50 degrés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : cinq travailleurs racontent
Travailler sous 50 °C semble impossible. C’est pourtant le quotidien de Mourad Haddad en Syrie, de Maoula al-Taï et d’Atheer Jassim en Irak, de Munjia Deghbouj en Tunisie et d’Amani al-Felfel en Arabie Saoudite. Ils racontent à l’AFP.
Mourad Haddad, forgeron en Syrie
Dans son atelier de la ville d’Idleb, au nord-ouest de la Syrie, Mourad Haddad, 30 ans, exerce le métier de forgeron. S’il a l’habitude d’affronter les flammes au quotidien, la chaleur de l’extérieur rend ses conditions de travail inhumaines. « On reste devant le feu pendant au moins cinq ou six heures, jusqu’à deux ou trois heures de l’après-midi, ça nous consume », souffle-t-il. Ayant hérités du savoir-faire de leur grand-père, lui et ses cinq frères continuent malgré tout de se relayer. Pas d’autre choix. « La chaleur nous tue. J’ai six enfants, et je peux à peine subvenir à leurs besoins. Si on ne travaille pas, on ne peut pas joindre les deux bouts ». Parfois, Mourad enlève sa chemise et boit une tasse de thé, sous le souffle d’un vieux ventilateur pendu au plafond.
Maoula al-Taï, livreur à Bagdad
Sur sa mobylette pétaradante, Maoula al-Taï, 30 ans lui aussi, livre des repas dans la capitale irakienne. Alors que le thermomètre affiche plus de 50 °C, il fait partie des rares personnes à arpenter les rues désertes de Bagdad. « On a parfois 52, 53, 54 degrés. Ça n’est pas normal. Personne ne peut supporter ça ! ». Dehors la plupart du temps, Maoula se couvre la bouche et le nez avec un passe-montagne pour tenter comme il le peut, de se protéger de la chaleur. Selon l’ONU, l’Irak figure parmi les cinq pays les plus exposés à certains effets du dérèglement climatique. En 2023, le pays est traversé par une grande sécheresse, pour la quatrième année consécutive.
Munjia Deghbouj, paysanne en Tunisie
À 40 ans, Munjia Deghbouj cultive du poivron et de la pastèque dans la région de Siliana, au nord-ouest de la Tunisie. Le 25 juillet, alors que le pays traverse l’un des épisodes caniculaires les plus chauds de son histoire, le mercure frôle les 50 °C à l’ombre. Pour fuir les températures trop élevées, Munjia se lève désormais à l’aube. Commence alors une longue marche de sept kilomètres pour rejoindre son champ, depuis le village d’El Hababsa où elle habite avec sa famille. « Je me lève à quatre heures du matin, je prépare mon panier et le petit-déjeuner pour mes enfants. Je pars à pied vers cinq heures pour travailler jusqu’à deux heures (14h00), puis je rentre à pied », confie-t-elle.
Atheer Jassim, livreur en Irak
Au sud de l’Irak cette fois-ci, à Nassiriyah, Atheer Jassim est livreur de gaz. Ici, en début de semaine, il a fait 51 °C. La quarantaine, ce père de famille porte les bonbonnes sur son dos depuis sa camionnette jusque chez les particuliers. Pour tenir, Atheer s’arrête parfois moins de dix minutes. « Je m’asperge la tête d’eau, je me repose et c’est reparti ». Après une journée de travail écrasante, dans son foyer, l’électricité vient souvent à manquer. Dans le pays, il est courant de voir des délestages durer jusqu’à douze heures par jour. En dépit de telles conditions de travail, Atheer explique ne pas pouvoir faire autrement. Il souhaite que ses huit enfants « terminent leurs études ».
Amani al-Felfel en Arabie Saoudite
Cela fait plus d’une dizaine d’années qu’Amani al-Felfel travaille en tant que sauveteuse à Kobar, une station balnéaire de l’est de l’Arabie Saoudite. Si cette région du Golfe est moins sujette aux chaleurs caniculaires, les températures peuvent parfois s’affoler et atteindre jusqu’à 50 degrés. Les journées sont alors interminables. Pour les affronter, Amani et ses collègues choisissent la solidarité. « Nous nous entraidons. Si l’une d’entre nous est fatiguée, une autre la remplace ». Et quand les huit ou neuf heures de travail sont trop étouffantes, la sauveteuse prend des douches. « Quand je rentre chez moi, je prends une douche avec l’eau la plus froide possible. Ça me permet de me relaxer et d’oublier la chaleur », affirme-t-elle.
Source AFP