Récompensées pour leurs travaux en écologie, ces huit jeunes chercheuses dédient leur temps à la planète
Pour protéger le vivant, elles ont décidé de l’étudier. Passionnées et engagées, ces huit jeunes chercheuses sont doctorantes ou post-doctorantes en écologie ou en biologie. Fin 2023, elles reçoivent, aux côtés d’autres scientifiques, le Prix des Jeunes talents pour les Femmes et la Science. Au-delà de révolutionner leur domaine d’étude, les travaux qu’elles mènent contribuent à préserver la planète, dans un contexte de dérèglement climatique et d’effondrement de la biodiversité. Portraits.
Cinzia Alessi : Étudier l’effet du changement climatique sur les coraux
Il y a des rencontres qui marquent l’enfance. Pour Cinzia Alessi, c’est celle qu’elle fait avec la série Flipper et son héros, le célèbre dauphin. À l’âge de quatorze ans, elle en est certaine : elle deviendra biologiste marine. De sa Sicile natale à la Nouvelle-Calédonie, ses études la plongent dans les eaux de la planète bleue où elle découvre les coraux. Désormais, Cinzia Alessi mène un doctorat au sein de l’unité de recherche ENTROPIE en Nouvelle-Calédonie sur la physiologie des coraux vivant dans des conditions environnementales extrêmes. « J’étudie une population de coraux de la mangrove de Bouraké, en Nouvelle-Calédonie et les stratégies métaboliques qu’ils mettent en œuvre face à des conditions environnementales défavorables, qui sont accentuées par le réchauffement climatique » explique-t-elle à la fondation L’Oréal-UNESCO à l’occasion du Prix pour les Femmes et la Science France 2023. La jeune scientifique s’intéresse également « au type de symbiose que ces coraux mettent en place avec différents types d’algues, afin de déterminer si certaines associations augmentent la résistance des coraux aux conditions environnementales ». Pour elle, à l’instar de la nature, « la science a besoin de diversité ». En France, les femmes ne représentent en effet que 29 % des chercheurs (rapport MESRI, 2023).
Giulia Cheloni : Décrypter les interactions entre phytoplanctons et pollution
Alors qu’elle se voit confier un projet sur la biotechnologie par son professeur de sciences du lycée, Giulia Cheloni est impressionnée par la quantité d’applications utiles pouvant être développées grâce à l’énorme potentiel de la nature. Depuis, son intérêt pour la recherche universitaire n’a cessé de grandir. C’est en découvrant par la suite comment le vivant développe des stratégies pour faire face à des conditions défavorables que la jeune scientifique décide de se consacrer à la biologie environnementale. Après des études de biotechnologie en Italie et un doctorat d’écotoxicologie en Suisse, elle mène désormais son post-doctorat d’écotoxicologie microbienne en France, au laboratoire MARBEC à Sète. « Mes recherches portent sur la manière dont la pollution affecte les phytoplanctons, ces microalgues et bactéries présentes dans les eaux de surface, mais aussi l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur les contaminants » partage-t-elle. Une mission qui est loin d’être vaine puisque « comprendre leurs mécanismes d’adaptation devrait permettre de développer des procédés favorisant la décontamination des zones polluées ou encore des eaux usées. »
Margaux Crusot : Œuvrer pour une perliculture plus durable
Margaux Crusot est une jeune femme de terrain. Ce qu’elle aime le plus dans la recherche : faire bouger les choses. Sensibilisée aux enjeux environnementaux, la scientifique consacre son énergie à prouver l’efficacité d’une solution à une problématique précise, en l’occurence celle de la durabilité dans l’aquaculture. Est-ce parce qu’elle a vécu plus jeune au Vanuatu dans le Pacifique Sud que Margaux Crusot s’est lancée dans une telle voie ? Sûrement. Après un BTS d’aquaculture, elle devient ingénieure, puis chargée d’études à l’Université de la Polynésie française. Désormais installée à Tahiti, la chercheuse mène de concert thèse et enseignement. Sur place, son projet est très concret : « permettre au secteur de la perliculture de réduire ses déchets plastiques ». À ce jour, la filière a encore recours à des collecteurs en plastique sur lesquels les huîtres se fixent. « Mes travaux visent d’abord à quantifier ces déchets puis à proposer des alternatives plus durables, comme les biomatériaux » souligne Margaux Crusot. Grâce à ses recherches, la réglementation polynésienne sur les ventes de matériel de culture a déjà bougé.
Carine Estelle Koné Doufoungogno : Comprendre les effets de la pollution et du réchauffement climatique sur les écosystèmes d’eau douce
Dans sa vie, Carine Estelle Koné Doufoungogno a deux modèles. Son père, qui s’est « battu pour l’éducation scolaire de ses filles ». Et Odile Nacoulma, professeure en biochimie des substances naturelles. Son amour pour la nature, couplée à une conscience aiguë de l’importance de la protéger, l’oriente vers les sciences environnementales. C’est par volonté d’allier convictions écologiques et carrière que la jeune scientifique vient en France pour y étudier la biologie et l’écotoxicologie. En 2019, elle est lauréate de l’Institut de l’Engagement à Paris suite à son service civique dans le domaine de l’Éducation populaire sur les thématiques environnementales. Depuis trois ans, Carine Estelle Koné Doufoungogno conduit une thèse qui marie écotoxicologie, écologie et biologie cellulaire à la Station d’Écologie Théorique et Expérimentale (SETE) à Moulis. « J’étudie les effets de la pollution et du réchauffement climatique sur un micro-organisme qui joue un rôle crucial dans la stabilité des écosystèmes d’eau douce : leur disparition pourrait être dramatique pour l’ensemble des communautés, y compris les vertébrés » livre-t-elle. Son ambition est à la hauteur de son engagement. « Dans quelques années, mes résultats pourraient participer à l’amélioration des indicateurs utilisés pour évaluer les risques environnementaux dans ces milieux. »
Clara Marino : Lutter contre les espèces envahissantes pour préserver la biodiversité
Clara Marino est fascinée par le monde vivant, par son incroyable capacité à nous surprendre, toujours, d’une manière ou d’une autre. Ce qu’elle aime dans l’écologie, c’est « sa complexité et sa dynamique perpétuelle qui nous empêchent de tout décrire et formaliser en mots et en chiffres ». Comme un symbole, elle commence à étudier cette discipline en 2015, l’année des Accords de Paris (COP21). Des expériences de stages et dans le milieu associatif lui permettent d’approfondir ses connaissances sur les enjeux écologiques. La jeune scientifique décide ensuite de se consacrer à la recherche. C’est désormais à l’Université Paris-Saclay qu’elle poursuit son engagement en menant une thèse sur l’impact des espèces exotiques envahissantes. Introduites par l’humain dans un écosystème auquel elles n’appartiennent pas, ces dernières bouleversent la biodiversité locale. « Mes travaux s’inscrivent dans une stratégie internationale de conservation de la biodiversité ». Les recherches de Clara Marino visent à mieux comprendre les dynamiques et les impacts des espèces exotiques. L’ambition de la COP15 sur la biodiversité, qui s’est tenue l’an passé, est de diminuer de 50% le taux d’introduction d’espèces exotiques d’ici 2030. « Cela me permet d’identifier grâce à des modèles statistiques les espèces les plus problématiques et les zones à risque pour mieux répondre à cet objectif intergouvernemental ».
Helena Teixeira : Comprendre les causes du déclin des espèces animales pour préserver la biodiversité
D’aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, Helena Teixeira a toujours été passionnée par la biodiversité. Très vite, elle ressent le besoin de comprendre le monde qui l’entoure. Pourquoi n’y a-t-il pas de chimpanzés au Portugal ? Pourquoi les loups vivent-ils dans un système social très organisé ? Les années passent et elle se prend de fascination pour la biologie évolutive lors d’un stage de licence sur l’étude génétique du loup ibérique. Aujourd’hui, la jeune scientifique est post-doctorante au sein de l’UMR ENTROPIE de l’Université de la Réunion. Elle étudie comment les changements environnementaux (l’activité volcanique, le changement climatique et l’impact des activités humaines) ont mené une espèce d’oiseau marin endémique de l’île au bord de l’extinction. Déclarée éteinte, elle a été redécouverte dans les années 70. « N’est-ce pas incroyable ? » réagit Helena Teixeira. « Face à l’urgence environnementale actuelle, mes recherches permettent d’améliorer nos connaissances sur la manière dont les espèces ont répondu aux perturbations environnementales du passé, et ainsi de mieux identifier les principaux moteurs du déclin des populations ». À terme, les résultats de son projet permettront « d’élaborer des plans de conservation plus efficaces des espèces menacées ».
Sarah Robin : Œuvrer pour la préservation de la mangrove en Nouvelle-Calédonie
Précises. Exactes. C’est ce caractère-là des sciences qui motive d’abord Sarah Robin à emprunter ce chemin. Puis des rencontres, mais surtout un stage de fin de master lui permettent de trouver un sujet qui la passionne : la biologie marine. Depuis, la scientifique est portée par une vocation, celle de préserver l’environnement naturel de son archipel de naissance, la Nouvelle-Calédonie. Désormais spécialisée en biochimie marine, elle mène une thèse en chimie de l’environnement, à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Elle œuvre plus spécifiquement à la préservation de la mangrove, ce milieu naturel entre marées et régions littorales. « Mes recherches reposent sur la comparaison d’une mangrove de référence non-impactée par l’urbanisation et d’une mangrove à proximité qui reçoit des effluents urbains depuis plus de 50 ans ». Sarah Robin étudie l’impact de ses effluents sur la matière organique du sol. « Cette matière joue un rôle primordial dans la capacité de la mangrove à être source de nutriments, à piéger le carbone et filtrer les contaminants. » Ses résultats permettront de suivre les conséquences de l’urbanisation sur les mangroves dans un objectif bien précis : préserver ces lieux uniques.
Elise Verrier : Lutter contre la disparition des insectes pollinisateurs
Une graine qui devient plante, voire arbre. Un têtard qui devient grenouille. Depuis toujours, Elise Verrier est fascinée par le vivant. Un coup de foudre pour l’écologie comportementale pendant ses études, et voilà sa voie professionnelle toute trouvée. « Étudier le comportement animal et comprendre les effets de l’évolution m’a tout de suite passionné ». Rapidement, elle choisit de se concentrer sur une catégorie d’insectes dont la disparition progressive menace nos écosystèmes : les pollinisateurs. « 35% des fruits et graines que nous consommons dépendent d’eux ! » rappelle la chercheuse. Après une thèse en écologie théorique, la scientifique s’oriente vers la pratique. Elle participe, pour son post-doctorat au sein du laboratoire EGCE, au projet BeeConnected qui suit 135 colonies d’abeilles en France, Grèce et Allemagne. Sa mission ? Analyser les données des capteurs (poids et températures) installés sur les ruches pour mieux comprendre les comportements des insectes. À court terme, « les données issues de mes recherches fournissent des connaissances aux apiculteurs pour les aider à limiter la mortalité hivernale de leurs colonies ». À long terme, « l’objectif est de permettre aux apiculteurs d’avoir une activité plus durable et de mieux protéger les pollinisateurs ».
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