Combien de limites planétaires sont déjà dépassées aujourd’hui ?
Avez-vous déjà entendu parler des limites planétaires ? Si ce n’est pas le cas, une rapide mise à jour s’impose. Ces mesures quantitatives des frontières planétaires sans lesquelles l’humanité ne peut continuer à se développer et à prospérer sont un véritable baromètre de la bonne santé de notre planète, pourtant six d’entre elles sont déjà dépassées. Quelles sont-elles et qu’est-ce que cela signifie ?
Les limites planétaires : qu’est-ce que c’est ?
Les limites planétaires ou « planetary boundaries », dans la langue de Shakespeare, sont un concept développé en 2009 par un groupe de scientifiques, plus exactement, L’équipe internationale de chercheur·euse·s dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Center (SRC). Ces « limites » visent à définir les seuils environnementaux à ne pas dépasser pour assurer la stabilité de la Terre et la sécurité de l’humanité. Ce cadre identifie neuf processus critiques du système terrestre qui régulent l’équilibre de la planète, comme le climat, la biodiversité, l’utilisation de l’eau douce et les cycles biogéochimiques (azote et phosphore). En dépassant ces limites, on risque de provoquer des changements environnementaux irréversibles qui pourraient compromettre les conditions de vie sur Terre. Les neuf limites planétaires incluent donc :
- Le changement climatique ;
- La perte de biodiversité ;
- Les perturbations du cycle de l’azote et du phosphore ;
- L’acidification des océans ;
- La destruction de la couche d’ozone
- Le changement d’usage des sols ;
- L’utilisation de l’eau douce ;
- L’introduction de nouvelles substances chimiques (polluants) ;
- La pollution par les aérosols atmosphériques
Publiés en 2009 dans la revue Nature, les travaux de l’équipe de Johan Rockström font l’objet de recherches continues. Ils ont d’ailleurs été révisés en 2015, et une nouvelle fois en septembre 2023. Depuis cette dernière actualisation (2023), le SRC dispose d’indicateurs pour chacune des neuf limites planétaires.
Aujourd’hui, plusieurs de ces limites ont déjà été franchies, notamment celles liées au climat et à la biodiversité, ce qui augmente les risques d’instabilité environnementale. En réalité, en septembre 2023, seules les trois dernières limites n’avaient pas été franchies… Et ça, ça fait froid dans le dos.
L’objectif reste cependant de respecter ces seuils pour garantir un développement durable et éviter des conséquences potentiellement désastreuses pour les écosystèmes et les sociétés humaines.
Quelles limites planétaires sont dépassées en 2024 ?
Si vous faites partie de la team des écoanxieux·ses, on est de tout cœur avec vous et on vous invite à faire une toute petite pause avant de reprendre la lecture de cet article. Eh oui, pas question de rester dans l’ignorance, cependant, il est toujours bon de se ménager et de prendre soin de soi 😉
C’est bon, on peut reprendre… En 2024, six des neuf limites planétaires ont été dépassées, selon les recherches des scientifiques qui suivent ce cadre environnemental. Ces dépassements indiquent que l’humanité est entrée dans une zone de risque accru pour la stabilité de la Terre et les conditions propices à la vie humaine. Les limites d’ores et déjà dépassées sont…
- Le changement climatique : les émissions de gaz à effet de serre (notamment le CO₂) ont dépassé les niveaux sûrs, provoquant ainsi un réchauffement climatique rapide. Le seuil de concentration de CO₂ dans l’atmosphère (environ 350 ppm) est largement dépassé et menace la stabilité climatique.
- La perte de biodiversité : le taux d’extinction des espèces est aujourd’hui bien au-dessus des seuils acceptables. Cela affecte les écosystèmes et leur capacité à fournir des services essentiels (comme la pollinisation ou la régulation du climat). Dans la dernière édition de la Liste rouge mondiale (version 2024.1), sur les 163 040 espèces étudiées, 45 321 sont classées menacées1.
- Le cycle de l’azote et du phosphore : l’utilisation excessive d’engrais à base d’azote et de phosphore dans l’agriculture perturbe gravement les cycles biogéochimiques, allant jusqu’à provoquer des zones mortes dans les océans et la dégradation des sols. De 1990 à 2017, le flux d’azote total transporté par les cours d’eau a été en moyenne de 408 000 tonnes par an. Le flux de phosphore total en mer a été en moyenne de 20 000 tonnes par an entre 1990 et 20172… Ça vous donne une idée.
- Le changement d’usage des sols : la déforestation, l’urbanisation et l’agriculture intensive ont considérablement transformé les écosystèmes terrestres, réduisant la capacité de la Terre à absorber le CO₂ et à réguler d’autres processus environnementaux.
- L’utilisation de l’eau douce : la consommation d’eau douce dépasse les seuils dans plusieurs régions du monde, en raison de la sur-exploitation des ressources en eau et des pratiques agricoles non durables. Cela met en péril la disponibilité d’eau pour les écosystèmes et les populations humaines.
- Les nouvelles substances chimiques : l’introduction dans l’environnement de substances chimiques artificielles, telles que les plastiques, les pesticides et autres produits chimiques industriels, a atteint des niveaux qui menacent la biodiversité et la santé humaine. La pollution plastique, en particulier, est une préoccupation majeure.
Schéma partagé par le Stockholm Resilience Center
Les trois limites planétaires qui n’ont pas (encore) été officiellement dépassées sont :
- L’acidification des océans : bien que le processus soit en cours en raison des émissions de CO₂, il n’a pas encore atteint le seuil critique globalement.
- La destruction de la couche d’ozone : grâce à des efforts internationaux comme le Protocole de Montréal, la couche d’ozone est en voie de rétablissement, mais doit être surveillée.
- La pollution par les aérosols atmosphériques : ce seuil est difficile à quantifier avec précision, mais il est considéré comme proche du dépassement dans certaines régions du monde en raison de la pollution de l’air.
Le dépassement de ces limites entraîne des risques importants pour la durabilité des systèmes terrestres et augmente la probabilité de changements environnementaux rapides et irréversibles.
1UICN – La liste rouge mondiale des espèces menacées
2notre-environnement.gouv.fr – Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore
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