Les grands projets inutiles et imposés (GPII) : tout savoir
Les “grands projets inutiles et imposés“ est une expression qui a été démocratisée dans les années 2010 par des militants écologistes. Elle désigne des projets qui n’ont aucun intérêt (voire sont contreproductifs) pour l’environnement et la société civile.
Si l’expression n’est pas très connue du grand public, les projets qu’elle dénonce, eux, le sont beaucoup plus !
Analysons ensemble la formule, son origine et ce qu’elle dénonce pour mieux comprendre son rôle dans notre société.
Les GPII, c’est quoi ?
Si cette expression est donc reprise dans les années 2010, elle s’inscrit dans le marbre (ou plutôt dans un livre) avec Le Petit Livre Noir des grands projets inutiles.
Les GPII désignent des projets qui sont jugés superflus a priori. On ne se mobilise pas pour une construction qui est déjà construite, on anticipe sa construction pour tenter de démontrer en quoi elle sera nuisible à l’environnement et à la société. Qu’il concerne les transports, l’énergie, ou un programme d’habitation, tout projet néfaste pour l’environnement entre dans cette catégorie. A ce titre, même les acteurs-ices locaux peuvent être considérés comme des GPII.
On peut notamment citer :
✈️ L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : sans doute le plus connu, en raison de la forte mobilisation déclenchée contre ce projet et largement médiatisée. La contestation a pris une telle ampleur que le projet d’aéroport a été abandonné en 2018.
🌊 Le barrage de Sivens : un très fort ralliement des opposants à cette idée de barrage (qui menaçait des dizaines d’espèces protégées selon les associations) a aussi abouti à un abandon du projet en 2015.
🚆 La ligne ferroviaire Lyon-Turin : Cette ligne de train en construction et qui sera mise en service complètement d’ici 2032, selon les estimations, est vivement critiquée en raison de son impact sur l’environnement et du peu de concertations organisées avec les habitants-es et les associations de la région sur son réel intérêt.
Parmi les GPII récents, on peut aussi citer :
- la ferme des mille vaches (ou autres projets d’agriculture intensive)
- le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Poitiers-Limoges
- le projet de stade de football à Saint-Étienne (France)
- le Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO)
Cette expression découle en fait d’une autre, datant des années 1980, qui nommait les “grands travaux inutiles”. Car, si les GPII sous-entendent une protestation du projet préalable à sa construction, c’est que nombre de projets se sont révélés inutiles a posteriori, quand il était déjà trop tard.
Les GTI, l’ancêtre des GPII
Les « grands travaux inutiles » est une formule qui établit le même constat : le côté inutile pour la société et/ou nuisible pour l’environnement. Toutefois, cette expression désigne des constructions déjà terminées, et qui ont prouvé leur inutilité à l’épreuve du temps. Certains de ces chantiers ont donc été abandonnés, face aux réalités qui prouvent que les projets ne seront pas rentables ou ne pourront pas être modifiés, quand ils ne sont pas tout bonnement détruits.
En général (pas toujours), ces critiques se dirigent vers des projets publics, qui utilisent les fonds du contribuable à mauvais escient, selon les détracteurs-ices des projets en question.
Confrontés de fait à ce constat, les militants-es ou les habitants-es ont donc décidé d’anticiper des résultats prévisibles en tentant de s’opposer à la construction d’un projet inutile avant même que la première brique ne soit posée.
Pourquoi grands, inutiles et imposés ?
Décortiquons l’expression pour mieux comprendre ce qu’elle sous-entend.
Grands
Facile ! En général, on parle de projets immenses, considérés comme démesurés par les associations et les militants-es. Cela peut être en termes de taille ou de coûts financiers et/ou écologiques. Cette démesure dans un monde où la France s’est engagée à la neutralité carbone d’ici 2050 est donc jugée irrationnelle et contraire aux engagements de la France envers l’écologie ou sur le plan du respect de la démocratie.
Les méga-bassines sont un parfait exemple de la démesure dénoncée par les associations contre ce qu’elles qualifient de GPII, l’eau étant une ressource de plus en plus rare.
Inutiles
Cette notion est jugée par les habitants-es et les spécialistes de l’environnement. Si le projet ne permet aucun gain sociétal et/ou environnemental pour le plus grand nombre (de personnes et d’écosystèmes), il est alors jugé inutile pour le bien commun.
Imposés
Ce qui définit un GPII est, aujourd’hui, un rapport entre les pouvoirs publics et des investissements privés. Ainsi, les associations (Attac, Reporterre, etc.) et les habitants-es reprochent à ces projets d’être décidés en haut-lieu, sans aucune consultation des éventuels futurs utilisateur-ices, les premiers et premières concernés-es.
En somme, la critique fréquente du GPII est le fait qu’il soit un arrangement financier entre deux parties, au détriment de l’aspect social et écologique du lieu en question. Dès lors, le militantisme apparaît comme une forme de résistance face à un système antidémocratique pour celleux qui luttent contre un projet qu’iels qualifient de GPII.
Des projets pour le bien commun ?
Pour les sociologues spécialistes de la question comme Kevin Vacher, le bien commun n’est pas mis au centre de la réflexion quand on élabore un grand projet inutile et imposé.
Plus encore, les projets tendent à favoriser le secteur privé au détriment des populations locales. Ainsi, les conséquences de ces projets ne prennent pas en compte les dommages qu’ils pourraient entraîner sur les habitants-es et leur environnement naturel. Pour le sociologue, les conséquences néfastes de ce type de programmes (artificialisation des sols, métropolisation ou encore contribution des institutions publiques au profit de multinationales) illustrent parfaitement qu’ils ne sont pas construits dans l’intérêt de toutes et tous.
Pour Kevin Vacher, ces projets sont porteurs d’une violence qui s’exprime à plusieurs niveaux :
- Les entreprises choisies pour des GPII sont souvent éloignées du bassin local, alors même que le localisme est utilisé comme argument par les soutiens des projets ;
- Les GPII fonctionnent souvent selon le procédé du “ruissellement” où des investissements faits à travers une structure privée vont rejaillir et bénéficier à tout le monde. Or, cette théorie se vérifie peu dans le réel et, souvent, les GPII favorisent les multinationales au détriment des acteurs-ices locaux ;
- Les GPII sont violents pour les écosystèmes et détériorent la nature ;
- Les GPII peuvent s’avérer nocifs pour la santé.
Début 2016, en France, on recensait une centaine de projets qualifiés de « grands projets inutiles et imposés » par les associations nationales de protection de l’environnement. Avec la carte interactive proposée par Reporterre, on sait désormais que c’est encore beaucoup plus, puisqu’elle en recense 667 en 2024 et 659 rien qu’en France métropolitaine ! Comme l’impression d’un retour en arrière !
Il existe un forum annuel des GPII depuis 2011. Gageons qu’il y aura beaucoup à dire lors des prochaines éditions de ce forum, alors que la nécessité d’une transition énergétique dans le but de remplir les objectifs de l’Accord de Paris se rapproche d’année en année !
Sources :
- https://terresdeluttes.fr/wp-content/uploads/2021/11/Les-David-sorganisent-contre-Goliath.pdf
- https://lutteslocales.gogocarto.fr/annuaire#/carte/@46.33,2.50,6z?cat=all