« La Rivière » : un film qui lie poésie et écologie au détour d’un torrent pyrénéen
En salle ce mercredi 22 novembre 2023, le long-métrage documentaire de Dominique Marchais porte la voix de Béarnais qui luttent, à contre-courant, pour protéger les cours d’eau et leur biodiversité des dérives des activités humaines.
Entre les Pyrénées et l’Atlantique affluent des rivières puissantes que l’on appelle les gaves. Loin de couler des jours heureux, les champs de maïs les assoiffent et les barrages bloquent la circulation du saumon. L’activité humaine bouleverse le cycle de l’eau et la biodiversité de la rivière. Des hommes et des femmes tendent leur regard curieux et amoureux vers ce monde fascinant fait de beauté et de désastre. C’est leur histoire que conte Dominique Marchais dans son film, Prix Jean-Vigo 2023. Celle de Manon, salariée d’une association de pêche locale, de Patrick, directeur du Parc national des Pyrénées, de Florence, hydrogéologue, climatologue et chercheuse au CNRS ou encore de Jon, éleveur bio au Pays basque. Si leurs chemins se croisent à peine, tous partagent une connaissance rare et un attachement organique à leur territoire.
« Je vais vers ce qu’il reste de beauté »
Depuis vingt ans, le réalisateur de « Le Temps des grâces », « La Ligne de partage des eaux » et « Nul homme n’est une île » pose un regard précis et poétique sur le vivant dans son ensemble. Avec son quatrième film, Dominique Marchais s’offre les gaves pyrénéens pour cadre naturel. Le documentariste s’y intéresse, de façon presque inattendue, pour les besoins de sa prochaine fiction. Le récit prend vie dans le Béarn. « Ça me donne l’envie irrépressible d’un film documentaire sur ces rivières, dont le gave d’Oloron est l’emblème. C’est une rivière passionnante car beaucoup d’enjeux s’y concentrent : écologiques, agricoles, énergétiques et, de plus, elle est magnifique, parcourue encore par des poissons migrateurs alors que la plupart des rivières françaises meurent dans une indifférence générale choquante » partage-t-il.
En France, le niveau de deux tiers des nappes phréatiques est sous la normale. 31% des cours d’eau sont à sec. Près d’un quart de l’eau consommée en France sert à la culture du maïs. En 1974, 90% des stocks de poissons avaient le temps de se reconstituer naturellement, en 2017, cette proportion tombe à 65,8%. Et la liste est encore longue ! Déçu des paysages monotones, ce sont ces rivières en grandes difficultés, leurs connexions, leurs mystères et leurs résurgences qui fascinent désormais l’œil aiguisé du cinéaste. « Je vais vers ce qu’il reste de beauté » confie-t-il.
Un film pour rassembler
Alors que ses précédents long-métrages cherchaient à susciter un large consensus, avec « La Rivière », Dominique Marchais choisit son camp. Celui « des défenseurs et amoureux de la nature. » Ces personnes qui sont « maltraitées, conspuées », tantôt qualifiées « d’amishs », tantôt « d’écoterroristes ». « Je filme la beauté dans son statut minoritaire, dans son ’être minoritaire’» explique-t-il. Son documentaire s’adresse à cette jeunesse pro-climat. « Intéressez-vous au bassin versant, aux acteurs qui sont déjà là, depuis longtemps, qui font un travail indispensable. Je parle des associations de défense de l’environnement qui œuvrent au niveau local – qui empêchent la mise en place d’une nouvelle gravière, la disparition d’une zone humide ». D’après lui, toutes ces petites actions attirent rarement l’attention des grands médias.
Au-delà de porter leur combat sur grand écran, l’ancien journaliste espère rassembler en dehors des salles de cinéma. « J’ai montré le film dans le Béarn, à ceux qui y ont participé. Malgré leur proximité géographique et leurs affinités, aucun des protagonistes ne se connaissait. Puisse le film donner à voir leur compagnonnage secret, les aider à prendre conscience de la communauté à laquelle ils appartiennent, et donner envie à d’autres de la rejoindre, afin que cette minorité soit fière d’avoir raison parmi les fous et parle d’une voix de plus en plus consciente d’elle-même, ferme et puissante ». Un message qui fait écho à celui porté par le réalisateur italien Roberto Rossellini : « le cinéma sert à montrer que le monde est peuplé d’amis ».
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