L’illusion de la finance verte
Avec l’accélération du dérèglement climatique, la finance verte est en forte croissante en France. Qu’est-ce qui se cache vraiment derrière ce terme un peu “fourre-tout” ? Peut-on vraiment faire confiance à la finance verte ? Deklic vous dévoile les dessous de la finance verte : entre illusion et réalité.
Qu’est-ce que la finance verte ?
La finance verte désigne l’ensemble des opérations financières qui soutiennent le développement durable, la transition énergétique ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. Contrairement à la finance classique qui investit exclusivement dans des projets rentables, la finance verte soutient également des projets vertueux pour l’environnement. C’est ce qu’on appelle l’investissement responsable (IR). Le concept le plus connu en finance verte est l’obligation verte ou green bond.
Quelle réglementation pour la finance verte ?
La finance verte est strictement encadrée afin d’éviter le greenwashing. En effet, le secteur financier étant particulièrement complexe et opaque pour les particuliers, il est important de réguler les pratiques des acteurs de la finance verte afin de limiter les arnaques.
Parmi l’arsenal législatif de la finance verte, on trouve :
- la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en France : elle oblige les investisseurs à communiquer sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de leur politique d’investissement ;
- la taxonomie verte en Europe : afin de définir clairement ce qui constitue un investissement vert ou non ;
- le règlement CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) pour les entreprises depuis le 1er janvier 2024 : afin d’améliorer les déclarations de performance extra-financière.
Ces réglementations sont-elles suffisantes pour limiter le greenwashing ?
L’illusion de la finance verte
Pour les auteurs Alain Grandjean, Julien Lefournier et Gaël Giraud de l’essai “L’illusion de la finance verte” : non. La finance verte est une illusion.
En effet, le livre montre la manière dont un nombre grandissant d’entreprises exploite le filon de la finance verte en vue d’améliorer leur image de marque, attirer de nouveaux clients et conserver les meilleurs talents.
Surtout, les auteurs, qui connaissent bien le monde de la finance pour y avoir travaillé de nombreuses années, s’attachent à démontrer que la finance verte, malgré ses promesses, ne peut pas nous sauver du réchauffement climatique et de ses conséquences néfastes.
Il s’attellent donc à démonter un par un et avec pédagogie, les nombreux mythes qui entourent les marchés financiers : “Ce livre a vocation à devenir un phare dans le brouillard et la confusion constamment entretenus autour des marchés financiers et de l’écologie”.
L’illusion de la finance verte et des obligations vertes
Les obligations vertes fonctionnent comme des obligations classiques (soit des titres de dettes), à ceci près qu’elles permettent de financer des projets ou des activités à vocation écologique. Pour l’émetteur, c’est l’occasion d’attirer de nouveaux investisseurs. Pour l’investisseur, il s’agit d’un investissement “sûr” puisqu’il finance un projet en principe moins exposé aux aléas climatiques.
Toutefois, d’après les auteurs de “La finance verte est une illusion”, il n’y a en réalité aucune différence entre une obligation standard et une obligation verte : “Les taux de rendement des obligations vertes et standards d’un même emprunteur sont en effet les mêmes. En effet, sans aucune « additionnalité », et à prix égal, l’obligation verte n’offre à l’émetteur aucun avantage comparatif par rapport à l’obligation standard. Elle ne permet pas de transférer tout ou partie du surcoût d’un projet vert aux prêteurs obligataires via une baisse du coût de financement de l’entreprise qui lance ce projet. Elle ne peut jouer aucun rôle systémique pour favoriser la transition.”
Les contradictions de la finance verte
Par ailleurs, la finance verte est souvent une façade, un moyen de communication pour cacher une réalité bien plus sombre dans les faits : “Ainsi peut-on trouver Total, qui a une belle notation ESG, dans la vaste majorité de ces fonds, un Total qui investit massivement dans la maintenance et la construction d’unités de production d’énergies fossiles en contradiction avec les recommandations récentes de l’AIE.”
On peut comparer la finance verte à la compensation carbone, qui consiste à investir dans des projets de capture d’émissions de gaz à effet de serre (puits de carbone) pour compenser les émissions de gaz à effet de serre produites par ses activités (déforestation).
Finance verte et bonus-malus
Autre dispositif connu en finance verte : le bonus-malus. Celui-ci est particulièrement connu des particuliers car il concerne les voitures individuelles. En France, les véhicules qui polluent le plus (voitures thermiques à essence ou diesel) sont davantage taxés et coûtent donc plus cher à l’achat, que les véhicules propres (voiture électrique ou hybride). C’est le principe du pollueur-payeur.
Cette fois, les auteurs de “La finance verte est une illusion” sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’un dispositif efficace pour encourager l’investissement vert : “Ce qui compte, ce sont les incitations pécuniaires (bonus/malus de l’Etat ou de la région)”.
Finance verte et marché au carbone
Le marché au carbone, aussi appelé système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre a été mis en place en Europe en 2005. Il consiste à faire payer les entreprises les plus polluantes de façon à les inciter à réduire leur empreinte carbone ou à acheter des droits supplémentaires à polluer (les fameux quotas carbone).
Finance verte et avantages fiscaux
Enfin, la finance verte passe par les avantages fiscaux comme la réduction de la TVA pour la réalisation de travaux permettant d’économiser de l’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit-là d’un levier très efficace puisque les particuliers ont été très nombreux à se lancer dans des chantiers de rénovation grâce à la mise en place de ces dispositifs incitatifs.
Sources :