Comprendre : le surtourisme et ses conséquences

Par Charlotte Combret , le 10 août 2023 — Protection de l’environnement - 13 minutes de lecture
conséquences du surtourisme

La plage de Biarritz au Pays Basque en 2008. Crédit : Nicolas Jose / SIPA

En période estivale, des vagues de vacanciers déferlent sur les sites les plus touristiques de la planète. Ce flux de voyageurs, intense et localisé, porte un nom : le surtourisme. Dans ses bagages, des conséquences néfastes pour l’environnement et les communautés locales.

Qu’est-ce que le surtourisme ?

La notion de « surtourisme », d’« overtourisme » ou encore d’« hypertourisme » fait référence à un phénomène de saturation des sites touristiques, engendrée par l’affluence localisée, massive et croissante de visiteurs. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), 95 % des voyageurs du monde découvrent moins de 5 % des terres émergées de la planète. Rien qu’en France, 80 % de l’activité touristique se concentre sur seulement 20 % du territoire, d’après le gouvernement. Cette concentration de personnes sur une poignée de destinations touristiques finit par détériorer l’environnement, perturber les écosystèmes et altérer la qualité de vie des locaux.

Quelles sont les conséquences du surtourisme ?

1. La dégradation de l’environnement

Un tel afflux de voyageurs sur un même territoire n’est pas sans conséquences sur les milieux naturels. Des écosystèmes entiers sont détruits sous l’effet de la bétonisation ou de la déforestation, remplacés par des infrastructures d’accueil ou des zones d’activités à destination de ces populations passagères. Ce phénomène impacte les espèces issues de la biodiversité locale, qui, perturbées par tant d’animation, voient aussi leurs habitats modifiés. La venue d’un nombre exponentiel de touristes s’accompagne également d’une pollution des sols, jonchés par toujours plus de déchets, d’une pollution de l’eau, contaminée par les produits chimiques présents dans les crèmes solaires et enfin, d’une pollution de l’air, dégradée par les modes de transports utilisés. Rappelons que le secteur du tourisme est à l’origine de 11 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, selon un rapport de l’ADEME datant de 2021.

2. La dégradation de la vie locale

Les communautés locales, qui font partie de l’environnement, sont aussi grandement impactées par le surtourisme. La prolifération d’hébergements touristiques engendre, pour les résidents, une pénurie de logements qui, couplée à une hausse des prix de l’immobilier, accélère la gentrification. Cette pression touristique contribue également à saturer leur accès à des services de base comme l’eau, l’électricité et les transports publics. Sans compter qu’une dépendance extrême à l’égard du tourisme est source de déséquilibres socio-économiques à long-terme, rendant les communautés hautement vulnérables aux fluctuations économiques et à la saisonnalité. Enfin, le tourisme de masse met à mal le patrimoine culturel des sites les plus prisés et peut entraîner, chez les populations locales, une perte d’identité culturelle.

3. La dégradation de l’authenticité culturelle

En plus d’impacter négativement l’environnement et l’ensemble du vivant, le surtourisme ne vient pas avec la promesse d’une expérience culturelle magique pour les voyageurs. L’accès aux principaux points d’intérêts est souvent congestionné par les foules qui se précipitent pour les observer et les photographier. Résultat, des moments qui devraient être propices à la découverte et à l’émerveillement sont davantage sujets à l’agacement. D’autre part, l’industrialisation du voyage participe, dans certaines régions du monde, à la folklorisation des traditions, qui deviennent objets de divertissement plutôt que de transmission.

Dix lieux touristiques à éviter en France

📍 Les Calanques de Marseille

Depuis plusieurs années, le parc national des Calanques est menacé par l’érosion, du fait du piétinement de milliers de touristes quotidiens, et voit ses écosystèmes marins perdre pied. Depuis 2022, alors que les plages de Sugiton pouvaient attirer près de 2500 visiteurs par jour en plein été, la mise en place d’un système de réservation limite l’accès à 400 entrées quotidiennes. 

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Calanque de Sugiton dans le Parc national des Calanques. Crédit : Martina Cristofani /SIPA

📍 Les falaises d’Étretat

Tous les ans, plus d’un million de voyageurs rejoignent le sommet des falaises normandes, ce qui contribue à accélérer le phénomène d’érosion des côtes et à accentuer la pression sur la végétation. Surexposée en 2021 après le succès de la série Lupin sur Netflix, la mairie de la ville d’Étretat, pressée par des associations locales, opte pour une stratégie de « dé-marketing » et restreint désormais ses actions de communication sur la zone.

📍 La presqu’île de Crozon

Depuis que le quotidien britannique The Guardian a classé la plage de l’île Vierge comme l’une des plus belles plages d’Europe en 2014, le nombre de vacanciers n’a eu de cesse d’augmenter. La surfréquentation du site présentant des risques sanitaires et sécuritaires, son accès est tout simplement interdit depuis 2020, par la terre et la mer, et ce jusqu’à nouvel ordre.

📍 Le Mont Saint-Michel

En 2022, ce sont près de 2,8 millions de touristes, dont un million rien que sur la période estivale, qui ont foulé les rues pavées de cette petite bourgade normande d’une trentaine d’habitants à l’année. Un dispositif de régulation permettant de donner en temps réel le niveau de fréquentation de l’îlot rocheux est en cours de réflexion.

📍 Le Mont Blanc

Selon l’association chargée de sa conservation, le plus haut sommet de l’Europe de l’Ouest réunit entre 1000 et 1500 voyageurs par jour en moyenne en été. Face aux risques d’insécurité et d’incivilités que cela comporte, depuis 2019, l’accès à la « Voie royale » est limité à seulement 214 alpinistes. Le lac Blanc bénéficie également de nouvelles mesures de protection, la baignade étant notamment interdite en juillet et en août.

📍 Le GR20 en Corse

Depuis la crise Covid, la fréquentation de ce sentier de « Grande Randonnée » qui traverse toute la Corse sur 170 km, a explosé. Ce succès fulgurant entraîne avec lui son lot de perturbations et de détériorations de l’espace naturel, mais aussi de nuisances, de pressions sur les sites d’hébergement et de transformations culturelles. En conséquence, la mise en place de quotas est envisagée.

📍 Les îles du parc national de Port-Cros

Les écosystèmes et la biodiversité des îles de Porquerolles, de Port-Cros et du Levant souffrent du tourisme de masse depuis plusieurs décennies. Pour endiguer ce phénomène, le parc national de Port-Cros introduit en 2020, un système de jauge estivale. Depuis, durant tout l’été, seulement 6 000 visiteurs par jour se voient autoriser l’accès aux îles varoises.

📍 L’île de Bréhat

En France, et ailleurs, les îles ont la cote auprès des vacanciers. L’île phare des Côtes-d’Armor ne fait pas figure d’exception. Redoutant une potentielle dégradation du site et un risque d’érosion en raison des pics de fréquentation, le maire a pris un arrêté. Entre le 14 juillet et le 25 août, l’accès à l’île de Bréhat est limité à 4 700 visiteurs en semaine, de 8h30 à 14h30.

📍 Les gorges de l’Ardèche

Le Pont d’Arc, cette arche naturelle imposante de 54 mètres de haut qui dessine l’entrée des gorges de l’Ardèche, attire chaque année près de deux millions de visiteurs. Pendant les pics d’affluence estivaux, plus de 3000 canoës peuvent être loués à la journée. Pour éviter les embouteillages sur l’eau, l’office du tourisme a déployé un outil numérique, le « canoë malin » qui donne des informations en temps réel sur la fréquentation de la rivière.

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Le Pont-d’Arc et ses nombreux canoës dans les Gorges de l’Ardeche en août 2013. Crédit : PDN / SIPA

📍 Le Grand Annecy

Dans le vieux centre de la ville alpine, les restaurants et les boutiques souvenirs ont pris la place des commerces de proximité. Cette transformation socio-culturelle, qui impacte le paysage naturel et urbain, désole les habitants locaux qui peinent à reconnaître l’âme de leur territoire. Regroupés au sein d’un collectif, ils tentent d’alerter la municipalité. Cette pression touristique étouffante voit naître avec elle un autre phénomène, celui de la tourismophobie. Ce rejet des touristes s’exprime également dans d’autres villes de France, comme Biarritz dans le Pays Basque ou Saint-Malo en Bretagne. 

Dix lieux touristiques à éviter dans le monde

📍 Venise

Près de 30 millions de touristes visitent Venise chaque année, si bien que la capitale de la Vénétie compte 545 touristes par habitant. Devant une telle concentration de visiteurs internationaux, l’UNESCO demande à la municipalité d’agir pour préserver la lagune, à défaut, la ville rejoindra la liste du Patrimoine mondial en péril. À partir de 2025, les visiteurs d’un jour ne logeant pas dans l’enceinte de la cité des amoureux devront potentiellement s’acquitter d’un droit d’entrée de 3 à 10 euros, selon l’affluence du jour. Les autorités sont néanmoins encore hésitantes quant à l’application de cette mesure, qui a déjà été repoussée. 

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File d’attente de touristes à Venise en août 2021. Crédit : DPPA / SIPA USA / SIPA

📍 Portofino

Le petit village italien de 400 habitants, proche de Gènes, entre en lutte contre le phénomène grandissant de surtourisme. Depuis mai 2023, un arrêté interdit désormais aux visiteurs de s’arrêter de marcher dans des zones dites rouges. Un seul faux pas et ils devront s’acquitter d’une amende comprise entre 68 et 275 euros !

📍 Barcelone

Après une période d’accalmie au moment de la crise sanitaire, la capitale catalane est de nouveau noyée par un flot de touristes qui n’en finit pas d’arpenter ses ruelles. Depuis 2017, les touristes sont même encouragés par les catalans à plier bagages. « Fora turistes » (« Dehors les touristes » en catalan) peut-on lire sur les murs de la cité. Il est désormais formellement interdit de construire de nouveaux hébergements de tourisme dans Barcelone et des quotas d’accès à la vieille ville sont également introduits pendant la période estivale.

📍 Les Cyclades

L’archipel égéen du Sud-Est de la Grèce cristallise à lui seul le paradoxe auquel font face de nombreux voyageurs. Les touristes viennent à lui pour sa nature préservée, mais leur passage contribue à le dégrader. Au cœur d’intérêts économiques majeurs qui entourent ce tourisme de masse, les Cyclades sont également en proie à des réseaux mafieux, incontrôlables pour les autorités locales. 

📍 Bali

Eldorado des voyageurs occidentaux depuis des années, l’île indonésienne croule sous leurs incivilités. Non-respect des sites sacrés, jets de déchets sur le sol, accidents de la route impliquant des touristes étrangers alcoolisés… Les autorités publiques et les habitants décident de lutter contre ces fléaux. À compter de 2024, chaque vacancier étranger devra payer une taxe de dix dollars US, soit environ neuf euros, pour entrer sur le territoire. 

📍 L’île de Pâques

160 000 touristes débarquaient chaque année sur cette île volcanique reculée de Polynésie, avant que n’éclate la crise sanitaire mondiale, en 2019. Libérés malgré eux de la frénésie du surtourisme, les indigènes Rapa Nui ont pu renouer avec un mode de vie plus ancestral. S’ils accueillent toujours des voyageurs, les habitants de l’île de Pâques souhaitent désormais protéger avant tout leur territoire et conserver une indépendance financière. 

📍 La plage de Maya Bay en Thaïlande

Après avoir été propulsée devant les yeux du grand public en 2000 par le film La Plage, cette baie de l’île thaïlandaise de Phi Phi Leh, dans la mer d’Andaman, voit arriver un nombre croissant de visiteurs sur son sable blanc. En 2018, elle est interdite d’accès pour protéger son écosystème et ses récifs coralliens. Trois ans plus tard, elle réouvre ses portes dans la limite des places disponibles. Seuls 375 visiteurs peuvent visiter la baie en simultanée et la baignade n’est toujours pas autorisée. 

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Foule de touristes sur la plage de Maya Bay en Thaïlande en juillet 2011. Crédit : Paul Brown / Rex Featur / REX / SIPA

📍 L’Islande

L’Islande a vu son nombre de touristes annuels passer de 500 000 en 2010 à plus de deux millions en 2017. Un boom touristique qui ne laisse pas le paysage local de glace, loin de là. L’île européenne tente de concilier attraits touristiques et préservation de l’environnement en faisant la promotion de séjours plus longs, une mobilité plus durable et une zone d’hébergement moins localisée

📍 Les îles des Galápagos

Au large des côtes de l’Équateur, les îles volcaniques des Galápagos forment le refuge sauvage d’une diversité exceptionnelle d’espèces animales et végétales. De renommée mondiale, elles représentent aussi l’une des destinations touristiques les plus populaires de la planète. Pourtant, le développement des activités humaines est une menace directe pour la conservation du site, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’introduction d’espèces envahissantes, entre autres, fragilise dangereusement la biodiversité.

📍 L’Antarctique

De plus en plus de touristes, attirés par la promesse de sensations extrêmes et de territoires inexplorés, se lancent à l’assaut de l’Antarctique. Lors de la saison 2022-2023, plus de 100 000 d’entre eux se seraient tournés vers le Continent Austral, dix fois plus qu’il y a une vingtaine d’années. L’essor de ce tourisme scientifique est pourtant dramatique pour cette terre de glace dont la préservation est indispensable. Si depuis 2011, les navires de croisière ont interdiction de brûler de fioul lourd et d’abandonner leurs déchets, l’empreinte carbone du trajet en avion et la traversée du bateau contribue à accélérer la fonte des glaces et mettre en danger la biodiversité locale qui, pour la plupart des explorateurs, fait l’objet même de leur voyage.

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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