En images : quand les petites bêtes mangent les gros chantiers

Par Charlotte Combret , le 26 avril 2024 - 8 minutes de lecture
Chardonneret élégant

Chardonneret élégant. Crédit : Neveu P. / HorizonFeatures / Leemage / AFP

Face à une armada de pelleteuses et de bétonnières, des oiseaux, des reptiles, des insectes, résistent. À leurs côtés, citoyens, militants et associations tentent de faire entendre leurs voix par delà le ronflement sourd des bulldozers. 

C’est David contre Goliath, sous fond de crise écologique. Il est une époque où petits animaux et collectifs citoyens s’allient. De ces collaborations interspécifiques fleurissent des suspensions de chantiers, et des lueurs d’espoir. Des énormes projets de construction « écocides » et « anachroniques » sont ainsi immobilisés pour que puissent continuer d’exister des espèces déjà menacées. Après tout, la loi est de leur côté. 

En France, l’article L411-1 du code de l’environnement prévoit un système de protection stricte des espèces de faune et de flore sauvages dont les listes sont fixées par arrêté ministériel. De facto, il est interdit de les détruire, capturer, transporter, perturber intentionnellement ou de les commercialiser. La destruction, l’altération ou la dégradation des habitats de ces espèces sont également formellement prohibées. 

Lorsqu’un projet impacte des individus d’espèces protégées ou des habitats nécessaires au bon accomplissement de leur cycle biologique alors une dérogation est obligatoire. Celle-ci ne peut être obtenue que sous certaines conditions : que le projet ne présente pas d’alternative satisfaisante autre que l’atteinte aux espèces protégées, qu’il ne nuise pas au maintien de l’état de conservation des espèces concernées et qu’il soit motivé par des fins servant l’intérêt général, définies dans les cinq objectifs de l’article L.411-2 du code de l’environnement.

En outre, toute opération de construction ou d’aménagement susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine doit faire l’objet d’une évaluation environnementale. Afin d’intégrer ces préoccupations dès le début de la conception des projets, cette démarche passe par la réalisation d’une étude d’impact. Mais cette procédure n’est pas toujours effectuée en amont du démarrage des chantiers, ce qui conduit certains collectifs d’opposants à dénoncer leur caractère « illégal », comme cela a été récemment le cas avec le projet de parc à thème sur les dinosaures « Dinopedia »

Quoi qu’il en soit, en France, les petites bêtes continuent d’engloutir les gros chantiers, parfois temporairement, parfois définitivement, aidées par un engagement farouche des défenseurs de l’environnement. Retour en images sur six victoires de la faune, contre la faux.

1. La Mésange bleue contre le projet de l’A69 dans le Tarn

Mésange bleue
La mésange bleue, espèce protégée depuis 1981, a été aperçue sur la Zone à défendre (ZAD) de la « Crém’arbre » où étaient mobilisés en février/mars 2024 les opposants à l’autoroute Castres-Toulouse. Le 22 mars, l’Office français de la biodiversité (OFB) a confirmé la présence de nidifications de l’oiseau au creux de platanes promis à l’abattage, le bois présentant ainsi un fort enjeu environnemental. Le défrichement de la forêt de la Crémade est pour l’heure interdite, au moins jusqu’au 1er septembre prochain. Crédit : Yann Crochet / BSIP / AFP

2. L’Outarde canepetière contre les méga bassines de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres

outarde canepetière sainte soline
Devenue symbole de la lutte anti-bassines, l’outarde canepetière est une espèce migratrice qui vient se reproduire dans les Deux-Sèvres. Emblématique de la région, l’oiseau est en danger d’extinction : il ne resterait que 350 couples migrateurs en Europe. Alors que six zones de parade nuptiale et de reproduction ont été observées à proximité de la méga bassine de Sainte-Soline, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) s’est autosaisi au printemps 2023, n’ayant pas été consulté en amont du démarrage des travaux. Suite à son avis rendu le 4 décembre estimant que le projet contraire à la réglementation des espèces protégées, dix associations déposent une plainte pour « destruction de 17 ha d’habitat d’une espèce protégée ». Affaire à suivre. Crédit : Chantelat / SIPA

3. Le Lézard des murailles contre le projet Terra 2 dans le Tarn

lézard des murailles  TERRA 2
À Saint-Sulpice près de Toulouse, le projet de construction d’une méga-plateforme logistique de 70 000 m2 avait fait l’objet d’une lutte intense portée notamment par le collectif Stop Terra 2 depuis 2018. En février 2022, le Tribunal administratif de Toulouse suspend les travaux du chantier suite à la présence sur le site d’espèces protégées, parmi lesquelles le lézard des murailles, le lézard vert, la couleuvre à collier ou encore la couleuvre vipérine. Le 13 février 2023, le projet est officiellement abandonné. Crédit : Lilian Cazabet / Hans Lucas / AFP

4. La Pie grièche méridionale contre un entrepôt Amazon dans le Gard

Pie Grièche entrepot amazon gard
En novembre 2021, le Tribunal administratif de Nîmes a annulé l’autorisation environnementale d’un projet de centre de tri de colis de 38 000 m2 à Fournès, près du Pont du Gard. La raison : la présence sur la zone de la pie grièche méridionale, une espèce protégée dont il est interdit de détruire l’habitat, sauf sous des conditions d’intérêt général, ce que le projet d’Amazon ne remplissait a fortiori pas. Crédit : Novack N. / HorizonFeatures / Leemage / AFP

5. Le Chardonneret élégant contre le chantier de la déviation entre Cannes et Antibes dans les Alpes-Maritimes

Chardonneret elegant déviation route entre Cannes et Antibes
La dernière portion de route de la déviation entre Golfe-Juan et Antibes pourrait ne jamais voir le jour. En 2022, alors que le Département entame les travaux, il est sommé de les arrêter immédiatement, faute d’autorisation environnementale. Le collectif Déviation 06, qui a déposé plainte, relate la présence de 39 espèces protégées sur le terrain. Parmi elles : le chardonneret élégant, la chevêche d’Athéna, le crapaud épineux ou encore le Serin cini. Le Département est dans la foulée contraint de mener une étude. Jusqu’ici, les résultats n’ont pas été communiqués au collectif d’associations en dépit de leurs nombreuses demandes. Crédit : AlainGuerrier / HorizonFeatures / Leemage / AFP

6. Le Lézard ocellé contre le contournement du port de Tarnos dans les Landes

lézard ocellé contre le contournement du port de Tarnos
En octobre 2023, Sea Shepherd France a déposé une plainte au pénal contre le Département des Landes pour « atteinte illicite par personne morale à la conservation d’une espèce animale protégée » dans le cadre du chantier de contournement du port de Tarnos. L’association plaide pour l’arrêt immédiat des travaux suite à la découverte sur le site de deux espèces protégées : le lézard ocellé et le pélobate cultripède (petit crapaud). En 2022, des recours déposés devant les tribunaux administratifs avaient débouché sur la suspension des travaux, finalement repris. Crédit : Joseph Celse / Biosphoto / AFP

7. Le Triton crêté contre le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique

triton crêté projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes
Lancé dans les années 1960, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes abritait cinq zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique et plus de 2 000 espèces animales et végétales. Plus d’une centaine se sont avérées être classées « espèces protégées », parmi lesquelles le triton crêté devenu le symbole de l’opposition. Après plus de cinquante ans de blocage, le Premier ministre Edouard Philippe, alors en fonction, annonçait le 17 janvier 2018 l’abandon du projet. Crédit : Stephane Vitzthum / Biosphoto / Biosphoto via AFP

8. La Chauve-souris contre la déviation de l’agglomération de Nort-sur-Erdre en Loire-Atlantique

chauve-souris contre la déviation de l’agglomération de Nort-sur-Erdre en Loire-Atlantique
En Loire-Atlantique, le Département porte un projet de déviation de l’agglomération de Nort-sur-Erdre par le nord. Mais alors que les travaux de la seconde section auraient dû débuter fin 2023, un inventaire de la faune et la flore a mis en évidence l’installation d’une nouvelle colonie importante de chiroptères (chauves-souris) très remarquable au niveau national, située dans un gîte à moins d’un kilomètre du projet. Les services de l’État ayant demandé des études complémentaires, sur les conséquences des travaux sur ces espèces protégées notamment, le chantier est pour l’heure suspendu, au moins jusqu’à fin 2024. Crédit : Arthur L. / HorizonFeatures / Leemage / AFP

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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