Le Haut conseil pour le climat rappelle à l’ordre Gabriel Attal sur le « recul » de sa politique climatique
Un rappel à l’ordre sobre mais affirmé : le Haut Conseil pour le climat (HCC) s’est fendu d’une rare lettre d’avertissement au Premier ministre, l’alertant sur la « dérive du calendrier » de la lutte contre le changement climatique qui lui fait craindre un « recul de l’ambition ».
Le 21 mars, le gouvernement s’était félicité du « record » français (hors Covid) de baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2023, à la suite de la publication par le Citepa d’une pré-estimation de baisse de 4,8% pour l’an dernier.
Mais pour le HCC, il ne faudrait pas crier victoire trop vite. L’organisme indépendant, chargé d’évaluer les politiques climatiques de la France, pointe notamment du doigt les retards dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques, dans un courrier daté du 2 avril et rendu public jeudi 4. Tout en saluant la baisse des émissions, il souligne qu’elle ne doit « pas occulter les efforts majeurs » qu’il reste « à accomplir ».
Une telle baisse « si elle était confirmée (…) doit être soutenue chaque année d’ici 2030 et au-delà, et se refléter au sein de tous les grands secteurs émetteurs », souligne la présidente du HCC, Corinne Le Quéré, qui signe cette lettre adressée directement à Gabriel Attal.
Recul de l’ambition de la politique climatique
« À ce jour, le Haut conseil pour le climat constate qu’après plusieurs consultations et débats, ni la loi de programmation énergie et climat, ni la Stratégie française énergie et climat, ni la 3ème Stratégie nationale bas carbone, ni le 3ème Plan national d’adaptation au changement climatique, ni la 3ème Programmation pluriannuelle de l’énergie n’ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives », liste la climatologue franco-canadienne.
Or, « ces documents sont essentiels afin de guider l’action climatique à long terme » de la France alors que « le niveau d’urgence actuel, tant en matière d’atténuation que d’adaptation, (…) invite à réaffirmer fermement et sans délai la politique climatique » du pays.
« Le Haut conseil pour le climat ne peut que s’inquiéter du risque de recul de l’ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants », indique la lettre.
Le HCC est un organisme indépendant institué par Emmanuel Macron fin 2018. Placé auprès du Premier ministre, il est composé d’une douzaine d’experts dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte et l’ingénieur Jean-Marc Jancovici.
Des forêts à l’agonie
« L’alerte du Haut conseil pour le Climat rappelle le besoin de poursuivre et d’intensifier les efforts », a reconnu jeudi après-midi le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu auprès de l’AFP. « C’est ce que fait le gouvernement. C’est le sens de la planification écologique et de sa territorialisation qui se poursuit jusqu’à l’été », a-t-il ajouté, tandis que Matignon restait silencieux.
Néanmoins pour le moment, ni les détails, ni le calendrier de la 3e version de la SNBC, présentée comme « imminente » depuis des mois, ne sont précisément connus. Le Premier ministre a finalement décidé mi-mars de relancer une « grande consultation » publique sur cette stratégie ainsi que sur la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Le Haut conseil pour le climat pointe le fait que l’accélération de la baisse des émissions est « d’autant plus nécessaire » que l’état de santé actuel de nos forêts, affectées par le changement climatique, limite fortement leur contribution au stockage du carbone. Les chiffres du Citepa ne sont que des émissions brutes et ne prennent pas en compte l’effet des puits de carbone.
Vers une politique « anticipatrice, préventive et transformatrice »
La France a pour ambition de réduire ses émissions de 50% (-55% en net, en intégrant les absorptions par les puits de carbone) d’ici 2030 pour se conformer aux engagements européens et atteindre ensuite la neutralité carbone.
« Ces défis ne pourront être relevés en France que si la politique climatique d’adaptation change d’échelle en devenant anticipatrice, préventive et transformatrice, et si le cadre stratégique pour l’atténuation, qui se construit, est mis en œuvre de manière opérationnelle et systématique », estime la présidente du HCC.
Elle rappelle que « différer la mise en œuvre comme réduire l’ambition de l’action climatique serait renoncer à assurer la protection de la population ».
(Avec AFP)
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