Le Gouf de Capbreton : trois choses à savoir sur cet exceptionnel canyon sous-marin

Par Charlotte Combret , le 11 janvier 2024 - 6 minutes de lecture
Méduse

Méduse. Crédit : Noémie Coissac / Hans Lucas / AFP

Ce n’est pas une faille, mais un immense canyon sous-marin, à quelques encablures des côtes françaises. Le Gouf de Capbreton, merveille géologique et refuge de biodiversité, nous révèle ses secrets abyssaux dans le documentaire « Le Gouf, un trésor de biodiversité » diffusé ce soir sur France 3. 

Nous sommes à Capbreton, dans les Landes, proche de l’estacade. Alors que les vagues agitent l’océan, rien ne laisse présager ce qu’elles surplombent. Ici trône le Gouf, accompagné de ses écosystèmes silencieux. Imaginez le Canyon du Colorado, sous l’eau. Ce monde vertigineux, si proche des côtes mais pourtant si méconnu, Lilian Haristoy et Christophe Alonso nous en ouvrent les portes, dans un documentaire immersif. L’occasion de plonger dans l’histoire de ce grand canyon, un patrimoine naturel à préserver. 

1. Le Gouf de Capbreton est l’un des rares canyons au monde à être relié au littoral

« Là, les gens vivent à proximité directe de cette anomalie géologique : à 100 mètres du bord vous avez déjà 100 mètres de fond, c’est quasiment unique » confie le géologue et directeur adjoint du département REM (Ressources physiques et écosystème des grands fonds) à l’Ifremer, Jean-François Bourillet dans un entretien accordé à 20 minutes. Avec ses 300 km de longueur, le Gouf de Capbreton impressionne par son immensité, mais plus encore par sa particularité de démarrer tout proche de la côte landaise. « Sa tête est en effet quasiment collée à la plage, ce qui ne se retrouve que dans 3 % des canyons sous-marins du monde ». Dérivé du patois « gouffre », le terme « gouf » est devenu une appellation scientifique pour identifier les canyons sous-marins encore reliés au littoral.

Formée sur des millions d’années, l’histoire du Gouf de Capbreton est liée à celle de la tectonique de la région. Longtemps relié au réseau fluvial terrestre, il garde de ce passé son apparence à la fois rectiligne et méandriforme. Cet immense toboggan sous-marin s’engouffre dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne, au large de Santander en Espagne, jusqu’à près de 4 500 mètres de profondeur.

2. Le Gouf de Capbreton est un « hotspot » de biodiversité 

Comme de nombreux canyons, le Gouf de Capbreton est le refuge d’une biodiversité marine foisonnante. La rencontre de l’eau froide des profondeurs et de l’eau plus chaude en surface attire le plancton, lequel appâte poissons et grands mammifères marins. Anchois, thons, mais aussi requins, dauphins, baleines, cachalots, régalecs ou encore tortues luth traversent cet immense canyon sous-marin. Ses méandres sont quant à eux peuplés de poissons de roche, pennatules d’eau profonde et de coraux jaunes qui coulent des jours heureux aux côtés du légendaire calmar géant et de milliers d’espèces à ce jour inconnues. 

Loin des feux des projecteurs et des regards humains, les abysses de Capbreton sont longtemps restées dans l’obscurité. Cela ne fait que 25 ans à peine que scientifiques et historiens commencent à l’étudier. En 2023, pour la première fois, la faune et la flore sous-marine du Gouf landais ont fait l’objet d’une mission d’exploration en profondeur, sous l’égide des Nations Unies et du CNRS. C’est l’équipe d’Under The Pole qui, aidée de plongeurs locaux, tente de percer une petite partie de ses secrets. En savoir davantage sur les écosystèmes, pour permettre de mieux les protéger, c’est le cœur de leur projet. 

3. Le Gouf de Capbreton crée la vague emblématique d’Hossegor

Elle s’appelle « La Nord » et les surfeurs locaux et internationaux la connaissent bien. C’est l’une des vagues les plus renommées de la côte landaise. S’élevant parfois à plus de cinq mètres avant de casser au large, elle représente l’une des seules vagues de roche qui brisent sur un fond dur. Quel rapport avec le Gouf ? Tout. C’est la « tête » du canyon, large de 1 200 mètres, qui est à l’origine de sa création. En outre, la houle qui se déplace sous l’effet d’un conduit sous-marin renforce la taille et la puissance de la vague. De quoi ravir les initiés. D’ailleurs, le Gouf de Capbreton est en constante évolution. Sous « La Nord », des avalanches sous-marines le mettent en mouvement. 

Hossegor
Hossegor. Crédit : Antoine Justes / we_creative / AFP

🎙 Trois questions à Lilian Haristoy, auteur et réalisateur du documentaire « Le Gouf, un trésor de biodiversité »

Pourquoi avoir réalisé ce documentaire ?

C’est une suite un peu logique de l’aventure que je me suis lancée en 2016, de faire un maximum d’images d’espèces de la faune marine vivant au-dessus du Gouf de Capbreton. J’ai réalisé un livre au bout de cinq ans de navigation en toute saison. Suite à ce livre, j’ai rencontré un journaliste, Christophe Alonso, et il en a découlé assez rapidement derrière l’écriture et la réalisation d’un documentaire avec GEDEON Programmes. Pour moi, c’était important de mettre en image et en valeur tout ce patrimoine naturel qu’on avait devant chez nous.

Pourquoi est-ce important de protéger le Gouf de Capbreton ?

Le Gouf de Capbreton est une formation géologique sous-marine qui est assez exceptionnelle pour la France métropolitaine. Il abrite une très grande biodiversité. C’est important de mieux le comprendre, pour ensuite mieux le préserver. C’est un site qui est naturellement un peu préservé, mais les pressions arrivent de toutes parts. On commence déjà à avoir des soucis sur certaines espèces sur le Gouf et dans le golfe de Gascogne en général, comme c’est le cas avec les dauphins communs qui sont pris dans les filets de pêche industrielle. On sait qu’on a des pressions pour l’exploitation des grands fonds marins également, qui peuvent un jour arriver. L’idée, c’est d’essayer de mettre en lumière ce milieu rare pour pouvoir commencer à anticiper des réflexions et amener des scientifiques à creuser un peu plus ces questions.

Quelle a été votre plus belle rencontre sous-marine lors du tournage ?

Il y en a beaucoup. Moi, je suis un éternel émerveillé donc je peux passer des très bons moments avec des animaux assez insignifiants pour certains. Je pense que ce qui marque le plus les gens – et moi également – ce sont les cachalots. J’ai mis beaucoup de temps à les rencontrer dans des conditions optimales, pour faire des images correctes. Quand je les ai rencontrés, il y avait quatre animaux nez sur nez en formation étoile. J’ai passé plus d’une heure avec eux. C’était vraiment un moment exceptionnel.

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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