Frelons, moustiques, punaises : avec le dérèglement climatique, les insectes font de la résistance en automne
Alors que les feuilles commencent à jaunir, ce qui aurait dû être une lointaine mélodie résonne encore dans les oreilles des Français. Des frelons asiatiques qui bourdonnent dans les jardins, des moustiques tigres qui multiplient les piqûres ou encore des punaises vertes qui envahissent les logis… Plusieurs espèces d’insectes, perturbées par le changement climatique, continuent de se reproduire en plein automne.
Comme pour de nombreuses espèces, le cycle de vie des insectes est rythmé par l’évolution des conditions naturelles. Des températures plus élevées, une humidité déficiente ou excédentaire, une luminosité plus tardive ou précoce, et les voilà qui perdent le nord. Alors que leur période d’activité s’étend traditionnellement de mai à septembre, beaucoup d’entre eux sont désormais présents jusqu’à fin novembre. Au grand dam de la plupart des citoyens français.
Le cas du moustique tigre
En voilà un qu’on aurait bien voulu voir partir avec l’été : le moustique tigre. Au départ peu adapté au climat métropolitain, ce diptère au corps noir strié de blanc a peu à peu envahi, à la faveur du réchauffement, la majeure partie de l’Hexagone. Désormais, c’est tout son cycle de vie qui s’adapte à l’affolement du mercure, y compris hors de la période estivale. Théoriquement, ces moustiques « passent l’hiver sous forme d’œufs et donc, lorsque les conditions deviennent automnales, les moustiques vont produire des œufs de diapause, c’est-à-dire des œufs prêts à passer l’hiver », explique David Giron, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et directeur de l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI).
Mais « tant que les conditions sont favorables, les moustiques continuent à se reproduire normalement, sans se préparer à l’hiver. Donc ils font de nouveau, de nouvelles générations. Et c’est pour ça qu’on voit aujourd’hui des populations qui persistent plus longtemps », ajoute le scientifique. À la clé, des piqûres particulièrement désagréables pour les humains, mais surtout le risque de voir proliférer des cas de dengue ou chikungunya dont cette espèce invasive est vectrice. Le 19 octobre, d’après le site Vigilance moustiques, la quasi-totalité de la métropole est au niveau rouge, celui où le moustique tigre est implanté et actif.
Un premier cas autochtone de dengue en Île-de-France
Une armée de plus en plus dense de moustiques tigres arrive jusqu’aux oreilles des franciliens. Le 17 octobre, les autorités sanitaires annoncent avoir recensé un cas autochtone de dengue, c’est-à-dire probablement transmis sur place par un moustique, pour la première fois en Île-de-France. Du jamais vu pour une région de France métropolitaine aussi septentrionale. L’hypothèse est rapidement confirmée par L’Agence régionale de santé (ARS) de la région. Rappelons que la dengue est une maladie virale, transmise par piqûre, qui se traduit par une forte fièvre avec, dans de rares cas, une évolution vers une forme plus grave.
« L’impact climatique a une influence »
Dans la famille des insectes tant redoutés qui continuent de battre des ailes au mois d’octobre, on demande le frelon asiatique. « Très clairement, l’impact climatique a une influence sur la persistance des colonies. Cet automne, vu qu’il fait plus chaud, le frelon asiatique continue à se développer comme si c’était la saison (estivale). Donc ça fait plus d’individus et de population sur le terrain », constate M. Giron.
Le cas des punaises vertes est quant à lui, bien différent. Depuis quelques semaines, cet insecte de la famille des Pentatomidae envahit les jardins et s’introduit dans les maisons. Ce comportement s’observe plutôt en hiver, quand les punaises se réfugient dans les habitats pour trouver de la chaleur. Rien à voir donc, avec le début d’automne particulièrement doux, explique M. Giron. « Mais il est probable que les conditions météo particulières que l’on a eu cet été ont favorisé cette espèce-là. Et c’est pour ça que, à l’automne, enfin l’automne, l’été qui se prolonge, on observe de très, très grandes populations de punaises », souligne-t-il. Contrairement à sa cousine la punaise de lit, qui défraie la chronique à mesure qu’elle effraie les citoyens, la punaise verte est inoffensive pour l’être humain.
Invasion vs. Disparition
Selon Météo-France, le mois de septembre a été le plus chaud jamais mesuré sur le territoire métropolitain, avec une température moyenne « entre 3,5 et 3,6°C » au-dessus des normales de saison (période 1991-2020). Cette chaleur exceptionnelle s’est poursuivie sur les dix premiers jours d’octobre, avec la barre des 30 degrés franchie régulièrement. Alors si le réchauffement de la planète se poursuit, faut-il s’attendre à plus d’insectes toute l’année ? « Imaginons, l’hiver disparaît, on a vraiment des températures clémentes toute l’année. Ça peut avoir deux effets.. des espèces qu’on ne voit que l’été, on les aurait tout au long de l’année. Ça pourrait être le cas de certaines espèces de moustiques par exemple », indique David Giron.
Mais à côté de cela, « il y a des espèces d’insectes qui ont besoin d’une hibernation ». Chez certains papillons par exemple, « il y a une diapause obligatoire et donc, s’il n’y a pas de conditions hivernales, il n’y a pas les conditions réunies pour qu’il y ait cette phase nécessaire d’hibernation pour ensuite faire une génération au printemps. Donc là, pour ces insectes, ça pourrait être catastrophique ». Plus de moustiques et moins de papillons, voulons-nous vraiment de ce monde-là ?
(Avec AFP)
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