Extinction des dauphins en France : 24 heures pour agir 

Par Charlotte Combret , le 27 septembre 2023 - 6 minutes de lecture
Un dauphin commun

Un dauphin commun. Crédit : Mark Coventry / Solent News / SIPA

Piégés dans les filets de pêche, des milliers de dauphins trouvent la mort chaque année le long de la côte atlantique française. Une hécatombe telle, qu’en mars 2023, le Conseil d’État somme la France de prendre des mesures. Mais le projet d’arrêté récemment présenté par le gouvernement est largement insuffisant et les associations environnementales appellent les Français à se mobiliser. Deadline : demain, jeudi 28 septembre. 

« Un carnage »

Alors que les dauphins évoluent en eau libre depuis des millions d’années, « l’océan est devenu aujourd’hui pour eux un tombeau » explique l’activiste Camille Étienne dans une vidéo réalisée avec Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom. Des images de dauphins échoués sur les plages tricolores sont désormais monnaie courante. L’an passé, ce sont près de 1 500 petits cétacés qui ont été retrouvés sans vie le long des côtes, du Pays basque à la Bretagne, dont une grande majorité de dauphins communs. Un chiffre déjà préoccupant, mais qui ne reflète pourtant que très partiellement le nombre de mammifères marins tués chaque année. D’après les scientifiques de l’observatoire Pelagis, pour le millier d’échouages recensés en moyenne sur le littoral français, entre 5 000 et 10 000 dauphins ont en réalité péri en mer. Soit 5 à 10 fois plus. Loin des regards, leurs carcasses coulent à pic vers les fonds marins et n’atteignent jamais le rivage. Des populations entières sont ainsi décimées, si bien que les scientifiques estiment que les petits mammifères marins risquent l’extinction régionale. Leur taux de reproduction étant particulièrement faible, « ces mortalités, depuis six à sept ans, ne sont plus soutenables » alerte Olivier Van Canneyt, ingénieur d’études à Pelagis, dans le journal du CNRS.

La pêche industrielle, coupable

La cause de cette hécatombe sous-marine est bien connue de la communauté scientifique. « Avant de venir s’échouer sur la côte, les mammifères ont été piégés dans l’un des nombreux filets de pêche déployés dans le golfe de Gascogne » explique M. Van Canneyt. « Faute de pouvoir s’en libérer, ils n’ont pu remonter à la surface et sont morts asphyxiés. » C’est ce qui se passe pour près de 90 % des dauphins communs retrouvés sur la côte atlantique. Leurs dépouilles lacérées témoignent de ces rencontres fatales avec des monstres de nylon pouvant s’étendre sur des kilomètres et des kilomètres. À leurs côtés dans ces filets : des bars et des merlus. Des poissons ciblés par les chalutiers et les fileyeurs, dont se sustentent également les cétacés. Résultat des courses, les captures accidentelles (« bycatch ») représentent la première cause de mortalité des dauphins communs dans cette zone. Un phénomène sur lequel tente d’alerter l’ONG Sea Shepherd depuis des années, dans le cadre des opérations « Dolphin Bycatch ».

La France mise en demeure

Le dauphin commun est une espèce protégée à l’échelle européenne, ce qui oblige normalement l’Hexagone à « garantir sa survie », comme le rappelle France Nature Environnement (FNE), la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Face à l’urgence de la situation, la France est mise en demeure par la Commission européenne à deux reprises, en 2020 et 2023, avec une obligation de mettre en œuvre « des mesures concernant la protection des espèces marines protégées et les captures accidentelles de cétacés ». Mais rien ne bouge. Le 20 mars dernier, le Conseil d’État, saisi par trois associations environnementales (FNE, Sea Shepherd France et l’Association de Défense des milieux Aquatiques), ordonne alors au gouvernement de « prendre des mesures de fermeture de la pêche appropriées sous six mois, en complément des dispositifs de dissuasion acoustique ». L’autorité relève que « le nombre de décès par capture accidentelle imputable aux activités de pêche menace la conservation des dauphins et marsouins dans le golfe de Gascogne : depuis 2018, il dépasse chaque année la limite maximale permettant d’assurer un état de conservation favorable en Atlantique Nord-Est selon les différentes estimations disponibles. À ce jour, les trois espèces concernées sont dans un état de conservation défavorable, le dauphin commun et le marsouin commun faisant même face à un danger sérieux d’extinction, au moins régionalement. » 

Une proposition « lamentable »

Six mois. C’était le temps dont disposait l’Etat français pour agir. Alors que ce délai expirait au 20 septembre 2023, le gouvernement publie in extremis son projet d’arrêté établissant des fermetures de pêche, en début de mois. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Selon plusieurs associations, les mesures présentées sont loin, très loin, d’être à la hauteur au regard de la décision du Conseil d’Etat et des avis émis par les spécialistes. Du côté de l’association Bloom, ce projet est même qualifié de « honteux » puisqu’il « balaie tout simplement les recommandations des scientifiques ». Pour mettre les cétacés hors de danger, le Conseil International de l’Exploration de la Mer (CIEM) préconisait au minimum une fermeture de quatre mois des pêcheries à risques (trois mois en hiver et un mois en été) dans l’ensemble du golfe de Gascogne. Or le texte ne propose qu’un seul mois de fermeture, applicable à quelques zones uniquement et auquel s’ajoutent bon nombre d’exceptions. 

Dernier jour pour agir

L’avenir de ce projet d’arrêté, et avec lui celui des dauphins communs et des marsouins de la côte atlantique française, se joue maintenant. De fait, le texte fait l’objet d’une consultation publique, ce qui rend sa mise en œuvre dépendante des avis reçus. La date de clôture : le jeudi 28 septembre 2023, inclus. C’est l’occasion pour tous les défenseurs de l’océan de faire entendre leur voix. Si vous en faites partie, les ONG vous proposent d’envoyer un mail à l’adresse suivante : [email protected] et d’y exprimer un avis défavorable. Attention, comme pour toute consultation publique, celui-ci doit être clair et ne doit pas être issu d’un copier-coller. France Nature Environnement propose une liste d’arguments pour permettre à chacun de construire sa réponse. L’avis peut être court et les retombées significatives !

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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