Quand la corruption fait dérailler le climat

Par Anaïs Hollard , le 11 février 2025 - 6 minutes de lecture

Rien de nouveau sous le soleil : les malversations financières font dérailler jusqu’aux initiatives les plus vertueuses, et ce n’est pas Transparency International qui dira le contraire. Dans un rapport publié ce mardi 11 février, l’ONG berlinoise – qui a pour habitude de noter pas moins de 180 nations selon leur niveau de corruption – souligne que celle-ci représente un « énorme obstacle » pour résoudre la crise climatique. Pour cause, ce sont des milliards d’euros (ou de dollars, c’est selon) de fonds climatiques qui seraient dilapidés chaque année à des fins obscures. Le point sur ce phénomène inquiétant qui, une fois de plus, met en péril l’action climatique !

La corruption : un frein à l’action climatique

Ce n’est désormais plus un secret : le fléau de la corruption touche l’ensemble des sphères de nos sociétés. En témoigne d’ailleurs le documentaire Seaspiracy, sorti en 2021 et visible sur Netflix, dans lequel un cinéaste passionné et qui enquête sur les dommages causés à la vie marine, met à jour une grave corruption à l’échelle mondiale. Eh non, les efforts réalisés en faveur du climat et de la préservation de l’environnement et de la biodiversité n’échappent pas aux malversations…

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L’ONG berlinoise Transparency International a ainsi publié ce mardi son rapport annuel contenant, entre autres, son Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2024. Parmi les faits inquiétants que pointe ce document pour le moins sensible, on découvre notamment que « dans les pays perçus comme les plus corrompus, le risque de détournement des fonds climat est plus élevé, les mesures de protection sont plus difficiles à mettre en place et les lobbys fossiles sont favorisés. » Un constat d’autant plus préoccupant, lorsque l’on sait que ces nations, essentiellement situées en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, comptent également parmi les plus exposées au changement climatique. C’est d’ailleurs le cas du Soudan du Sud, de la Somalie ou encore du Venezuela, derniers du classement dressé par l’ONG.

Conséquence directe de ces détournements de fonds (estimés à plusieurs milliards chaque année) ? Un bouleversement des populations les plus précaires, tout particulièrement dépendantes de l’aide publique pour se prémunir des catastrophes naturelles et de la pollution. L’autre point que soulève ce bilan alarmant, c’est aussi le poids que fait peser la corruption sur les négociations climatiques internationales, à l’image de la COP29, organisée en Azerbaidjan (Pays producteur d’hydrocarbures) et largement prise d’assaut par les lobbys du pétrole.

Face à ce sinistre constat, Maira Martini, directrice générale de Transparency International appelle ainsi « les gouvernements et les organisations internationales […] à intégrer des mesures anticorruption dans leurs efforts climatiques pour protéger les financements, rétablir la confiance et maximiser leur impact ». En espérant que la sollicitation ne reste pas lettre morte.

Pour rappel, Transparency indique par ailleurs que presque tous les militants environnementaux assassinés dans le monde depuis 2019 vivaient dans des pays aux scores inférieurs à 50 (la notation du niveau de corruption mise en place par l’ONG va de 0 à 100).

La France fait-elle exception ?

Qui n’a jamais été tenté d’invoquer Sartre et d’affirmer avec aplomb que « l’enfer, c’est les autres » ? Aussi, sur l’échelle de la corruption, les pays européens ont tôt fait de s’enorgueillir d’une morale en béton armé. Pourtant, que nenni ! Et en la matière, l’Hexagone a de quoi se faire du souci. Jusqu’à présent classée à la 20ᵉ place à l’échelle mondiale, la France a dégringolé de cinq rangs, pour se retrouver en 25ᵉ position, loin derrière l’Allemagne (15ᵉ), soit une baisse « sans précédent depuis la création de l’indice en 1995 », assure l’ONG.

Par conséquent, Transparency international classe désormais le Pays des Lumières parmi les nations « risquant de perdre le contrôle de la corruption », et évoque un « signal d’alerte pour la démocratie ». En cause ? « Une multiplication des atteintes à la probité dans un contexte de crise institutionnelle », et pas moins de 26 ministres – depuis 2017 – « impliqués dans des affaires politico-judiciaires », comme « Alexis Kohler, Rachida Dati, Philippe Tabarot et Aurore Bergé ». 

Si pour l’heure, l’ONG ne pointe pas de malversations climatiques sur son territoire, la dégringolade française appelle à une attention toute particulière dans les années à venir.

Corruption et environnement : quelles conséquences ?

La corruption ne se contente pas de vider les caisses publiques, elle est donc également à l’origine de sérieux ravages sur l’environnement. Certains secteurs sont particulièrement vulnérables, comme la gestion des forêts, la protection des espèces en danger, l’exploitation pétrolière, la pêche, l’approvisionnement en eau ou encore le traitement des déchets toxiques.

Entre détournements de fonds dans les programmes écologiques, pots-de-vin pour obtenir des permis d’exploitation, ou encore grande corruption en vue de faciliter l’exploitation illégale des ressources naturelles, les malversations sont nombreuses. Résultat ? Des réglementations environnementales contournées, des écosystèmes fragiles mis en péril et des communautés locales privées de leurs moyens de subsistance.

Quand la corruption entraîne la destruction des forêts, l’épuisement des ressources en eau et l’effondrement des habitats naturels, ce sont des milliards de personnes qui en paient le prix fort. Rien que dans le secteur de l’eau, « la corruption accroît les coûts de construction de l’infrastructure d’approvisionnement en eau dans une proportion pouvant atteindre 40 %, ce qui signifie que 12 milliards de dollars supplémentaires sont nécessaires chaque année à l’échelle mondiale pour donner aux populations accès à de l’eau potable et à des installations sanitaires.1 »

1anticorruptionday.org – La corruption et l’environnement

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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