Maèli Piederrière : « Je me suis spécialisée dans l’énergie parce que je voulais actionner le levier le plus puissant »
Portée depuis l’enfance par son amour pour les océans et la nature, Maèli Piederrière a toujours été animée par le désir de lutter contre le dérèglement climatique et pour la protection de la biodiversité. Un projet qui a guidé ses choix tout au long de sa vie.
La vie peut parfois sembler injuste. Certains bataillent des années durant pour trouver leur voie, d’autres partent bille en tête puis font marche arrière, d’autres encore suivent des schémas tout tracés avant de bifurquer des années plus tard… On peut même chercher un but toute sa vie sans jamais le trouver. Et puis il y a celles et ceux qui savent depuis toujours et n’en démordront pas. Leurs choix sont guidés par un horizon limpide. Ils sont en mission, presque habités. Maèli est de ces gens-là.
Il faut dire qu’une enfance « au bord de la mer » et une curiosité « pour tout ce qui se passait dans le jardin » a tracé un chemin bien dégagé dans l’esprit de cette Bretonne. « J’ai toujours été très attachée à la nature. Mon cadeau d’anniversaire pour mes 7 ans, c’était une loupe binoculaire pour pouvoir observer tout ce que je trouvais dehors. » Dès l’adolescence, cette passion enfantine se mue en projet professionnel. « Je n’avais pas d’idée arrêtée sur la manière dont j’allais pouvoir contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique ou la protection de la biodiversité, mais je savais que c’était quelque chose que je voulais faire. C’était très ancré en moi, même si ce n’était pas concret. Petit à petit, ça s’est précisé. Mais mes choix d’orientation ont toujours gardé ce truc-là en tête. »
À une époque où la conscientisation se limite « au tri des bouteilles en plastique », elle est déjà « l’écolo de service ». « On a tous des sensibilités variables par rapport à ça. Moi, ça m’a habitée tôt, j’en avais fait un projet professionnel, donc ça prenait peut-être un peu plus de place dans ma tête. Mais dans mon quotidien, je n’étais pas militante. Je n’aurais pas la prétention de dire que j’avais ouvert les yeux sur un problème que les autres ne voyaient pas. »
S’ouvrir toutes les portes
Après le lycée à Saint-Malo, elle rallie Paris pour étudier à Sciences Po. « Mes parents m’ont toujours dit qu’il fallait avoir les clés qui me permettraient d’ouvrir toutes les portes que je voulais ouvrir. Je ne voulais pas me retrouver avec un obstacle sur mon chemin, donc j’ai fait des choix d’orientation larges pour être sûr d’avoir les choix les plus larges possible à l’arrivée. Sciences Po m’a permis d’aborder le sujet de plein de manières.» Elle y étudie les politiques publiques avec une spécialité en énergie, environnement et développement durable, mais aussi la philosophie, qui lui permet de découvrir Hans Jonas. « J’ai abordé mon engagement sous pas mal de formes à Sciences Po, côté intello avec la philo, côté plus concret avec l’énergie… »
Elle profite également de sa scolarité pour débuter un engagement associatif. Au sein du club de voile, elle organise « des conférences pour sensibiliser à la protection des océans » ou pour « réfléchir aux manières de faire entrer les océans dans la politique ». « J’avais envie de rendre la voile accessible parce que c’est quand même un sport assez bourgeois, donc on avait organisé des journées d’initiation à la voile en banlieue parisienne. Je voulais aussi sensibiliser au maximum les étudiants de Sciences Po – qui sont souvent très citadins – aux enjeux climatiques. » L’engagement se décline encore, jusque dans ses premières expériences professionnelles : dans une revue sur le développement durable en Argentine, puis à la Direction générale de l’Énergie et du Climat où elle travaille sur le développement des parcs éolien en mer. « C’était assez intéressant de voir comment l’État porte des projets énergie de cette ampleur », se souvient-elle. Elle file ensuite à Mayotte en tant que Chargé de mission transition énergétique à la Direction de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement.
Chez Enedis, enfin, elle observe les enjeux de la transition énergétique et des projets d’énergie renouvelables au sein d’une entreprise chargée de mission de service public, avant de débarquer chez Ekwateur. Une expérience qui sera légèrement ébranlée par l’appel du large. « J’avais un projet perso : traverser l’Atlantique en bateau. Alors j’ai fait un voyage sans avion pendant 8 mois, tout en voilier, en partant des Canaries, en passant par le Cap-Vert, par la Barbade, et par plein de petites îles dans les Caraïbes, puis je suis rentrée en Bretagne depuis la Guadeloupe. » Un projet qui a forcément marqué les esprits, même si l’objectif n’était pas d’en faire une opération de communication. « C’était un truc assez intime de petite fille face à la mer, un grand rêve d’enfant qui a grandi bercée par les océans. Il n’était pas question de me transformer en influenceuse. Mais par la force des choses, mes proches ont été témoins de mon expérience, et ça a eu un impact beaucoup plus important que ce que j’aurais pensé. »
Une énergie inépuisable
Depuis son voyage, plusieurs proches se sont lancés ou se lanceront bientôt. « J’ai eu un impact malgré moi », sourit Maèli. Rentrée de voyage en août, elle commencer à travailler chez Ekwateur en septembre 2022 , au cœur d’un projet qui lui permet de « réinventer les choses ». « Je me suis spécialisée dans l’énergie parce que je voulais actionner le levier le plus puissant, et je trouve que l’énergie est le secteur le plus transversal. Si tu transformes l’énergie, tu transformes tout. » Ce choix, comme les autres, elle l’a fait « à l’instinct ». « Si le projet me parle, que je sens qu’il apporte quelque chose, ça m’intéresse. »
« Avoir le choix », une « chance » qui lui permet de « challenger sans cesse » son entreprise, mais aussi de se remettre en question, elle qui se trouve « pas assez radicale ». Alors elle continue de se nourrir et d’essayer de convaincre, notamment au sein de groupes d’amis qui ne partagent pas toujours ses préoccupations. « Je ne veux pas être la donneuse de leçon de service, mais j’ai la chance d’avoir été sensibilisée, d’avoir eu accès à plein de connaissances grâce à mes études et à d’autres choses, donc j’ai peut-être le devoir de ne pas lâcher, de partager ce que je sais, et de donner mon énergie à plein d’autres gens. » Quitte à s’y épuiser ? « Parfois, ils me crispent, mais à aucun moment je me suis dit : ça ne sert à rien, j’arrête. Au contraire, ça me motive. Je trouve ça précieux d’avoir un but précis dans la vie qui guide ses choix personnels et professionnels. »
À croire qu’elle ne doute jamais. Là encore, la vie est injuste. « J’ai la chance de ne pas être très anxieuse, mais c’est vrai que plus on creuse ces sujets, plus on se rend compte que la montagne à gravir est immense. C’est très impressionnant. Parfois je me dis : ça ne va pas assez vite, qu’est-ce que vous êtes lents, pourquoi ça ne bouge pas ? Il y a une forme d’impatience qui peut être un peu oppressante, mais qui en même temps m’a donné plus de motivation, plus d’énergie, plus de volonté de changer les choses et de ne pas perdre ce cap-là. » Le cap, bien sûr. Quoi de plus important pour une navigatrice ?
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Maélie Muller, mi-professionnelle de la sécurité numérique, mi-horticultrice
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