Les poussins de manchots empereurs, premières victimes de la fonte de la banquise en Antarctique

Par Charlotte Combret , le 25 août 2023 - 4 minutes de lecture
poussin manchot empereur fonte des glaces

Un manchot empereur âgé de six semaines à Snow Hill, en Antarctique. Crédit : Natalia del rio / Solent Ne / SIPA

Alors que 100 % des poussins sont victimes de la fonte des glaces dans de nombreuses colonies d’Antarctique, les manchots empereurs pourraient devenir la première espèce polaire à disparaître en raison du dérèglement climatique. 

Depuis plusieurs décennies, les scientifiques assistent impuissants au déclin de l’espèce. « Nous le prévoyions depuis un certain temps, mais le voir réellement se produire est sinistre » révèle Peter Fretwell, chercheur au British Antarctic Survey. Le constat dressé par l’étude publiée le 24 août dans la revue Communications Earth & Environment à laquelle il a participé, est glaçant. Sur quatre des cinq colonies surveillées en Antarctique, du côté de la mer de Bellingshausen, 100 % des poussins n’ont pas survécu. Les nouveaux-nés ont succombé au froid ou à la noyade, après avoir vu la glace se dérober sous leurs minuscules pattes. Voyant leur habitat naturel fondre à vue d’œil, ces oiseaux endémiques du Continent Austral avaient rejoint la triste Liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) parmi les espèces « quasi menacées ». Pour Peter Fretwell, la menace est plus que jamais réelle. « Il s’agit du premier échec majeur de la reproduction des manchots empereurs dans plusieurs colonies en même temps en raison de la fonte des glaces de mer, et c’est probablement un signe de ce qui nous attend à l’avenir ».

Glace et vies se brisent

La période de reproduction des manchots empereurs s’étale sur de longs mois, en plein cœur de l’hiver austral. Chaque année, quand arrive le mois de mars, les adultes entament leur célèbre marche. Ce rituel immuable qui s’étend sur plus d’une centaine de kilomètres, avait été raconté par Luc Jacquet dans son film « La Marche de l’Empereur », en 2005. Une fois le site atteint, toujours le même, les femelles manchots pondent leur œuf. Un seul. Ce sont ensuite les mâles qui prennent le relais. Ils les garderont au chaud, sans bouger ni manger, jusqu’à leur éclosion, une soixantaine de jours après. Vers les mois de janvier-février de l’année d’après, les poussins sont à peine autonomes. Or en 2022, lors du printemps de l’hémisphère sud, le manteau blanc de l’Antarctique s’est liquéfié en un temps record. Cette fonte précoce de la banquise, eau salée congelée provenant de l’océan, s’est déroulée au beau milieu de la période de reproduction des manchots empereurs. En février, elle atteint son niveau le plus bas depuis le début des mesures satellitaires, il y a de cela 45 ans.

un père manchot empereur et son poussin
Un père manchot empereur et son poussin, qui se blottissent l’un contre l’autre pour se réchauffer à Terre Adélie en Antarctique. Crédit : Samuel Blanc / Solent News / SIPA

Disparition programmée

Alors que l’Arctique pourrait être privé de glace de mer en période estivale dès 2030, l’Antarctique et sa faune polaire n’est pas épargné par le changement climatique. Pour le moment, environ 250 000 couples reproducteurs de manchots empereurs peuplent encore la planète, mais jusqu’à quand ? Capables de dénicher des sites de reproduction alternatifs, la capacité d’adaptation de l’espèce ne fera sans doute pas le poids face à la vitesse de fonte des pôles depuis 2016. D’après les scientifiques, « une telle stratégie ne sera pas possible si l’habitat de reproduction devient instable au niveau régional ». D’autant qu’il ne s’agit pas de la seule menace qui pèse sur leurs plumes. Ces oiseaux marins sont également fragilisés par l’acidification des océans, autre conséquence directe du dérèglement climatique, qui met en danger certains des crustacés dont ils font leur repas. Selon le British Antarctic Survey, si le climat continue de se réchauffer au rythme actuel, la quasi-totalité des manchots empereurs aura disparu d’ici la fin du siècle.

Source AFP

Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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