Énergie solaire en Europe : photovoltaïque en locomotive, thermique au ralenti

Par William Buzy , le 1 avril 2024 — énergies renouvelables - 7 minutes de lecture
Parc solaire

Vue aérienne d’un parc solaire au sud de Leipzig, en Allemagne, Crédit photo : JAN WOITAS/DPA Picture-Alliance via AFP

Si l’Europe n’est plus le leader mondial qu’elle était sur la question de l’énergie solaire, elle reste un acteur constant, avec une croissance de déploiement honorable. Tandis que l’Allemagne domine l’UE en matière de surface installée et de production, d’autres pays se montrent plus dynamiques ces dernières années au regard de leur population.

L’Europe, en la matière, avait été pionnière. Le solaire thermique, qui consiste à capter l’énergie thermique du rayonnement solaire pour échauffer un fluide (liquide ou gaz), dont l’énergie sera ensuite utilisée directement (eau chaude, chauffage…) ou indirectement (énergie électrique), avait atteint un pic historique en 2008. Le photovoltaïque européen, lui, représentait carrément 75 % de la production mondiale en 2010. Mais le marché européen de l’énergie solaire, depuis, est rentré dans le rang. Blessé par la crise économique, d’abord. Confronté à des problématiques techniques, ensuite, par exemple en termes de stockage. Largement dépassé, enfin, par la croissance rapide des marchés asiatiques.

Mais depuis le début des années 2020, l’énergie solaire a tout de même repris du poil de la bête sur le vieux continent. L’Agence internationale de l’énergie (IEA) estime même que 61 % de l’électricité sera d’origine renouvelable en Europe d’ici 2028, notamment en raison d’une vague sans précédent d’installations de panneaux solaires. Des installations massives rendues possibles par « une baisse des prix des modules solaires photovoltaïques de près de 50 % en 2023 », selon le dernier rapport de l’IEA (janvier 2024), qui estime que « les réductions de coûts et le déploiement rapide devraient se poursuivre », d’autant qu’en parallèle, « l’industrie éolienne (en dehors de la Chine) est confrontée à un environnement plus difficile en raison d’une combinaison de perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement, de coûts plus élevés et de longs délais d’obtention des permis, qui nécessitent une plus grande attention de la part des politiques ».

Quoi qu’il en soit, « la capacité de production mondiale devrait atteindre 1100 GW d’ici à la fin de 2024, ce qui dépasse largement la demande ». Les prévisions pour l’Europe sont optimistes, avec une croissance des énergies renouvelables au double du rythme moyen des six dernières années, portée à 70% par l‘expansion des panneaux solaires.

Locomotive européenne du déploiement de l’énergie solaire, l’Allemagne peut se targuer d’avoir à la fois la plus grande surface de capteurs solaires thermiques installée (19,45 millions de m2), et d’être le plus gros producteur d’électricité photovoltaïque au sein de l’UE (60,79 TWh). Mais ses voisins continentaux jouent le jeu, surtout depuis que les prix des panneaux solaires tendent vers un coût de 0,1 dollar par watt installé, loin du pic de 0,85 dollar atteint en 2016. Côté législation, certaines mesures ont également eu un impact sur la demande, comme la réduction de la TVA de 19 % à 5 % pour les systèmes photovoltaïques en Roumanie, et même à 0 % en Irlande et en Autriche.

L’Allemagne reste productrice de près d’un tiers (29,6 %) de l’électricité photovoltaïque de l’UE, loin devant l’Espagne (14,53 %) et l’Italie (13,82 %), tandis que la France (10,09 %) est quatrième. Mais en zoomant un peu pour observer la puissance photovoltaïque ramenée au nombre d’habitants, on note que l’Allemagne chute à la deuxième place, derrière les Pays-Bas, territoire le plus solarisé d’Europe. Le solaire photovoltaïque y représente 15 % de la production d’électricité, alors qu’elle vient à peine de franchir la barre des 10 % en Allemagne, où les effets de la guerre en Ukraine imposent d’importants défis, comme le montre le dernier rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Entre 2013 et 2022, la capacité du parc solaire photovoltaïque de l’Allemagne a affiché une croissance moyenne de 6 % par an, loin des 40 % néerlandais. 

Champion d’Europe du développement de l’énergie solaire ces dernières années, la Pologne a triplé, entre 2020 et 2022, sa capacité installée. Avec une croissance moyenne de 137 % par an depuis 2013, le pays a quitté les tréfonds du classement pour venir se positionner au 14e rang des pays de l’UE, soit deux rangs devant la France.

Plus en retrait dans ce secteur, la France affiche une hausse moyenne annuelle de la capacité photovoltaïque installée de 13 % sur dix ans, bien en dessous de certains de ses voisins malgré un territoire plus grand et plus ensoleillé. La France conserve cependant l’un des mix énergétiques les plus décarbonés d’Europe, grâce à sa production d’énergie nucléaire.

Côté capteurs solaires thermiques, l’Allemagne domine encore le déploiement en termes de surface installée, avec 19,45 millions de kilomètres carré, soit plus que ses quatre poursuivants additionnés : la Grèce (4,99), l’Autriche (4,91), l’Espagne (4,59) et l’Italie (4,45). La France arrive en sixième position avec 3,39 millions de km2. Mais, là aussi, les Allemands cèdent leur trône quand on ramène l’énergie produite au nombre d’habitants, doublés par Chypre, l’Autriche, la Grèce et le Danemark. La France, elle, tombe à la 18e place dans l’Union européenne.

D’une manière générale, le marché du solaire thermique connait un recul quasi constant depuis son pic historique de 2008. Certes, la surface installée a aussi diminué en raison d’une meilleure efficacité des capteurs, mais la baisse du marché de la construction de logements et la concurrence du photovoltaïque a semble-t-il donné un coup d’arrêt au solaire thermique, pour lequel les efforts promotionnels et incitatifs des pouvoirs publics se sont peu à peu effacés.

Reste que l’Union européenne continue de promouvoir des objectifs ambitieux en matière d’énergie solaire, dans le but d’atteindre 40 % d’énergies renouvelables en 2030 et la neutralité climatique en 2050. Si, pour cela, elle compte évidemment s’appuyer sur la filière photovoltaïque, dont elle espère qu’elle pourrait couvrir jusqu’à 20 % des besoins en électricité des 27 d’ici 2040, elle ne compte pas délaisser le solaire thermique, dont elle entend tripler la capacité dans les dix prochaines années.

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William Buzy

Écrivain et journaliste, William Buzy a fondé le média Impact(s), spécialisé dans la journalisme de solutions, et fait partie d’un collectif adepte du journalisme littéraire et du documentaire. Auteur de plusieurs romans, il a également publié des récits et des essais sur le journalisme.

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