De la pluie artificielle au Pakistan pour réduire la pollution de l’air

Par Anaïs Hollard , le 18 décembre 2023 - 5 minutes de lecture
Smog à Lahore, au Pakistan

© K.M. Chaudary

Après la neige, c’est maintenant au tour de la pluie d’être artificialisée. Ici toutefois, pas question de dévaler les pistes, chaussé d’une paire d’après-skis, mais plutôt de dissiper l’inquiétant niveau de pollution de l’air. Ce samedi 16 décembre, le Pakistan a en effet pour la première fois fait pleuvoir une pluie artificielle pour lutter contre l’épais smog installé au-dessus de la ville de Lahore. On vous explique tout.

L’ensemencement des nuages pour lutter contre la pollution

Pour la première fois de son histoire, le Pakistan a eu recours à la pluie artificielle pour s’attaquer à l’épais brouillard de pollution qui enveloppait la ville de Lahore. Des avions, fournis par les Émirats arabes unis et équipés de la technologie d’ensemencement des nuages ont ainsi survolé dix zones de la cité, considérée comme l’une des plus polluée du monde. C’est en tout cas ce qu’a annoncé le gouvernement provincial du Pendjab samedi dernier. Si le procédé n’est pas nouveau, c’est toutefois la première fois qu’il est utilisé dans ce pays, rongé par d’alarmants niveaux de pollution. Cette technique, déjà mise en œuvre dans des dizaines d’autres contrées, parmi lesquelles les Etats-Unis, la Chine ou encore l’Inde, consiste en réalité à introduire du sel ou un mélange de différents sels au cœur des nuages, afin d’obtenir des précipitations. Les cristaux favorisent en effet la condensation, qui déclenche la pluie.

Dans le cas présent, il s’agissait d’un « don », offert par les Emirats arabes unis, a déclaré le chef par intérim du gouvernement de la province du Pendjab Mohsin Naqvi. « Des équipes des Emirats Arabes Unis sont arrivées ici avec deux avions il y a dix à douze jours. Elles ont utilisé 48 fusées pour susciter la pluie », a-t-il déclaré à la presse. Les Emirats arabes unis ont d’ailleurs de plus en plus recours à ce processus d’ensemencement des nuages pour créer de la pluie artificielle dans les régions les plus arides de ce pays, confronté à la sécheresse.

Reculer pour mieux sauter : un procédé loin de faire l’unanimité

Si d’après Sachchida Nand Tripathi, le professeur d’ingénierie énergétique durable à l’origine d’un projet similaire en Inde, la technique n’a pour l’heure « montré aucun effet négatif partout où elle a été essayée », celle-ci est toutefois très loin de convaincre l’ensemble de la communauté scientifique. Auprès de l’AFP, l’experte environnementale Bhavreen Kandhari a notamment dénoncé une « approche inefficace » face à la pollution. Selon cette dernière, « on risque de dépenser inutilement des fonds publics et de perdre un temps précieux ». Une observation partagée par Sunil Dahiya, une analyste du Centre pour la recherche sur l’énergie et la pureté de l’air (CREA), qui ne voit rien de plus dans ce processus qu’un « répit éphémère », puisqu’en effet, « dès que les pluies s’arrêtent, des masses d’air polluées arrivent, ramenant rapidement la qualité de l’air à des niveaux dangereux ». Il apparaît donc fondamental de réduire ces lourdes émissions à la source « pour [envisager] des améliorations durables et significatives de la qualité de l’air », a conclu l’experte.

Des niveaux de pollution préoccupants

Il n’en reste pas moins que les seuils de pollution atmosphérique au Pakistan demeurent toujours plus inquiétants. Face à ce constat, les gouvernements successifs ont par ailleurs pris différentes initiatives, comme l’aspersion des routes avec de l’eau ou encore la fermeture des écoles, des usines et des marchés les week-ends, avec plus ou moins de succès. Dans la ville de Lahore, la pollution atmosphérique saisonnière est extrême et le taux de particules fines y est 23 fois supérieur aux préconisations de l’OMS. En cause : les brûlis agricoles, les rejets de l’industrie, la circulation automobile ou encore les chantiers. Samedi dernier, la concentration de PM2.5 (particules fines) de Lahore dépassait même près de 66 fois le seuil considéré comme dangereux par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les conséquences de ces niveaux stratosphériques sont nombreuses selon l’organisme : maladies cardiaques, cancer du poumon, maladies respiratoires, attaques cérébrales, etc.

D’après une étude publiée par la revue scientifique The Lancet, 135 000 Pakistanais sont morts en 2015 du fait de la mauvaise qualité de l’air.

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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