Changement climatique : que change l’arrêt de la CEDH ?

Par La rédaction de Deklic , le 10 avril 2024 — réchauffement climatique - 4 minutes de lecture
CEDH

Des membres de l’association suisse « Les Ainées pour le Climat » se réjouissent de la décision rendue par la CEDH, le 9 avril 2024, Crédit photo : Frederick FLORIN/AFP

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu mardi 9 avril un jugement historique en condamnant pour la première fois un État pour inaction climatique, en l’occurrence la Suisse. Le point sur ce que change cette décision qui fait jurisprudence.

Que dit l’arrêt ?

La CEDH, chargée de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l’homme, avait reçu une requête de l’association suisse des « Aînées pour la protection du climat ». Ces femmes considéraient que Berne ne prenait pas de mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique, en violation de leurs droits à la vie, à la santé et au bien-être.

La grande chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges, a traité ce dossier en priorité, et a donné raison à l’association suisse. Elle a en revanche rejeté les requêtes individuelles formulées par quatre membres de l’association.

Elle conclut que la Confédération helvétique, « faute d’avoir agi en temps utile et de manière appropriée et cohérente », a manqué à ses obligations et s’est rendue coupable de « graves lacunes », notamment en ne quantifiant pas les limites nationales applicables aux gaz à effet de serre (GES), par exemple à l’aide d’un budget carbone.

Par conséquent, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la convention. Elle a en outre dit qu’il y avait eu violation de l’article 6 relatif à l’accès à un tribunal. La Suisse doit verser 80 000 euros à l’association pour frais de justice.

Quelles conséquences ?

L’arrêt de la CEDH est définitif. La Suisse a l’obligation de le respecter et donc de redoubler d’efforts pour lutter contre le changement climatique. « Cet arrêt détaillé sera analysé avec les autorités concernées et les mesures que la Suisse doit prendre pour l’avenir seront examinées », a fait savoir le gouvernement fédéral.

Alain Chablais, qui représentait le gouvernement suisse devant la CEDH, a expliqué que « les moyens (à mettre en œuvre) seront déterminés par le gouvernement suisse et le parlement suisse » et qu’il faudra « un certain temps pour déterminer quelles mesures seront prises ».

Le comité des ministres du Conseil de l’Europe vérifiera que la Suisse se conforme à cet arrêt. « Nous allons être extrêmement attentives à ce que la Suisse mette en œuvre la décision », a averti Anne Mahrer, l’une des militantes écologistes qui ont fait condamner Berne.

Et maintenant ?

L’arrêt fait jurisprudence, c’est-à-dire qu’il pourra servir de référence dans d’autres dossiers portant sur le changement climatique — il y a actuellement plusieurs autres affaires devant la CEDH en lien avec ce sujet.

Cette décision a des implications pour la Suisse mais pas seulement : elle s’applique dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe. Dans son arrêt, la CEDH explique que les autorités nationales disposent d’une « marge d’appréciation » et peuvent choisir les mesures à mettre en place pour atteindre leurs objectifs, mais la cour a toutefois précisé ce qui était nécessaire.

Un État doit ainsi avoir des objectifs précis en matière de réduction des gaz à effet de serre, un budget carbone ou toute autre méthode équivalente de quantification des futures émissions de GES, ainsi qu’un mécanisme de suivi pour vérifier que ces objectifs sont atteints. 

« La Cour a posé une liste d’exigences pour qu’un État se conforme à ses obligations climatiques et ça c’est tout à fait nouveau et c’est quelque chose de très spectaculaire et très réjouissant », s’est félicité Raphaël Mahaim, l’un des avocats de l’association des Aînées suisses pour le climat. « Il y a de grands espoirs que les choses bougent assez rapidement ». 

« Ce n’est que le début en matière de contentieux climatique : partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leur gouvernement devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions », a salué la militante suédoise Greta Thunberg, présente à Strasbourg pour la décision.

(Avec AFP)

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