Incendies en Californie, accusations de Donald Trump et pénurie d’eau : le grand décryptage
Alors que les abords de Los Angeles sont toujours la proie des flammes, faisant déjà au moins cinq morts et privant quelque 425 000 foyers d’électricité, Donald Trump a de nouveau fait montre du bon goût qui le caractérise. À l’aube de son investiture, le milliardaire Président a saisi la tragique occasion pour – comme à son habitude – dégainer le clavier et rappeler, via la plateforme Truthsocial, quels étaient les véritables responsables du désastre. Sans surprise, les coupables désignés ne sont autres que les démocrates, et plus précisément, l’un d’entre eux : Gavin Newsom, le gouverneur de Californie. Venons-en à notre question pléonastique du jour : pourquoi Donald Trump dit-il n’importe quoi ?
Donald Trump VS Gavin Newsom : une affaire d’eau
Depuis mardi, le monde assiste, médusé, aux scènes quasi apocalyptiques que nous livrent les rues de Los Angeles. D’épais panaches de fumées noires et les maisons dévastées s’étalent à perte de vue au cœur de la deuxième plus grande ville des États-Unis. D’après les derniers décomptes, les incendies qui ravagent la Cité des Anges auraient détruit environ 2000 maisons ou bâtiments et obligé plus de 130 000 personnes à évacuer leur domicile.
C’est dans ce contexte que le futur locataire de la Maison-Blanche a pris la décision, ce mercredi 8 janvier, de lancer son nouveau missile, en direction d’un ennemi tout trouvé : Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de Californie. En cause ? Donald Trump accuse ce dernier d’avoir « refusé de signer la déclaration de restauration de l’eau qui lui avait été présentée et qui aurait permis à des millions de gallons d’eau, provenant de l’excès de pluie et de la fonte des neiges dans le Nord, de s’écouler quotidiennement dans de nombreuses régions de Californie. » Un refus, selon lui, motivé par une farouche volonté de « protéger un poisson sans valeur, l’éperlan du delta », le tout sans « se soucier des habitants de Californie ». Et d’ajouter qu’il va « exiger de ce gouverneur incompétent qu’il permette à l’eau douce, propre et magnifique, d’affluer en Californie ! C’est lui qui est responsable de cette situation ». Rien que ça.
Si le « Bientôt Président » des USA n’est pas à une attaque ad hominem près, reste à savoir si l’accusation portée à celui qu’il a subtilement rebaptisé Gavin « Newscum » (« scum » signifie « ordure » en anglais) présente la moindre once de vérité. Eh bien, là encore, sans grande surprise, il semblerait que non. Les services de presse de Gavin Newsom n’ont en effet pas tardé à répliquer sur X, terrain de jeu favori de Donald Trump, précisant que « la déclaration sur la restauration de l’eau n’existe pas, c’est de la pure fiction. »
Par ailleurs, comme le rappelle le New York Times, les pourparlers sur la question de l’eau ne « datent pas d’hier », puisque « la majeure partie de l’eau de l’État provient de la Californie du Nord, où se déverse chaque année plus de pluie et de neige que dans la Californie du Sud, comme c’est le cas depuis le début de l’hiver. » Cependant, « une grande partie de cette eau est utilisée par les agriculteurs de la vallée centrale et les habitants de la Californie du Sud, ce qui donne lieu à une bataille perpétuelle sur la quantité d’eau que l’État et le gouvernement fédéral doivent envoyer vers le sud. » Partant de là, l’eau peut être détournée en direction delta Sacramento-San Joaquin et la baie de San Francisco afin de sauver notre fameux éperlan – espèce en voie de disparition en Californie – ainsi que d’autres écosystèmes ou, cas échéant, être envoyée aux agriculteurs de la vallée et aux habitants de Los Angeles.
Autrement-dit, l’essentiel de l’eau utilisée sert en priorité à alimenter l’industrie agricole, comme le précise l’AFP. De son côté, le New York Times note qu’en 2019, Donald Trump a en effet préconisé des changements. Changements « qui auraient détourné davantage d’eau vers les cultivateurs de la vallée centrale, et donc inutilisable pour lutter contre les incendies ». L’administration Biden a quant à elle fait le choix de permettre à l’eau de s’écouler, tout en réalisant des efforts, afin de protéger les poissons et les différents écosystèmes. Si on résume, les recommandations de Donald Trump n’auraient en aucune façon permis de déployer de nouvelles ressources en eau, en vue de contenir les terribles incendies qui ravagent aujourd’hui une partie de la Californie.
Autre point essentiel : ces feux sont essentiellement alimentés par les « Santa Ana winds », fréquents dans le sud de cet État d’octobre à mars. Ces rafales, qui approchent parfois la force d’un ouragan, balayent les montagnes à l’extérieur de Los Angeles et poussent les incendies jusqu’aux quartiers résidentiels. Face à de telles conditions, les pompiers peinent à maîtriser les flammes et les hélicoptères restent à l’arrêt. Un concours de circonstances à l’origine de l’extension brutale de cette catastrophe. Davantage, en tout cas, que la pénurie d’eau pointée du doigt par Donald Trump…
Encore un coup du réchauffement climatique
Si la polémique (largement agitée par Trump) enfle autour de la catastrophe qui dévore actuellement l’ouest des États-Unis, reste à se demander pourquoi la capitale de Californie est aujourd’hui la proie des flammes ?
Outre les vents chauds et secs de Santa Ana, typiques de l’automne et de l’hiver californien et capables de transporter des braises sur des kilomètres, c’est avant tout le terrain sec et propice aux incendies qui est à mettre en cause.
En effet, la Californie sort de deux années particulièrement pluvieuses à l’origine d’une végétation abondante, toutefois, cette flore luxuriante s’est vue asséchée par un second semestre 2024 et un hiver anormalement secs. Du 1ᵉʳ juillet dernier au 5 janvier, il n’est tombé sur le centre de Los Angeles que quatre millimètres d’eau, bien loin des normales saisonnières. Sans compter la région côtière entourant Los Angeles, qui forme à elle seule un réservoir très sec et évidemment… Particulièrement combustible. Il faut donc considérer un très faible taux d’humidité, associé à des vents puissants pouvant aller jusqu’à 160 km/h. Rien de bien encourageant, en somme.
Comme si ça ne suffisait pas, à ce cocktail dévastateur s’ajoutent des températures particulièrement élevées en ce début d’hiver « Angelenos ». Un thermostat atteignant en moyenne 20 degrés Celsius en milieu de journée. Par ailleurs, en 2015, la Californie avait déjà subi un épisode de sécheresse historique, et la situation n’a cessé de se dégrader au fil des ans, avec des périodes hivernales de plus en plus sèches.
Pour les experts, ces événements sont largement aggravés par le changement climatique. Si, en Californie, le phénomène de sécheresse est récurrent, son intensité et sa fréquence sont largement accentuées par le réchauffement climatique. À en croire Kristina Dahl, vice-présidente de l’organisation scientifique Climate central, l’augmentation de la température, notamment au début de cet hiver, joue un rôle crucial dans l’intensification des incendies. Par ailleurs, le réchauffement climatique global a entraîné une hausse de la température moyenne de près de 2 °C dans le sud de la Californie depuis 1895, rappellent les climatologues de l’université de Californie à Berkeley. Une élévation des températures en grande partie responsable de l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des feux dans la région.
Enfin, l’étalement urbain de la deuxième ville la plus peuplée des États-Unis interroge. Il faut dire que la Cité des Anges fait l’objet d’une urbanisation galopante, le tout au cœur de zones particulièrement vulnérables, le plus souvent proches de forêts et de terrains secs.
Alors, ne serait-il pas temps pour Donald Trump de s’intéresser davantage au réchauffement climatique et un peu moins à l’éperlan du delta (auquel on souhaite de tout cœur de prospérer 😉) ?
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