Cradle to cradle (C2C) : tout savoir

Par Wanis Cassim , le 14 août 2024 — biodiversité, Énergies renouvelables, réchauffement climatique, Transition Écologique - 10 minutes de lecture

Le cradle to cradle, littéralement “du berceau au berceau” n’est pas le groupe de grunge secret de Kurt Cobain. C’est une théorie philosophique, écologique et économique qui soutient un principe simple : zéro pollution pendant la production et 100 % de réutilisation après la fin de vie du produit. Elle met l’accent sur un positivisme qui malmène la théorie de décroissance. Pour s’harmoniser avec la nature, il ne faut pas moins produire, il faut mieux produire.

S’il se distingue de la théorie low-tech par de nombreux points, le cradle to cradle aussi abrégé en C2C est en plus un label indépendant qui promeut les entreprises et les produits qui suivent cette idéologie.
Qu’est-ce que le cradle to cradle précisément ? Quel est le fonctionnement de ce label ? Quelles sont ses limites ? C’est ce que nous allons découvrir ensemble dans cet article ! ♻️

Cradle to cradle, la théorie

La norme veut qu’un produit soit fabriqué, puis jeté. C’est ce qu’on appelle le cradle to grave (du berceau au tombeau). En somme, on achète un objet, on le consomme, puis on le jette. Si une partie peut être recyclée, une autre reste perdue. 

Pour contrer cette idéologie, tout en gardant le productivisme au centre de la théorie, le cradle to cradle tente de mettre en place un processus qui englobe la création d’un produit, sa consommation, puis son recyclage à 100 %, en n’utilisant en outre que de l’énergie (renouvelable) pour son recyclage.

🍾Prenons l’exemple d’une bouteille :

  1. Elle est fabriquée
  2. Le produit qu’elle contient est consommé
  3. Elle est recyclée à 100 %
  4. Elle est remplie du produit (ou d’un autre)
  5. Le produit est consommé
  6. Elle est recyclée

Et ainsi de suite.

La bouteille reste donc utilisable en permanence, seul l’ajout d’énergie (pour la faire fondre, la remplir, la désinfecter, ou autre) est alors pris en compte dans le recyclage de cette bouteille.

🧑‍🏫Faire moins mal ne suffit pas et n’est pas la bonne approche pour cette théorie. Au contraire, il faut produire en faisant du bien pour retourner la perspective et ainsi démontrer que l’humanité peut tout à fait cohabiter avec la nature dans une société de consommation.

Le principe du C2C repose donc sur l’économie circulaire.

Les grands principes du cradle to cradle

Avec l’inversement du prisme, le cradle to cradle cherche non pas à atténuer les impacts négatifs de la production, il cherche à créer des impacts positifs sur la société comme sur l’environnement.

La ressource est partout

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier, bien inspiré par Anaxagore. Et bien le cradle to cradle tente de suivre cette philosophie avec son apport.

🚮La notion de déchet n’existe tout simplement pas dans la théorie C2C. Tout est ressource. 

Le principe est donc que le déchet est aussi une ressource.

🛍️Un sac biodégradable retourne à la terre, il est donc une ressource pour celle-ci.

L’eau, une donnée essentielle

La gestion de la consommation comme du traitement des eaux est au centre de la réflexion C2C. La consommation de cette ressource si précieuse doit être constamment optimisée, avec le souci du minimum d‘impact sur la nature. Plus encore, toutes les eaux polluées doivent être traitées.

Les énergies renouvelables

Dans l’optique même de la théorie, les énergies renouvelables ont toute leur place dans un processus C2C puisque celles-ci permettent de produire de l’énergie avec une ressource qui n’entraîne pas de perte nette comme les énergies fossiles. Si l’apport d’énergie d’un produit déjà recyclable à l’infini provient d’une énergie renouvelable, il s’agit alors d’un impact réduit sur la planète.

La nature comme première partenaire

La démarche C2C tend à inverser la vision de la nature dans une approche de production. Loin d’être une contrainte que l’on doit accepter, la nature devient une partenaire naturelle. Elle peut offrir des idées (biomimétisme), des procédés, ou encore des ressources (solaire, éolien).

La diversité comme guide

Dans l’approche C2C, la diversité, qu’elle soit biologique, de conception, ou culturelle, est un socle. Une diversité dans l’approche d’un problème permet de le résoudre plus facilement. Quand elle concerne un produit, la diversité permet plusieurs déclinaisons qui conviennent aux spécificités locales des entreprises.

En C2C, les ressources locales, le climat, et la culture spécifique doivent être pris en compte afin d’offrir des solutions adaptées à des cas particuliers.

Un contre-pied à la décroissance

La démarche cradle to cradle soutient donc que réduire l’impact négatif de l’humanité sur la nature n’est pas la bonne approche, il faut augmenter l’impact positif de l’humanité sur la nature.

C’est donc un virage à 180° qui est proposé. On ne cherche pas à produire en limitant les impacts sur la nature, on englobe la nature dans le processus de production, afin que celle-ci ne devienne pas un obstacle et qu’elle se transforme en marchepied.

La décroissance est enfermée dans le système productiviste à l’ancienne. Pour la théorie cradle to cradle, c’est la croissance qu’il faut réinventer en y incluant la nature.

Le produit C2C

Le produit C2C est donc : 

  • Biodégradable, pour ne pas avoir d’impact négatif sur la planète ;
  • Recyclable ;
  • Produit en utilisant des énergies renouvelables.

Le produit C2C est donc pensé en amont pour bénéficier à la nature, la société, et à l’entreprise, tout en apportant de la valeur lors de toutes les étapes de sa conception et de son recyclage.

Idéalement, le produit est entièrement régénéré indéfiniment grâce à deux cycles bien distincts.

Le cycle biologique

Le cycle biologique englobe toutes les matières qui se décomposent grâce à des micro-organismes pour former de nouveaux nutriments.

🌿Le compost, entre dans cette catégorie.

Le cycle biologique du C2C va plus loin que la simple notion de recyclage qui permet de transformer un objet en dépréciant sa valeur intrinsèque. 

👔Une chemise conçue avec des fibres végétales qui se décomposent dans la terre est un produit C2C puisque le cycle est fermé et que la chemise retourne nourrir le sol dont elle provient. 

De ce sol fertilisé par le compost (la chemise) naîtront de nouveaux plants qui seront transformés en chemises, et ainsi de suite. 

Dans une approche C2C, tous les produits de consommation (vêtements, chaussures, pneus), qui s’usent, doivent pouvoir retourner à la terre ou à l’environnement dont ils proviennent.

Le cycle technique

Le cycle technique s’appuie sur la même logique pour les produits industriels de masse. Dans un système fermé, et de manière préférable, l’idée est de toujours pouvoir réutiliser des composants des produits, comme ceux d’une tablette tactile par exemple. 

♻️En pensant la tablette en C2C dès la conception, on tente alors d’optimiser le recyclage des éléments qui la composent, soit en circuit fermé (faire la même tablette tactile), soit en circuit ouvert (créer un smartphone avec les éléments de la tablette tactile). 

Cette approche exige donc des composants de qualité, qui peuvent être réutilisés ensuite pour le même produit ou d’autres produits.

Le label C2C

Créée par Michael Braungart et William McDonough en 2002, la certification internationale Cradle to Cradle Certified™ est une démarche positive qui vise à créer de la valeur pour un produit lors de toutes les étapes de sa vie.

Loin de vouloir poser des normes qui devront être respectées par les entreprises, le C2C est pensé comme une marque honorifique qui repose sur des bases de volontariat et de partenariat positif et non coercitif. 

C’est le C2C Product Initiative Institute qui délivre le niveau de certification. 

Il y en 5 : 

🏆Platine

🥇Or

🥈Argent

🥉Bronze

🍫Basique

Ce classement permet de faire entrer un produit dans ce label tout en lui donnant de l’espace pour améliorer son process. Ainsi, un produit avec une certification “basique” peut devenir, bronze, argent, or ou platine, selon son amélioration au fil du temps. 

Pour faire certifier un produit, il faut en faire la demande. Un bureau d’études accrédité fera alors son inspection. Il est important de savoir que les normes appliquées pour répondre aux exigences de ce label ne sont pas forcément celles des normes internationales.

🇫🇷 En France, Upcycle est la seule entreprise française qui peut délivrer cette certification.

Sur le site du label, on recense 652 produits certifiés C2C en 2024. C’est moins que les années précédentes. Augmentation des critères ou abandon de cette théorie ? Le temps nous le dira.

Les limites du label

Comme nous l’avons dit, les critères de sélection pour ce label ne sont pas forcément les mêmes que les normes internationales. Cela peut poser des problèmes, notamment dans l’interprétation des processus pour le grand public. 

Le meilleur exemple est sur la mention de recyclage : la norme ISO 14021-16 (qui fait partie de la grande famille des normes ISO, comme la IS0 14001) indique que la mention “recyclable” est utilisée, si, et seulement si, existent : 

  • des systèmes de collecte ;
  • des systèmes de tri ;
  • des systèmes d’approvisionnement pour le transfert des matériaux vers l’usine de recyclage ;
  • et si le produit est collecté, trié, et recyclé.

Pour la certification cradle to cradle, en revanche, est considéré comme un matériau recyclable tout ce qui « peut être recyclé au moins une fois après son utilisation initiale, quelque part dans le monde, au moins à l’échelle pilote, selon un scénario présumé par le candidat, indépendamment de sa faisabilité ou sa mise en œuvre effective. »

En somme, si le recyclage du produit est possible, alors le produit peut avoir la certification, même s’il n’est pas réellement recyclé. 

Cette notion nuit vraisemblablement à la compréhension du grand public qui ne désire pas lire les définitions des concepts de tous les labels pour comprendre exactement ce qu’il en ressort.

Le C2C est donc une autre manière de voir l’économie et le système de production de nos objets, services, et produits de consommation. C’est aussi un label internationalement reconnu qui reste assez exigeant pour avoir une aura importante, que ce soit auprès des consommateurs-ices, ou des professionnels-les. 

Sources : 

https://c2ccertified.org

https://c2ccertified.org/resources/cradle-to-cradle-certified-r-product-standard-version-4-1?scrollY=612

Wanis Cassim

Après des études de philosophie, Wanis décide de laisser la théorie afin d’agir à sa façon en faveur de l’écologie. Passionné de science-fiction, de nouvelles technologies aussi bien que de la nature, il tente d’allier ses centres d’intérêts dans son travail de rédacteur Web.

Voir les publications de l'auteur