« Deep sea mining » : la Norvège autorise l’exploration minière des fonds marins, mais suspend leur exploitation
Alors qu’était attendu un vote sur l’exploitation minière des fonds marins, le Parlement norvégien a finalement donné son feu vert à l’ouverture de la prospection en eaux profondes. Une victoire en demi-teinte pour les militants dans cette course contre la montre, marquée par des risques toujours bien présents pour les écosystèmes marins.
Bonne ou mauvaise nouvelle ? « Un grand pas dans la bonne direction. Mais ce n’est qu’un début » réagit Camille Etienne sur Instagram au terme de plusieurs semaines d’une campagne intense contre l’exploitation minière des fonds marins. Alors que le Parlement Norvégien choisissait le mardi 9 janvier d’autoriser – ou non – d’immenses excavatrices à racler ses eaux territoriales profondes, ils étaient des milliers à interpeller en ligne les décideurs locaux pour faire pencher la balance. Les votes sont désormais scellés et avec eux, le sort de l’océan Arctique.
À la dernière minute, sous la pression des activistes, des scientifiques, des associations et même de personnalités publiques internationales, le pays scandinave fait un pas de côté en proposant à ses députés d’autoriser non pas l’exploitation, mais l’exploration de ses grands fonds océaniques. À 80 voix contre 20, la proposition du gouvernement est adoptée. Dans le futur, l’exploitation éventuelle de ces mêmes fonds devra faire l’objet d’un nouvel examen par le Parlement. En mettant à disposition 280 000 km2 de ses fonds marins – l’équivalent de la moitié de la superficie de la France – la Norvège devient l’un des premiers pays au monde à se lancer dans cette pratique controversée dans une région inexplorée.
« Une honte »
La boîte de Pandore est malgré tout entrouverte. Aussi plusieurs manifestants se sont rassemblés devant le Parlement pour exprimer leur mécontentement. « C’est une honte parce que la Norvège risque de créer un précédent », qui permettra « à d’autres pays de faire de même », s’est désolé Frode Pleym, à la tête de la branche norvégienne de Greenpeace et présent à la manifestation. « Ce n’est pas fini. C’est une honte pour la Norvège : la phase d’exploration a bien des impacts invasifs » a par ailleurs rappelé Camille Étienne sur ses réseaux sociaux.
« Toutes les institutions scientifiques norvégiennes disent que c’est trop risqué. Nous n’en savons pas suffisamment sur les écosystèmes pour atténuer les dommages (potentiels, ndlr) », a réagi auprès de l’AFP Haldis Tjeldflaat Helle, de la branche norvégienne de Greenpeace. ONG et scientifiques alertent sur la destruction d’habitats et d’espèces encore inconnus mais potentiellement cruciaux pour la chaîne alimentaire, le risque de perturber la capacité de l’océan à absorber le carbone émis par les activités humaines ou encore le bruit affectant des espèces comme les baleines.
Bluewashing ?
Si la Norvège veut partir à l’exploration de ses grands fonds marins, ce n’est pas pour aller à la rencontre des coraux d’eau froide, des crabes yéti, des vers tubicoles ou encore des anémones transparentes. Le plateau continental du pays contient très probablement, selon les estimations des autorités, d’importants gisements de minéraux, y compris du cuivre, du cobalt, du zinc et des terres rares, utiles dans la composition de batteries, turbines d’éoliennes, ordinateurs et autres téléphones portables. La pays nordique espère ainsi devenir un grand producteur mondial de minerais et réussir… sa transition énergétique.
« La Norvège semble avoir cette idée que l’extraction minière sera la solution pour la transition écologique, ce qui est vraiment étrange » s’étonne Haldis Tjeldflaat Helle. De plus en plus de pays dans le monde préfèrent au contraire s’en détourner et privilégient le principe de précaution sur cette question, faute de données suffisantes sur les risques qu’elle présente, argue la militante. Vingt-quatre pays, dont la France et le Royaume-Uni, se sont prononcés pour un moratoire sur l’extraction minière sous-marine. De son côté, le gouvernement Norvégien assure qu’aucun projet ne sera mis en place sans évaluation détaillée au préalable. La condition : cela doit pouvoir être fait « de manière durable et raisonnable », a précisé l’élu conservateur en charge du dossier, Bård Ludvig Thorheim. Un rêve bleu ?
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