Quand le dérèglement climatique dévaste aussi les œuvres d’art

Par Charlotte Combret , le 29 mars 2024 - 4 minutes de lecture
L’exposition "Artistes et Paysans. Battre la campagne" au musée des Abattoirs de Toulouse

L’exposition « Artistes et Paysans. Battre la campagne » au musée des Abattoirs de Toulouse. Crédit : Lionel BONAVENTURE / AFP

Une peinture qui s’écaille, un bois cassant, du fer ramolli… Les œuvres d’art aussi souffrent des aléas du climat et cela préoccupe les professionnels du patrimoine, qui se mobilisent notamment en Occitanie.

« Les œuvres d’art ou patrimoniales sont construites dans des matériaux sensibles à la lumière, à la chaleur et à l’humidité, donc finalement au dérèglement climatique », explique Camille Haumont, restauratrice spécialisée dans la sauvegarde d’archives des bibliothèques. Une situation complexe à l’heure où les températures ont atteint plus de 40 degrés en août dernier en Occitanie, l’une des régions les plus touchées par des phénomènes de sécheresse et de canicule.

« Avec des changements de températures variant brusquement sur de courtes durées, les matériaux se rétractent ou se dilatent, et cette modification du support fini par rendre les matériaux cassants », ajoute Mme Haumont. Elle a constaté que « la hausse des températures et de l’humidité impactait le taux de moisissure, qui devient de plus en plus fréquent et de plus en plus difficile à contrôler ».

S’y ajoute l’apparition d’insectes ravageurs, des mouvements de terrain qui fissurent des bâtiments ou, comme au musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse, un risque accru d’inondation « souvent dévastatrice pour les collections », selon la restauratrice.

Conservation préventive

Face à ces dangers, certains musées recourent à des techniques de conservation préventive et tentent de réguler les températures autour des œuvres afin de les protéger. C’est le cas aux Abattoirs de Toulouse, dont les collections sont stockées dans « des climats spécifiques selon chaque matière », précise à l’AFP Lauriane Gricourt, directrice de ce musée d’art moderne et contemporain. « Avant d’acquérir une œuvre, une personne s’assure désormais d’anticiper ses conditions de conservation, la manière dont on va la stocker et surtout dans quelles conditions nous pourrons la diffuser au public », ajoute-t-elle.

Le musée des Amériques à Auch mise sur des « vitrines régulées », capables de respecter les normes imposant une conservation des œuvres à 21 degrés l’hiver et 24 l’été. Ce système y a été installé pour la célèbre mosaïque de plumes sur bois « La Messe de Saint-Grégoire », particulièrement sensible aux changements de températures. Si de tels caissons se multiplient selon Claire Leger, experte en sauvegarde du patrimoine au sein du département de la Haute-Garonne, leur coût élevé freine leur généralisation.

Les institutions culturelles cherchent aussi à réduire leur impact énergétique. Ainsi les Abattoirs espèrent une modification des règles de conservation afin de réduire leur bilan carbone, sujet discuté au sein du Conseil international des musées (ICOM), qui a notamment pour mission d’établir les « normes éthiques » du secteur.  « L’idéal serait de savoir si les œuvres peuvent résister à de plus grandes variations de température. Mais pour des matériaux fragiles comme le bois ou encore le métal, certains restaurateurs estiment que l’on prend un risque« affirme Mme Gricourt.

Plans de sauvegarde

Bouclier Bleu, association de protection du patrimoine originellement déployée dans les zones de conflits, intervient désormais de plus en plus en France où, selon ses chiffres, au moins « un sinistre tous les huit jours a touché le patrimoine culturel au cours de l’année 2021-2022 ».

« La sécheresse a un impact direct sur le patrimoine, mais elle est également déclencheur de risque (…) Ce n’est pas parce qu’on est dans une zone où a priori il n’y a pas de crues, que demain il n’y aura pas une tempête ou un méga-feu », observe Claire Leger, directrice de l’association, récemment intervenue sur des séchages d’urgence après l’inondation d’une chapelle à Beynac, dans les Hautes-Pyrénées.

Cette sapeur-pompier volontaire, experte en sauvegarde du patrimoine au sein du département de la Haute-Garonne, travaille sur des plans d’action avec les services de secours, afin de préserver les bâtiments historiques et les œuvres. « Ces dernières années, la gravité des sinistres n’a cessé d’augmenter », ajoute Camille Haumont, autre membre de Bouclier Bleu. Alors « en Occitanie, les cathédrales ont toutes leurs plans de sauvegarde et les pompiers savent quelles collections sont à évacuer et comment y procéder. »

(Avec AFP)

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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