Cybèle Idelot : « La notion d’anti-gaspillage est vraiment au cœur de la cuisine de ‘Ruche’ »
Cybèle Idelot, cheffe originaire de San Francisco, installée en France depuis 10 ans, parle de son dernier restaurant locavore et anti-gaspi, ‘Ruche’, qu’elle a ouvert avec son conjoint, Franck Idelot, en 2019.
Cette année, huit restaurants de l’Hexagone ont obtenu l’étoile verte du Guide Michelin. Une distinction qui récompense leur démarche écoresponsable. Parmi eux, Ruche, le restaurant que la cheffe californienne Cybèle Idelot a ouvert avec son conjoint Frank Idelot, en 2013, à Gambais (78), au domaine de La Bruyère, avec une table d’hôte et un potager. Il s’agit du deuxième restaurant du couple, le premier étant la Table de Cybèle, situé à Boulogne Billancourt, qui a ouvert ses portes en 2013, lorsque Cybèle Idelot s’est installée en France.
Le restaurant ‘Ruche’, la table d’hôtes et le potager se trouvent dans un ancien relais de poste datant de 1850 qui a été restauré. Qu’est-ce qui vous a donné envie de transformer ce lieu pour vous y installer ?
La motivation c’était qu’on cherchait un lopin de terre pour faire un potager pour notre premier restaurant, la Table de Cybèle. Au départ, on n’avait pas du tout le projet de chambre d’hôtes et restaurant en tête. C’est vraiment le lieu qui nous a inspirés. On n’a pas trouvé un lopin de terre en tant que tel. Donc on a commencé à chercher un grand terrain avec une petite maison. Le domaine des Bruyères est le premier endroit qu’on a visité et on est tombé sous son charme. On a vu tout de suite le potentiel pour la chambre d’hôtes et le restaurant également, en plus du potager. Aujourd’hui, on a un potager de 2000 m2 avec 100 m de serre qui fournissent le restaurant sur place, Ruche et aussi la Table de Cybèle.
Et ce potager vous fournit 100 % de vos besoins en légumes ?
Pour le restaurant Ruche, c’est 100 % des besoins. Pour la table de Cybèle, en été, on peut fournir beaucoup de légumes, avec les plants qui en donnent beaucoup, comme les courgettes, tomates et aubergines. Donc en ce moment, on est à 90 % des besoins à la table de Cybèle. Mais en hiver, avec les légumes racines où c’est plutôt un légume par pied, c’est un peu plus compliqué, mais on fournit environ 40 à 50 % des légumes à la table de Cybèle et toujours 100 % à Ruche.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de Ruche et de la cuisine qu’on peut y déguster ?
Ruche, c’est une cuisine assez végétale. Le midi, on a une dégustation avec un choix entre deux plats et deux desserts, et une entrée fixe. Et le soir, c’est en sept temps. On a beaucoup de végétal et on sert un poisson et une viande, principalement une volaille le soir. C’est une cuisine anti-gaspillage aussi, c’est-à-dire que j’utilise ce que les gens jettent habituellement, comme les épluchures, les fanes, les feuilles de légumes. Je les transforme et on retrouve des éléments anti-gaspillage dans l’assiette. Actuellement, par exemple, on a une sorte de poudre que l’on met autour du poisson, qui est une poudre mélangée avec différentes peaux de légumes et des graines de lin. On fait aussi du jus végétal. Avec le céleri rave, le chou rave par exemple, on va prendre les épluchures et les rôtir au four, puis les transformer en jus végétal très concentré pour en faire des sauces. La notion d’anti-gaspillage est vraiment au cœur de la cuisine de Ruche, en plus du côté végétal.
Qu’est-ce que vous a donné cette sensibilité écoresponsable dans votre cuisine ?
J’ai toujours été écoresponsable. C’est vraiment inné, l’anti-gaspillage et le respect de l’environnement me tiennent vraiment à cœur. Dans notre potager, il n’y a rien de chimique, on fait de la permaculture, on utilise du compost, on élague des arbres et on fait des copeaux, on utilise aussi le fumier des haras autour de nous, qui travaillent proprement aussi, toute la nourriture est bio pour leurs chevaux. On n’utilise que des engrais naturels pour nourrir notre potager. Je suis née en Californie à côté de San Francisco, il y a toujours eu cette sensibilité autour de moi, j’ai grandi comme ça. Ce n’est rien de nouveau, j’ai toujours travaillé naturellement comme ça. Être écoresponsable n’est pas un effort que je fais, c’est juste que je ne peux pas faire autrement, c’est plus fort que moi !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la cuisine ?
J’ai grandi dans une famille de cuisinières, ma grand-mère et ma mère cuisinaient. Et à San Francisco, il y avait une multitude de différentes cultures autour de moi, c’est un avantage au niveau de la sensibilité de découvrir différentes cuisines. J’ai fait une école d’art à San Francisco, donc je n’étais pas partie pour faire de la cuisine, mais cuisiner, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. Et en cherchant un métier qui allait me donner du plaisir, je suis toujours revenue à la cuisine. Même si ça ne correspond pas aux études que j’ai faites, c’est vraiment un métier proche de mon cœur. C’est un métier passion ! Et il le faut, car c’est difficile, non seulement le côté physique, les horaires, mais aussi la création. Je suis toujours en train de pousser plus loin pour trouver des choses uniques. La démarche écoresponsable et anti-gaspillage pousse à la créativité aussi, en se demandant comment on peut utiliser la totalité des produits. C’est aussi ça qui me motive et m’inspire.
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