Pourquoi arrêter de tondre sa pelouse ?

Par Anaïs Hollard , le 9 décembre 2024 - 10 minutes de lecture

Et si cette année, vous décidiez enfin de laisser la tondeuse au garage ? Ce n’est en tout cas pas le Muséum National d’Histoire Naturelle qui vous dira le contraire1 ! Entre préservation de la flore et respect de la faune, le « jardin sauvage » est sans conteste l’une des options les plus simples à mettre en place pour faire honneur à l’incroyable biodiversité de vos espaces verts. Vous avez encore besoin d’être convaincu·e ? Pas de problème, on vous explique en détail pourquoi il est préférable de ne plus tondre votre pelouse !

Arrêter de tondre sa pelouse pour sauver des vies

Arrêter de tondre sa pelouse, c’est un geste simple, mais puissant pour préserver la biodiversité et sauver des vies ! En abandonnant la tondeuse, on permet aux fleurs sauvages et aux insectes pollinisateurs, comme les abeilles, de prospérer. Ces petites créatures jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des plantes et des cultures. En réduisant l’usage de la tondeuse, non seulement on protège la faune locale, mais on participe également à la lutte contre la disparition des espèces et la dégradation des écosystèmes. Un petit changement qui peut avoir un grand impact pour la planète et ses habitants. On vous explique…

À la rescousse des insectes !

Et si nous nous mettions à laisser un peu respirer nos pelouses, que se passerait-il ? C’est ce qu’ont essayé de découvrir Anja Proske, Sophie Lokatis et Jens Rolff, trois chercheurs de l’Institut de Biologie à la Freie Universität Berlin. Ils se sont ainsi attelés à étudier les effets d’une réduction de la fréquence des tontes des pelouses urbaines sur la biodiversité de ces espaces et leurs conclusions sont sans appel. Sur les espaces verts moins entretenus, il est possible d’observer une plus forte concentration d’arthropodes (cloportes, mille-pattes ou encore les araignées), mais également une plus grande diversité parmi les espèces présentes2 !

Là, vous vous dites peut-être qu’après tout, abaisser un peu la densité de population des cloportes dans votre jardin au profit d’une pelouse taillée au carré façon « Edward aux mains d’argent », ce n’est pas si grave. Pourtant, la nature est bien faite et chaque espèce présente son intérêt. Prenons donc l’exemple de nos petites bêtes à coquilles…

Le truc des cloportes, c’est de dévorer la matière végétale en décomposition. Raison pour laquelle ils appartiennent à la famille des détritivores (ou détritiphages). Avec leur goût prononcé pour les feuilles, le bois mort ou encore les champignons, ils ont tendance à s’incruster un peu partout dans les jardins. 

Leur tube digestif héberge une microflore foisonnante, qui a la particularité de dégrader la cellulose des parois végétales. D’autre part, leurs excréments ou « boulettes fécales », participent quant à elles à enrichir le sol en azote et autres nutriments : les mêmes composés que ceux que l’on retrouve habituellement dans n’importe quel fertilisant ! Pour résumer, ces crustacés sont un des premiers maillons de la fertilité et du renouvellement des sols. Alors, vous comprenez mieux l’intérêt de préserver la faune de votre jardin en évitant la tonte maintenant ? 

Ça, c’est pour les arthropodes, mais qu’en est-il de nos précieux pollinisateurs ? Eh bien, pour eux aussi, la vie est plus belle lorsqu’ils sont tenus à distance des ravages de nos lames de tondeuses. D’après les recherches de Susannah B. Lerman, chercheuse spécialiste de l’écologie à la Northern Research Station de l’USDA Forest Service, la fréquence de tonte peut largement améliorer l’habitat des pollinisateurs dans les paysages résidentiels3. En somme, la tonte toutes les deux semaines permet de faire pousser plus de fleurs et d’accroître la population d’abeilles.

Pour rappel, les insectes pollinisateurs (abeilles, papillons, mouches, certains coléoptères…) jouent un rôle capital dans le maintien de la biodiversité et de l’agriculture. Leur principale fonction est de transférer le pollen entre les fleurs, et ainsi permettre la pollinisation, un processus essentiel pour la reproduction des plantes à fleurs.

Quid de nos plantes et de nos fleurs

Arrêter de tondre son gazon à tire-larigot, c’est un peu l’Ouroboros (mais si ! Vous savez, le serpent qui se mord la queue). En fichant la paix à nos jardins, les fleurs qui vivent au ras du sol comme les pâquerettes, les trèfles, les pissenlits peuvent s’épanouir pleinement. Et la bonne nouvelle, c’est qu’elles sont autant de ressources pour les insectes pollinisateurs. En les laissant respirer, vous permettez ainsi la reproduction des plantes grâce aux insectes pollinisateurs, et la diversification des espèces dans votre jardin. Ce faisant, vous pourrez rapidement voir apparaître de nombreuses fleurs sauvages et mellifères. Cela permet également à ses plantes de vivre un cycle de vie naturel loin de l’intervention humaine : elles poussent, fleurissent et donnent ainsi des graines.

En laissant l’herbe pousser naturellement, on favorise la biodiversité en offrant un habitat propice à une variété de plantes locales qui, souvent, sont étouffées par la tonte régulière. De plus, en réduisant les tontes, on permet à des plantes à racines profondes de prospérer, ce qui peut améliorer la qualité du sol, faciliter la rétention d’eau et limiter l’érosion. Bref, une pelouse non tondue devient un espace naturel qui soutient la vie végétale et contribue à la santé des écosystèmes locaux.

La tonte raisonnée : qu’est-ce que c’est ?

Alors, c’est bien joli tout ça, mais il faut bien être en mesure de circuler dans son propre jardin, nous direz-vous. Pas de panique, si vous voulez libérer un peu d’espace tout en ne secouant pas trop la faune et la flore de votre extérieur, vous pouvez toujours opter pour la tonte raisonnée.

La tonte raisonnée est une approche qui consiste à tondre sa pelouse de manière réfléchie et respectueuse de l’environnement, en ajustant la fréquence, la hauteur et les périodes de tonte pour préserver la biodiversité et la santé de l’écosystème. Contrairement à une tonte systématique et fréquente, la tonte raisonnée cherche à trouver un équilibre entre l’entretien esthétique de la pelouse et la protection de la flore et de la faune locales.

Pour commencer, plutôt que de tondre régulièrement, on espace les tontes pour permettre aux plantes sauvages et aux fleurs de se développer et de fleurir. Cela favorise la croissance de végétation bénéfique pour les pollinisateurs.
Laisser l’herbe pousser un peu plus haut que d’habitude permet également de soutenir la biodiversité et d’éviter que certaines plantes ne soient trop coupées. Une pelouse plus haute conserve mieux l’humidité et protège le sol des intempéries.

D’autre part, laisser la pelouse en friche pendant la période de floraison des plantes et des herbes sauvages permet aux pollinisateurs de se nourrir et de reproduire leurs cycles naturels.

Avant de récolter l’herbe coupée, une approche raisonnée consiste à laisser les résidus de tonte sur place. Cela sert de mulch, qui permet d’enrichir le sol en matière organique, en évitant le gaspillage et en créant un environnement favorable aux micro-organismes du sol.

La tonte raisonnée permet ainsi de concilier esthétique et respect de la biodiversité, tout en contribuant à la santé des sols et à la préservation des espèces végétales et animales locales.

Le mulch, c’est quoi ?
Le mulch est une couche de matière organique ou minérale, déposée sur la surface du sol, afin de le protéger et de favoriser la croissance des plantes. Il peut être constitué de divers matériaux comme des feuilles mortes, de l’herbe coupée, du compost, des copeaux de bois, des écorces, ou même des matériaux minéraux comme des graviers ou des pierres.

Comment encourager la biodiversité dans son jardin ?

Maintenant que vous avez décidé d’arrêter de tondre votre pelouse (ou de vous tourner vers la tonte raisonnée), peut-être que l’envie d’y encourager la biodiversité vous est venue. Il s’agit donc désormais de créer un environnement favorable à une grande variété de plantes, d’animaux et de micro-organismes. Pour ça, on vous donne quelques petits conseils…

  1. Plantez une variété de végétaux : choisissez une grande diversité de plantes (arbustes, fleurs, herbes, arbres, plantes vivaces, etc.), de préférence des plantes locales ou adaptées à votre climat, qui offriront des habitats et de la nourriture pour différents types d’animaux. Variez les hauteurs et les types de végétation pour créer des couches végétales (herbe, buissons, arbres) qui abriteront divers insectes, oiseaux et petits mammifères.
  1. Favorisez les plantes locales et mellifères : les plantes locales sont adaptées à votre climat et offrent des ressources alimentaires aux espèces, elles aussi, locales. Par exemple, des fleurs sauvages, des herbes et des arbustes fruitiers peuvent être très attractifs pour les pollinisateurs. Les plantes mellifères, qui produisent du nectar et du pollen, comme des lavandes, des trèfles, des tournesols, des asters, attirent quant à elles les abeilles, les papillons et d’autres insectes pollinisateurs.
  1. Créez des habitats pour les insectes et les oiseaux : c’est parti pour faire de votre jardin un 4 étoiles pour la biodiversité ! Installez des abris pour les insectes comme des hôtels à insectes, qui offrent des endroits pour que les abeilles solitaires, les coccinelles, les papillons et d’autres pollinisateurs pondent leurs œufs. Installez des nichoirs pour attirer les oiseaux qui contrôlent les insectes nuisibles, tout en contribuant à la biodiversité. Laissez évidemment des zones sauvages non tondues, comme des coins avec des herbes hautes, des buissons ou des tas de feuilles, pour fournir des refuges et des sites de nidification pour les insectes, les oiseaux et d’autres animaux.
  1. Évitez l’usage de produits chimiques : ça va se soi. Remplacez les pesticides et herbicides chimiques par des alternatives naturelles, comme des insecticides bio, des solutions à base de savon noir, ou des méthodes de contrôle biologique (par exemple, favoriser les coccinelles pour lutter contre les pucerons). Encouragez l’utilisation de compost et de mulch pour enrichir le sol sans produits chimiques.
  1. Laissez des débris végétaux : tout·e maniaque que vous soyez, ne nettoyez pas trop rapidement les feuilles mortes et laissez un peu les tiges de plantes fanées. Les tas de feuilles, les branches tombées et les tiges sèches offrent des abris pour les petits animaux, comme les hérissons, et servent de cachettes pour les insectes.

En laissant un peu votre tondeuse prendre la poussière et en suivant ces quelques conseils tout bêtes, votre jardin ne devrait pas tarder à reprendre des couleurs ! 😉

1https://www.mnhn.fr/fr/pourquoi-choisir-de-ne-pas-tondre-sa-pelouse 
2https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1618866722002576#
3https://research.fs.usda.gov/nrs/projects/bee-lawns 

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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