Pour la Cour des Comptes, un « mur d’investissements » est nécessaire pour faire face au changement climatique
La Cour des comptes se félicite d’une « prise de conscience » de l’urgence de s’adapter au changement climatique mais demande mardi 12 mars 2024 à l’État de jouer plus clairement son rôle de stratège et de mieux chiffrer les efforts budgétaires nécessaires, face « au mur d’investissements ».
Dans le rapport annuel, sur plusieurs centaines de pages, les magistrats soulignent « la nécessité que l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique soit transparente, cohérente et efficiente ». Une exigence qui se décline en 16 chapitres allant de l’immobilier aux cultures céréalières, du rôle des banques à l’avenir du réseau électrique… Et qui concerne aussi bien l’État que de grandes entreprises publiques, comme la SNCF et EDF, qui doivent adapter le réseau ferré ou les centrales nucléaires à des températures toujours plus élevées à long terme.
« Nous constatons un kaléidoscope de réponses, de plus ou moins grande qualité », relève le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici. Mais elles « ne sont pas articulées, d’où l’impératif de planifier. […] Il faut connaître, informer, chercher, financer et planifier », résume-t-il.
Au micro de France Culture mardi matin, Pierre Moscovici a jugé qu’il faut « nous désendetter de manière intelligente pour investir et pour faire face aux défis du futur. Et le premier défi, encore une fois, c’est la transition écologique ». « Si on veut s’adapter au changement climatique, si on veut atténuer les impacts du changement climatique, il faut des investissements publics et privés massifs », a-t-il ajouté, évoquant « un mur d’investissements ».
« Dans certains domaines, l’État ne joue pas correctement son rôle de stratège, qui consiste notamment à fixer des objectifs et à définir une trajectoire pour les atteindre », regrettent les auteurs dans le rapport annuel.
« L’évaluation des coûts actuels et futurs de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante, faute de données suffisantes mais également parfois d’objectifs clairs », notent encore les magistrats.
« Prise de conscience »
C’est la première fois que cette thématique de l’adaptation fait l’objet d’un rapport spécifique de la Cour, signe de l’importance qu’elle a prise, après avoir longtemps été occultée par les efforts nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le gouvernement souhaite de fait se montrer plus réaliste en retenant l’hypothèse d’un réchauffement de 4°C en France d’ici la fin du siècle, servant de base pour le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), attendu au début de l’été.
La Cour se félicite donc d’une « prise de conscience » de l’urgence de s’adapter au changement climatique, avec ses vagues de chaleur plus nombreuses, sévères et longues, ses inondations qui s’aggravent et la ressource en eau qui diminue.
La problématique est prise en compte depuis longtemps par exemple chez le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE mais la prise de conscience est en revanche « embryonnaire au ministère des Armées », note-elle.
La Cour appelle notamment les autorités à « corriger » des insuffisances en matière de planification dans ce document, relevant des incohérences par exemple sur l’adaptation de l’immobilier ou du tourisme en montagne, plus en plus confronté à la fonte des neiges.
Pas de « chiffre magique »
À l’heure des économies budgétaires – 10 milliards d’euros en 2024 puis 20 milliards en 2025 – elle réclame aussi un chiffrage clair des mesures d’adaptation, forcément onéreuses.
« Si la trajectoire de réchauffement menant à 4°C en 2100 devait effectivement être retenue, le contenu du PNACC 3 devrait alors être sensiblement différent de celui des deux plans précédents, de même que l’effort budgétaire à consentir. À cet égard, on doit surtout relever, à ce stade, l’absence de chiffrages exhaustifs et cohérents pour l’ensemble des acteurs publics », souligne le rapport.
Mais la Cour ne donne pas par elle-même « le chiffre magique qui résume tout » parce que « pour l’instant les données sont trop éparses », admet Pierre Moscovici.
L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a estimé à au moins 2,3 milliards par an les quelques mesures d’adaptation « incontournables » et « mûres » à prendre dès maintenant, sachant qu’il y aura ensuite d’autres besoins au coût « potentiellement bien plus important ».
Problème : la situation des finances publiques est par ailleurs « préoccupante » voire « sérieuse », met en garde la Cour, qui y consacre aussi une partie de son rapport.
Mais même dans ce contexte délicat, Pierre Moscovici défend les dépenses en faveur de l’environnement : « Il serait paradoxal d’aller taper dans le secteur sur lequel on a le plus besoin d’investissement ; ce n’est pas ce que je recommanderais. »
(Avec AFP)
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