« EDF hors-sol » : un nouveau rapport de Greenpeace dénonce le coût du « nouveau nucléaire »

Par Charlotte Combret , le 22 mars 2024 - 5 minutes de lecture
Greenpeace sort un rapport : Coût du « nouveau nucléaire » : l’insoutenable légèreté d’EDF

Greenpeace sort un rapport : Coût du « nouveau nucléaire » : l’insoutenable légèreté d’EDF. Crédit : Sameer Al-DOUMY / AFP

Au moment où EDF compte déployer des réacteurs pressurisés européens (EPR) de troisième génération en France et en Europe à une échelle « industrielle », l’ONG Greenpeace publie un rapport dénonçant « l’illusion de la relance nucléaire » au regard notamment des coûts associés à la technologie. 

Greenpeace atomise les ambitions de relance du nucléaire en France. « Une nouvelle page de l’industrie nucléaire va s’ouvrir. Le temps des grands projets nationaux est revenu » affirmait début mars le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, vantant les mérites de « l’excellence nucléaire française », porté par un regain d’intérêt pour l’atome dans le monde.

Une obstination déplorée par Greenpeace qui pointe du doigt « les promesses d’une technologie qui pourrait sauver le climat », mais qui comporte « une réalité bien différente ». Mardi 19 mars, l’ONG publie un nouveau rapport démontrant « l’irréalisme total des prévisions d’EDF pour la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 ». Titré « Coût du ‘nouveau nucléaire’ : l’insoutenable légèreté d’EDF », le dossier revient sur le « fiasco » des derniers réacteurs construits par la France.

Explosion des coûts et des délais

« Les coûts de production et les délais de construction ont explosé sur chaque chantier » alerte Greenpeace. Aujourd’hui, seules deux centrales dotées d’EPR d’EDF sont en marche dans le monde, en Finlande et en Chine. Le démarrage commercial de l’EPR de Flamanville annoncé pour mi-2024, lui, accuse un retard de près de douze ans tandis que « son coût a déjà été multiplié par six ». Outre-manche, même refrain. L’électricien français a récemment annoncé que son chantier à Hinkley Point pourrait connaître jusqu’à six ans de retard et un quasi doublement de la facture initiale.  

Dépassements des coûts de construction des EPR dans le monde
Dépassements des coûts de construction des EPR dans le monde, graphique extrait du rapport. Crédit : Greenpeace France

Du côté des six nouveaux réacteurs EPR2 commandés par l’État à EDF, l’histoire est en passe de se répéter. Selon une information du journal Les Échos dévoilée lundi 4 mars, le coût prévisionnel du programme de construction est désormais évalué à 67,4 milliards, soit une hausse de 30% par rapport à la première estimation. Si le nouveau chiffrage n’a été confirmé ni par EDF ni par l’État, il a ravivé les doutes sur la capacité de l’électricien à livrer ses chantiers dans les clous budgétaires et temporels.

Pour Greenpeace, ces réévaluations à la hausse successives du coût témoignent du « manque de préparation de la filière nucléaire » et de « l’immaturité du projet de relance du nucléaire » et rendent « caduques » les hypothèses des scénarios de mix électrique RTE incluant du « nouveau nucléaire », à partir desquelles sont prises les décisions politiques. 

Un scénario catastrophe

Passés les effets d’annonce de l’exécutif, les scénarios étudiés par l’ONG sont en effet bien moins reluisants. D’après ses estimations, le coût de l’électricité fournie par les EPR2 sera de l’ordre de 135 à 176 €/MWh, bien au-delà du tarif actuel de 70 €/MWh. S’il est à ce jour impossible de déterminer le montant de la facture finale, elle dépassera probablement les 100 milliards d’euros, selon le rapport. 

Pour Greenpeace, les délais annoncés ne sont pas plus crédibles. Alors qu’EDF prévoit une échéance comprise entre 105 mois pour le premier réacteur EPR2 et 90 mois pour le dernier, l’ONG rappelle que la durée moyenne de construction des EPR actuellement en service dans le monde est de 156 mois.

Dépassements des délais des chantiers des EPR dans le monde
Dépassements des délais des chantiers des EPR dans le monde, graphique extrait du rapport. Crédit : Greenpeace France

« La rentabilité du projet ‘nouveau nucléaire’ apparaît ainsi largement compromise et ses conséquences sur les contribuables ou les finances publiques s’annoncent insoutenables » prévient l’ONG pour qui le projet ressemble davantage à « un gouffre financier qu’à une solution d’avenir pour la transition énergétique ».

Au détriment des énergies renouvelables 

En outre, les milliards investis dans la relance de l’atome sont autant de fonds qui ne seront pas alloués à d’autres solutions décarbonées en vue d’accélérer la transition énergétique. Pour Greenpeace, le « nouveau nucléaire » fait ainsi « diversion face à l’urgence climatique », là où ces milliards devraient « être investis de toute urgence dans des mesures de sobriété et d’efficacité énergétiques et dans le développement des énergies renouvelables ».

L’ONG appelle le gouvernement à « entendre raison » et à « sortir de l’illusion du nucléaire comme énergie salvatrice », évitant ainsi de « gaspiller des dizaines de milliards dans une technologie trop chère, trop lente à déployer pour faire face au dérèglement climatique, productrice de déchets dangereux dont on ne sait que faire et risquée ».

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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