Sécheresse : des manifestants dénoncent un projet de golf dans les Pyrénées-Orientales
Une manifestation a eu lieu samedi 16 mars 2024, à Villeneuve-de-la-Raho, pour protester contre un projet de golf controversé face à l’actuelle sécheresse.
Plusieurs milliers de personnes – 4500 selon les organisateurs, 1500 selon la gendarmerie – ont défilé samedi 16 mars autour du lac de Villeneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales) pour s’opposer à un projet de golf dont les terrassements ont débuté à proximité, a constaté l’AFP.
Militants écologistes ou de partis de gauche (PC, PS, NPA), élus départementaux ou régionaux faisaient partie du cortège qui a rejoint, dans une ambiance festive et sans incident, la mairie de la commune, favorable à ce projet contesté de golf de 18 trous et de 600 logements, pour une trentaine d’hectares de bâti alors que le département fait face depuis de longs mois à une sécheresse chronique.
« Avec la forte mobilisation d’aujourd’hui, le ministre de la Transition écologique va siffler la fin du projet », a estimé, au milieu des banderoles « Non au golf ! » ou « Stop à l’urbanisation des terres agricoles », Maître Mathieu Pons-Serradeil, un avocat qui a déposé deux recours pour deux associations « Pays catalan écologie » et « Agissons66 ».
« On a perdu 60 % de la pluviométrie ces trois dernières années », a expliqué Nicolas Garcia, élu communiste et premier vice-président du département, chargé de l’eau, interrogé par l’AFP. « Pour vous donner une idée, il faudrait 600 mm (de pluie) pour rattraper tout le retard, recharger les nappes [phréatiques] et au moins 350 mm pour passer l’été. »
Or, depuis le début de l’hiver, Perpignan, limitrophe au nord, n’en a reçu qu’une cinquantaine et le préfet n’a cessé de prolonger et renforcer ses mesures de restriction sur l’usage de l’eau, en vigueur depuis le printemps 2022.
Eaux usées
D’où quelques sourcils levés face à un golf où l’herbe devra nécessairement être plus verte que chez le voisin. Oui, mais l’arrosage se fera principalement grâce aux eaux usées de Villeneuve-de-la-Raho, assure sa maire Jacqueline Irles (LR), qui continue de défendre bec et ongles le projet. « On me dit, ‘[le golf] tombe mal en ce moment, c’est la sécheresse’. Mais jamais il n’est tombé aussi bien ! C’est lui qui va apporter des solutions ! », s’est exclamée l’édile de cette petite commune de 4000 habitants derrière son beau bureau en bois à l’hôtel de ville, en amont de la manifestation.
Pour elle, en puisant dans les eaux usées, le « 18 trous » montre « que ça n’est pas dangereux » et ouvre la voie à la réutilisation de cette ressource pour l’agriculture. « En toute humilité, je devrais être remerciée d’avoir fait ça, d’avoir anticipé à l’époque (en prévoyant, dès 2009, l’utilisation d’eaux usées et de graminées peu consommatrices, NDLR). Et au contraire… » Elle imite le son et le geste de pleurs enfantins, qu’elle attribue à ses opposants. « Les bras m’en tombent. »
Si le projet devrait par ailleurs apporter environ 200 emplois directs et indirects, il n’en provoque pas moins une levée généralisée de boucliers.
Un golf « paillasson »
Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau avait dit craindre que le golf privé d’eau ne ressemble à un « paillasson ». Une tribune de 92 enseignants et employés de l’université de Perpignan dénonçait début février un projet « emblématique d’une vision dépassée ».
Les opposants y voient une injustice flagrante en faveur des privilégiés qui fouleront le « green ». « On envoie un message selon lequel, dans la société, il y a deux poids et deux mesures. Tu es riche, les restrictions ne s’adressent pas à toi. Tu es un citoyen lambda, tu vas être brimé dans ta consommation [d’eau]. Donc au niveau du partage équitable de la ressource et du partage équitable de l’effort, c’est un message scandaleux », fulmine Jean Codognès.
Son association, Pays catalan écologie, a déposé un recours hiérarchique auprès du ministre de l’Écologie Christophe Béchu, contre la prorogation, fin décembre pour cinq ans de plus, d’un arrêté du préfet permettant l’expropriation des parcelles nécessaires au projet.
De l’autre côté de la départementale D39, qui longe le tracé du golf, se trouve le lac de Villeneuve-de-la-Raho, une retenue principalement destinée à l’irrigation, à moitié vide pour cause de sécheresse.
Les opposants de tous bords, politiques et associatifs, agriculteurs et militants écolos, doivent s’y sont retrouvés samedi en milieu de matinée pour monter jusqu’à l’hôtel de ville. La maire n’y était pas, la faute à un week-end prévu de longue date.
(Avec AFP)
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