Les géants pétroliers jettent leur dévolu sur le monde de l’influence

Par Charlotte Combret , le 30 août 2023 - 4 minutes de lecture
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Le logo de la compagnie pétrolière britannique BP. Crédit : Alberto Brevers /Pacific Press / Sh / SIPA

Après l’aéronautique, ce sont les géants de l’industrie pétrolière qui courtisent les influenceurs à grands coups de partenariats. Un moyen de diffuser leurs messages et d’adoucir leur image. 

Les rois du pétrole ?

Si les influenceurs sont souvent pointés du doigt pour leur manque de vigilance quant à leurs placements de produits, cela semble bien arranger les affaires de BP, Exxon Mobil, Chevron ou encore Total Energies. D’après le site web DeSmog, spécialiste de la désinformation climatique, plus d’une centaine d’entre eux ont vanté les mérites des grandes entreprises pétrolières et gazières sur leurs réseaux sociaux depuis 2017. 

Sur Instagram, TikTok et Twitch, ce type de partenariat fleurit au milieu du contenu habituellement partagé par ces célébrités du web, réparties aux quatre coins du monde. Outre-Atlantique par exemple, une influenceuse américaine communique sur le programme de récompenses d’ExxonMobil dans une de ses vidéos TikTok. Elle est suivie par plus d’un million de personnes. En France, en 2022, c’est un influenceur de près de quatre millions d’abonnés sur Youtube qui diffuse un contenu sponsorisé par Total Energies sur sa chaîne.

Une image à racheter 

Près de dix millions de dollars auraient été dépensés en publicité Facebook par les majors pétrolières en 2020, d’après le think tank InfluenceMap. Alors que l’ampleur du phénomène est difficile à évaluer avec précision, le caractère publicitaire des publications n’étant pas toujours revendiqué par les influenceurs, les motivations des géants de l’hydrocarbure semblent plutôt claires. « L’industrie des combustibles fossiles veut se constituer un capital social auprès des jeunes » avance Melissa Aronczyk, professeure de communication et d’information à l’université Rutgers aux États-Unis.

Leur part de responsabilité dans le dérèglement climatique n’est un secret pour personne et ces compagnies semblent voir dans le monde de l’influence, un moyen d’améliorer leur image. Comme le rappelle le collectif Paye ton influence sur Instagram, en 2020, une fuite de documents internes chez BP dévoilait les intentions de l’entreprise : « atteindre les influenceurs » pour devenir « plus proche, passionnée et authentique » et « gagner la confiance de la jeune génération ». La société britannique admettait aussi être « perçue comme l’un des méchants ». 

Entre mises en garde externes et conflits internes

Bien que cette technique marketing ne date pas d’hier, cette fois, elle pourrait bien se retourner contre ses émetteurs. C’est en tout cas ce que pense Melissa Aronczyk. « De nombreux jeunes sont conscients de l’urgence de la crise climatique et voient d’un mauvais œil les entreprises d’énergies fossiles, qu’ils considèrent non seulement comme dépassées mais aussi comme dangereuses pour notre bien-être », explique-t-elle.  

Pour Duncan Meisel, directeur exécutif de Clean Creatives, un mouvement qui lutte pour l’abandon de la publicité des combustibles fossiles, cette alliance pourrait également impacter les influenceurs. Ces derniers sont en effet rappelés à l’ordre par de plus en plus d’internautes concernés et consternés. Selon lui, « les influenceurs qui travaillent avec (ces) entreprises doivent s’attendre à ce que leur réputation en prenne un coup et que leur public réagisse négativement ».

Si pour Amélie Deloche, cofondatrice de Paye ton influence, le « risque réputationnel » n’est pas négligeable pour les influenceurs, ce type de partenariat n’est, selon elle, pas prêt de disparaître. « J’imagine que ce type de placement va continuer en effet. En France, il serait, je pense, mal vu de promouvoir les stations essence directement, mais les pétroliers vont continuer à se racheter une image en promouvant leurs branches électriques/énergies renouvelables » nous répond-elle. Face à cela, Duncan Meisel rappelle à qui veut bien l’entendre une chose importante : « le bouton +se désabonner+ n’est jamais très loin ».

(Source AFP)

Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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