il y a un problème. Il y a quelque chose qui ne va pas ». Derrière, j’ai creusé ces sujets-là et ça s’est fait petit à petit, comme toute prise de conscience. Ce n’est pas un jour J, mais une première lecture qui fait qu’on se renseigne et qu’on se rend compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Au fur et à mesure, on constate qu’il y a beaucoup de choses qui ne vont pas et  je pense que c’est important de s’engager pour essayer de construire un monde durable.

Rémi, engagé pour l’environnement et chargé d’impact et média chez Ekwateur

Ton premier pas dans l’engagement écologique, c’est l’entrée dans le végétarisme ?

Oui, complètement. Je me rappelle m’être dit : « je vais essayer de voir si c’est simple de faire un geste pour la planète. Donc, pendant deux semaines, je vais essayer de ne pas manger de viande. Est-ce qu’on peut agir concrètement ? Et est-ce que je vais vraiment avoir du mal ou est-ce qu’au contraire, ça va être plutôt facile ? » En fait, je suis sorti de ces deux semaines avec l’envie de continuer. Mes parents, un peu moins parce que je vivais chez eux, donc il fallait qu’ils cuisinent végé pour moi. Mais je suis sorti de là en me disant « Oui, en fait, si c’est si simple d’avoir autant d’impact, je veux continuer et en avoir encore plus ».

Comment se traduit ensuite ton engagement au quotidien ?

Déjà, dans mon travail. Je pense qu’on passe beaucoup de temps au travail, donc c’est important d’avoir un job en accord avec ses valeurs. D’ailleurs, je ne pourrais jamais travailler pour une entreprise dans laquelle je ne me retrouve pas. Chez Ekwateur, en l’occurrence, je m’occupe des questions liées à la RSE, la Responsabilité Sociétale des Entreprises. C’est un premier axe pour essayer de m’engager et de faire en sorte que ma boîte s’engage, qu’elle ait un impact négatif minime et un impact positif assez grand. Professionnellement, il y a ce volet-là où je vais essayer de mettre toutes ces questions au cœur de mon travail. Et individuellement, il y a aussi plusieurs biais. Dans la vie de tous les jours, je prône la sobriété à fond. Parfois, ça embête ma copine, pour le coup. Vraiment, je me refuse d’acheter des choses inutiles. Je vais toujours réfléchir et penser à l’impact que peuvent avoir mes actions ou ma consommation. Après, je suis aussi bénévole dans une association de village. Je viens d’une petite commune de 3 000 habitants dans laquelle on va créer divers événements sociaux ou écologiques.

Tu peux nous parler de cette association dans laquelle tu es bénévole ? 

L’association s’appelle US Canettes. On est une trentaine de bénévoles, ce qui est énorme pour un village de 3 000 habitants. On est une bande de potes et ça a commencé avec l’organisation de tournois de sport pour diverses associations. Les premières auxquelles on a reversé les bénéfices, c’était le Téléthon et la Banque Alimentaire. Ça a commencé comme ça, en faisant juste quelques tournois dans l’année. Aujourd’hui, il y a un café associatif tout l’été où on se relaie avec une trentaine de bénévoles. Tous les samedis, il y a des concerts, des gens qui viennent boire des coups, manger quelque chose… On a également organisé une journée dédiée à la biodiversité, une journée de solidarité avec les migrants, une journée pour la lutte féministe. Il y a plusieurs thèmes qui sont sociétaux, mais l’écologie est toujours derrière toutes les actions. On va faire attention aux boissons et à la nourriture qu’on vend, aux intervenants qui viennent. L’écologie est vraiment centrale dans la réflexion de l’asso.

Le café associatif de l’US Cannettes à Steenwerck dans le nord de la France
Le café associatif de l’US Cannettes à Steenwerck dans le nord de la France

Quelle serait la prochaine étape, la prochaine action, la prochaine nouvelle habitude que tu aimerais prendre ou entreprendre ?

Il y en a bien une. Là, j’habite Lille et j’ai un petit jardin. Avec un petit potager, j’arrive à avoir quelques tomates, quelques aubergines, quelques poivrons. Mais à terme, j’ai envie d’avoir plus de terrain et pouvoir presque y cultiver toute la nourriture. J’ai fait un peu de woofing cet été, ça fait deux ou trois étés que j’en fais, essentiellement en France : un peu en Dordogne et en Baie de Somme. Plus je rencontre des agriculteurs, plus j’ai envie un jour d’avoir mon petit terrain à moi et d’y cultiver mes propres légumes.

On présente souvent l’engagement écologique sous le prisme de la punition, de la contrainte, qu’est-ce que l’engagement t’a apporté de positif et de joyeux ?

Je ne le vois pas du tout comme une contrainte ou une punition. J’ai l’impression que de toute façon, mon mode de vie était plutôt porté vers la sobriété, vers la nature, vers cette thématique-là. Par exemple, je m’interdis de prendre l’avion et pour autant, ça donne des super vacances. J’ai fait un petit tour de l’Italie à vélo. Cette année, j’étais en Allemagne et aux Pays-Bas à vélo. Donc c’est des vacances plutôt bas carbone, mais en fait, c’est la liberté. Ça apporte plein de trucs. On n’est pas stressé par le billet d’avion, les valises… Qu’est-ce qu’on va prendre ? Qu’est-ce qu’on va faire ? 

Souvenir d'un voyage à vélo bas-carbone
Souvenir d’un voyage à vélo bas-carbone

J’ai un vélo, une tente et quelques petites affaires. Je ne vois pas du tout l’aspect punitif. C’est vraiment pour moi la liberté même de dépendre de peu de choses et de savoir se débrouiller avec. Après, je comprends que beaucoup de gens le voient comme un aspect punitif, mais je crois qu’il faut aussi se rendre compte que ce n’est pas normal parfois d’avoir tout, tout le temps, de pouvoir en trois clics faire venir n’importe quoi, de pouvoir en quelques heures voyager à l’autre bout du monde. Derrière tout ça, il y a forcément des contreparties, des choses négatives qu’on prend à la nature, que ce soit en termes de CO₂ ou de ressources.

Comment c’est d’être l’écolo de sa famille ou son groupe d’amis ?

Ça dépend de mes groupes d’amis. Dans l’association dont je parlais, ce n’est pas moi l’écolo du groupe. On est clairement tous dans les mêmes valeurs. Après, je pense qu’il faut beaucoup de discussion. Ce n’est pas toujours évident. Il y a des gens qui vont beaucoup s’affirmer face à ça et se faire les porte-paroles de l’écologie. Moi, j’ai un peu de mal. Je vais faire ma vie, mes choix, être en accord avec moi-même sans trop m’affirmer et laisser les gens faire ce qu’ils veulent. C’est comme ça que je pense qu’on peut avoir de l’impact, en inspirant. Ça a marché avec ma famille qui m’écoute de plus en plus et qui se met à agir aussi de plus en plus. Comment je le vis ? Je suis rarement dans l’attaque frontale. Tant que je suis en accord avec moi-même, c’est très bien. Je vais essayer d’influencer par mon mode de vie, sans jamais culpabiliser les autres. Parce que chacun a ses choix de vie. Chacun est là pour une raison. Peut-être qu’un jour, les gens seront plus sensibilisés, je l’espère. Mais aujourd’hui, moi, je fais ma part, comme dirait le petit colibri. 

Comme tu l’as dit, on passe beaucoup de temps à travailler. Est-ce que tu sens que t’as de l’impact côté professionnel ? 

Oui, c’est central. Déjà, en arrivant sur le marché du travail, je me posais ces questions-là. Aujourd’hui, chez Ekwateur, je sens que j’en ai, rien que dans la sensibilisation de tout le monde. Comme j’ai la casquette RSE, j’ai aussi celle de « l’impact écologique » de la boîte. Je sens que j’arrive à fédérer et qu’il y a des groupes, des discussions qui se créent, dans lesquels l’écologie devient le sujet central. Pour autant, j’ai quand même de plus en plus envie de bifurquer. Parce que là, le métier en question est à Paris et j’ai du mal avec cette ville. Je parlais du maraîchage tout à l’heure. Pourquoi je fais autant de woofing ? C’est aussi qu’un jour, j’aimerais peut-être bien vivre de ça. Bifurquer « pour de vrai ».

Une expérience de woofing en France
Une expérience de woofing en France

Es-tu éco-anxieux ou arrives-tu à rester optimiste ?

Je ne sais pas si je suis éco-anxieux, je dirais plus éco-fataliste. Je ne suis pas sûr qu’on réussisse à changer les choses, je dis « on » pour tous les écolos convaincus ou ceux qui essayent de faire changer les choses. En fait, j’ai l’impression que si on se bat, c’est plus pour sauver l’humain que la planète Terre. La planète Terre, sans nous, elle va très bien se débrouiller. Donc il ne tient qu’à l’homme de changer de comportement, de mode de consommation, pour se sauver. Maintenant, comment ça va se passer ? Est-ce qu’un jour, il va y avoir l’effondrement et les gens vont être forcés de faire cette transition ? Est-ce qu’au contraire, elle peut se faire en douceur ? C’est aussi pour ça que je milite aujourd’hui. Je pense que dans tous les cas, un jour, il y aura une transition. Mais j’espère qu’elle ne sera pas brutale. En tout cas, je souhaite qu’elle ne le soit pas, mais l’immobilisme d’aujourd’hui laisse un peu penser le contraire.

Pour reprendre l’image du colibri, est-ce que tu crois en la force des gestes individuels, qui font parfois l’objet de critique ?

C’est la fameuse question : qui de l’État, de l’entreprise ou du citoyen est responsable ? Je pense qu’aucune des parties ne doit rejeter totalement la faute sur l’autre. Les citoyens ne peuvent pas dire que ce n’est que la faute des entreprises et les entreprises ne peuvent pas dire que ce n’est que la faute des citoyens. C’est ce qu’on voit beaucoup aujourd’hui, les camps se rejettent la balle. À mon avis, les gestes individuels ont beaucoup d’importance dans le sens où si l’on faisait tous attention à l’impact de chacune de nos actions, le monde s’en porterait sûrement un peu mieux. De là à dire qu’ils sauveront le monde, non. Pour moi, s’ils ont de l’importance, ils sont beaucoup trop lents. Même si de plus en plus de personnes se mettent à adopter des gestes individuels, on ne sent pas cette rupture avec le « monde d’avant ». C’est bien ça le problème, c’est qu’il en faudrait une maintenant qu’on a pleinement conscience du dérèglement climatique.

Un mot pour conclure ?

Je ne veux pas à travers cette interview qu’on croit que je suis « l’engagé parfait ». Je pense que chacun à son échelle peut faire des gestes et qu’il serait temps de les faire. Tout le monde peut être jugé sur diverses actions, mais l’important, c’est de commencer par un premier pas, puis ensuite viendra le deuxième, le troisième. Je pense que le temps de la prise de conscience, c’est bon, il est acté. Il ne reste plus qu’à passer à l’action individuellement et collectivement. Et j’espère qu’on verra ça dans les années à venir !

Soyez dans le vent 🍃 :

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter de Deklic en cliquant ici

Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

Voir les publications de l'auteur