Référendum historique en Équateur : la forêt l’emporte face au pétrole !
Pour les uns, c’est une « mère blessée », pour les autres, une pièce stratégique pour soutenir l’économie équatorienne. Le parc de Yasuni fut au cœur d’un emblématique référendum organisé dimanche 20 août 2023 sur l’avenir de l’exploitation de pétrole sur cette terre indigène amazonienne. Après le dépouillement des bulletins, le résultat confirme la protection de cette réserve unique de biodiversité puisque 59% des électeurs se sont prononcés en faveur de la suspension de la production pétrolière.
Convoqués aux urnes pour des élections générales, dont une présidentielle anticipée, les électeurs ont dû se prononcer à cette occasion sur la suspension du « bloc 43 », considéré comme le joyau de la couronne de l’entreprise d’Etat Petroecuador.
Réclamée par un groupe environnemental depuis dix ans, cette consultation nationale a finalement été autorisée en mai dernier par la plus haute juridiction du pays, avec pour objectif de décider de l’avenir de ce gisement pétrolier appelé « bloc 43 », d’où sont extraits 12 % des 466.000 barils/jour produits dans le pays.
Les résultats ont été annoncés lundi 21 août : les Equatoriens ont dit oui à 59% à l’arrêt de la
production du « bloc 43 ». Pour les défenseurs de l’Amazonie, c’est une « décision historique » !
La star hollywoodienne Leonardo DiCaprio, qui avait fait campagne pour le « oui » a salué le référendum comme « un exemple de démocratisation de la politique climatique ».
L’activiste suédoise Greta Thunberg, également engagée dans le référendum, a écrit sur Instagram : « Voilà ce qu’est l’action climatique ».
Yasuni : « un poumon pour le monde »
« Yasuni a été comme une mère pour le monde (…) Nous devons unir nos voix et nos mains pour que notre mère se rétablisse, pour qu’elle ne soit pas blessée, pour qu’elle ne soit pas battue », plaidait avant le vote à l’AFP Alicia Cahuiya, activiste et dirigeante de la tribu Waorani, née au cœur de l’épaisse forêt tropicale. Territoire historique des indigènes Waorani, le Yasuni abrite aussi des Kichwa, ainsi que les Tagaeri, les Taromenane et les Dugakaeri, dernières communautés vivant en isolement volontaire en Equateur et fuyant la civilisation moderne.
Pour Alicia Cahuiya, Yasuni « est un poumon pour le monde ». Située entre les provinces de Pastaza et d’Orellana, cette réserve de biosphère de 2,7 millions d’hectares qui comprend le parc national éponyme, capte le carbone, puis rejette de l’oxygène et de la vapeur d’eau, ce qui recharge les sources en eau.
« La vapeur d’eau aide à maintenir une température basse sur la planète, c’est comme un climatiseur » pour l’atmosphère, expliquait à l’AFP Gonzalo Rivas, scientifique de l’université privée Tiputini.
Dans l’ensemble, le bassin amazonien a capturé « environ un quart de toutes les émissions de carbone depuis l’ère industrielle » et a fourni entre « un quart et un tiers de tout l’oxygène que nous utilisons sur la planète », rappelait Gonzalo Rivas.
« Cette forêt nous a permis de survivre jusqu’à aujourd’hui », affirmait-il, en écho aux experts qui ont prévenu que l’Amazonie se rapproche du point de non-retour, à savoir qu’elle émettra plus de carbone qu’elle n’en absorbera, facteur aggravant du changement climatique.
Notons aussi que ce parc de 1,2 million d’hectares est une réserve de biodiversité avec 610 espèces d’oiseaux, 139 espèces d’amphibiens et 121 espèces de reptiles ; et compte au moins trois espèces sont endémiques.
Vers une démocratie climatique
A l’image de plusieurs stars internationales, l’acteur Leonardo Di Caprio, défenseur passionné de la cause environnementale, s’était exprimé début août sur Instagram sur cette « occasion historique pour le peuple équatorien de sauvegarder une partie importante de la forêt tropicale Yasuni ».
L’activiste suédoise Greta Thunberg soulignait « l’importance critique » de Yasuni « pour le bassin amazonien comme pour toute la planète ». « Voilà ce qu’est l’action en faveur du climat ».
Pour Amazon Frontlines, l’une des ONG fers de lance de la lutte pour la défense du bassin amazonien, « le référendum est une démonstration inédite de démocratie climatique, où ce sont les citoyens, et non les entreprises, qui décident de l’extraction des ressources et de ses limites ». L’ONG y voyait l’occasion de « porter un coup décisif à l’industrie des combustibles fossiles ».
A l’échelle du pays, le débat s’est essentiellement concentré autour de l’enjeu économique de la consultation.
Le « bloc 43 », un jeune gisement dont l’exploitation a commencé il y a une dizaine d’années, « produit 57.000 barils par jour et la projection est d’atteindre un pic de 90.000 en 2025 », expliquait Diego Navarrete, ingénieur pétrolier et porte-parole de Petroecuador. Son rendement actuel est le quatrième au niveau national, derrière les anciens champs de Sacha (72.000 barils/jour), Auca (71.000) et Shushufindi (62.000), dont la production est en déclin.
Le gouvernement n’avait pas pris part directement au débat public, laissant Petroecuador en première ligne, qui faisait valoir que le « bloc 43 » contribuait à hauteur d’ « environ 1,2 milliard de dollars au budget général de l’Etat ».
L’entreprise avait rappelé qu’à ce jour, ce gisement n’occupe que 80 hectares, alors que l’ensemble de la réserve de Yasuni s’étend sur presque un million d’hectares.
Divisés sur la question (certains mettant en avant les mesures d’accompagnement en faveur des communautés concernées ou les emplois garantis par Petroecuador), les indigènes ont finalement voté contre le forage pétrolier.
(Avec AFP)
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