Quentin Saieb, fondateur de Hector le Collector : « Les biodéchets sont composés en majorité d’eau, les brûler revient à faire brûler de l’eau… On peut mieux faire »
L’entreprise toulousaine Hector le collector récupère les restes alimentaires des sociétés et des restaurants. Elle sera mobilisée pendant la coupe du monde de rugby afin de récupérer les biodéchets autour du Stadium de la Ville rose. Ne les jetez plus dans les ordures : c’est une ressource en or, ils servent à produire de l’énergie et du fertilisant naturel, comme l’explique Quentin Saieb, fondateur de l’organisation.
Comment en êtes-vous arrivé à lancer Hector le Collector en 2020 ?
J’ai été assez tôt sensibilisé à l’enjeu de la gestion des déchets. J’ai eu la chance de grandir dans une maison avec jardin et il y avait un compost. Et puis j’ai déménagé dans le centre de Toulouse et me suis interrogé sur comment je pouvais valoriser mes restes alimentaires dans un logement sans balcon. Les solutions manquaient à ce moment-là. D’où le lancement de l’entreprise visant à revaloriser les déchets organiques des professionnels…
Le nom de la société est un clin d’œil à mon histoire personnelle. Il y a quelques années, nous avions découvert un rongeur à l’intérieur du bac à compost familial. Ma petite sœur l’avait prénommé Hector afin que mes parents ne s’en débarrassent pas… J’ai repris le patronyme, car j’avais envie de traiter de la question des déchets de façon ludique et surtout pédagogique.
Qui ciblez-vous ?
Les entreprises du tertiaire, tant des PME que des entreprises de plus grande tailles ou encore des espaces de coworking. Mais aussi des professionnels de l’alimentation, des hôteliers, des traiteurs, des restaurants. Et puis des commerces de proximité, les supermarchés, les épiceries, les primeurs au cœur des villes. Des établissements qui, souvent, manquent de place et chez qui nous récupérons les biodéchets en véhicules électriques au minimum une fois par semaine. Nous laissons la possibilité aux salariés de ramener les biodéchets qu’ils consomment à leur domicile au point de collecte de leur entreprise. Ainsi, tout le monde participe à l’aventure. Cela leur plaît et leur permet de moins jeter dans le bac à ordures ménagères. C’est un geste très utile.
Que faites-vous des déchets organiques que vous collectez ?
L’ensemble du flux est rassemblé dans des entrepôts en périphérie qui nous appartiennent. Nos partenaires se chargent ensuite d’acheminer le tout dans une usine de méthanisation à 40 km du centre-ville de Toulouse. Voilà l’idée : revaloriser les biodéchets dans le but de fabriquer de l’énergie, à terme réinjecté dans le réseau de gaz français. C’est aussi de l’engrais naturel utilisé par les agriculteurs de la région. Cette année, nous ramasserons 400 tonnes de déchets organiques, contre 150 tonnes en 2022.
Comment inciter les entreprises de l’agglomération à s’y mettre ? Les freins sont-ils nombreux ?
Le premier frein est économique, car cela représente une nouvelle charge pour les professionnels, mais il y a aussi un frein culturel. Pour beaucoup, valoriser ses déchets est une priorité, mais ce n’est pas encore le cas pour l’ensemble de la population. Les responsables les plus jeunes sont plus à l’écoute de ces sujets, je remarque. But du jeu : poursuivre le travail de sensibilisation. À partir du 1er janvier 2024, l’ensemble des professionnels aura à revaloriser ses biodéchets. Or, il ne suffit pas d’indiquer que la réglementation évolue, cela a plutôt tendance à braquer. Ce qui fonctionne, c’est d’expliquer en quoi c’est important de sauter le pas.
Comment accompagnez-vous les professionnels dans les explications et au-delà de la collecte ?
D’abord, il s’agit de mentionner la liste des biodéchets, d’autant qu’il peut y avoir des confusions, dues à la méthode privilégiée. En effet, les recommandations divergent en fonction de si nous utilisons un bac à compost simple ou un lombricomposteur à la maison, ou s’il s’agit d’une collecte pour la méthanisation. Cela est notre cas. En l’occurrence, pour notre part, il n’y a pas de contre-indication, tout est à jeter : des épluchures de légumes aux coquilles d’œufs, des agrumes aux restes de viandes ou de poissons.
Le but c’est de faire connaître la filière méthanisation et ses avantages pour traiter des déchets alimentaires au lieu de l’incinérer. Les biodéchets sont composés en majorité d’eau (70 %), les brûler revient donc à faire brûler de l’eau… On peut mieux faire.
Ensuite, nous avons par exemple décliné le jeu Burger Quiz. Le public, c’est souvent des salariés d’entreprises. Nous prévoyons 50 minutes avec eux pour réaliser un atelier de sensibilisation sur les sujets que nous portons.
C’est l’occasion de préciser que les déchets organiques représentent selon l’Adème 30 % des ordures ménagères du côté des ménages, un flux qui est amené à être incinéré, en particulier. Du côté des professionnels, les déchets organiques représentent en général, entre 40 et 60 % de la poubelle.
En séparant les biodéchets du bac à ordures ménagères, les personnes se rendent compte qu’elles vident moins souvent la poubelle et qu’elle n’a plus d’odeur. Un argument qui fait mouche.
Votre entreprise va être sollicitée pour la coupe du monde de rugby, qui démarre le 8 septembre en France… Pour réaliser quoi ?
Nous travaillons avec l’organisation de cet événement à Toulouse. Une vingtaine d’hôtels ont été référencés tant pour la presse, les partenaires que les supporters. Et nous nous occuperons de récupérer les restes des repas. En outre, au niveau de la fan zone, qui sera la plus grande de France, nous accompagnerons les acteurs de la restauration rapide présente sur place, lors de la diffusion sur grand écran des vingt matchs prévus. Et puis Hector sera mobilisé au niveau du Stadium de Toulouse lors des cinq rencontres organisées. Des bacs seront installés là où les supporters peuvent commander à manger, non loin des tribunes. L’idée, notamment, est de rappeler qu’il faut penser à la gestion des déchets organiques à chaque instant, et pas seulement au domicile et au travail.
Pour aller plus loin : https://hectorlecollector.fr/